Éditorial de juillet 2021
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L'esprit un peu confus, Djihème abordait l'été 1971 de ses 17 ans avec enthousiasme mais aussi quelques doutes et interrogations.
Ses goûts musicaux du moment oscillaient entre le rock puissant et agressif des Stones, de LedZep, Deep Purple et autres Who, et les ballades folk qui naissaient sous ses doigts de guitariste cantonné, faute de moyens, à une vieille acoustique à cordes nylon.
Sur son cyclomoteur arnaché comme un cheval de bât, sac à dos et housse de guitare arrimés à un échaffaudage de cornières boulonnées au porte-bagages, il roulait de Lyon vers la Drome, impatient d'y honorer le rendez-vous fixé de longue date, durant l'année scolaire, avec copines et copains d'adolescence.
Les retrouvailles, autour du feu de bois central de ce modeste campement de canadiennes, furent généreusement arrosées.Le lendemain, la petite colonie passablement vaseuse établit puis travailla un répertoire hétéroclite.
Le projet : silloner Drome et Ardèche en vélo, cyclo, auto-stop et y passer ces deux mois d'été avec, pour uniques ressources, quatre voix, deux guitares, un harmonica et un tambourin.
L'accueil dans les villages fut variable. La petite troupe vêtue à l'afghane, à l'indienne, bigarrée, trouée, rapiécée ne se fondait pas toujours dans la couleur locale, souvent à dominante grise ou sépia. Fantaisies vestimentaires et cheveux longs se heurtaient souvent à des préjugés d'un autre temps.
Le fond de chapeau qui devait assurer la subsistance, la manche, se révélait souvent misérable et ne permettait qu'un maigre repas de pâtes et de fruits locaux.
La maréchaussée, parfois appelée à la rescousse par un commerçant incommodé, chassait les importuns et dressait un PV de mendicité assorti d'une amende de 50 Francs.
Dormir sur la route, loin du campement, nécessitait de l'astuce, de la débrouillardise et de l'inventivité. Les rencontres, lors des périples en auto-stop, furent parfois assorties de l'hospitalité d'une nuit, avec douche et petit déjeuner, l'ensemble dans une débauche de musiques et de chants.
A son retour, Djihème savait que sa vie n'aurait plus jamais la même saveur. Ses doutes, ses incertitudes s'étaient dissipés. Pop, rock, folk, plus rien n'importait excepté jouer, jouer, jouer. Quels que soient les accents, les styles, les chapelles, seule comptait désormais La Musique qui serait à jamais sa ligne, sa destinée.
Djihème vit toujours à Lyon. Il y promène sa grande carcasse de vieux rocker, son étui de basse à la main, son crâne maintenant dégarni coiffé d'un étrange et vieux chapeau cabossé, celui-là même qui avait assuré sa subsistance et scellé son destin, en cet été de 1971...
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