Ce qui guide Artémis, à l’instar de son frère Apollon, c’est l’horreur de l’hybris. Elle n’est pas purement, comme le sont Athéna et Hermès, une figure de l’intelligence rusée, de la mètis. Il semble en fait que ses stratagèmes se fondent toujours en un miroir tendu à la victime pour qu’elle y mire l’horreur de sa sauvagerie. Ou encore Artémis se sert de la sauvagerie de son ennemi pour retourner, comme en certains sports de combat venus d’Asie, sa force contre lui-même. C’est cette sauvagerie, cette altérité radicale et lui revenant en reflet, qui anéantit celui qui est plein de fureur. De l’autre côté, le faible devient fort de la même façon : le gypse blanc, étincelant dans la nuit, emplit de force une poignée d’hommes, effrayant un camp d’ennemis partis en une injuste et mortelle guerre.

Le monde d’Artémis est celui de l’inquiétant : les choses se retournent, sortent de leur quotidienne banalité, pour nous faire entrer dans un monde étrange. Souvenons-nous de cet exemple donné par Freud dans L’inquiétante étrangeté. Un jeune couple s’installe dans un appartement où se trouve une table avec des pieds en forme de crocodiles. Ces derniers présentent, la nuit venue, tous les signes d’une présence vivante : odeurs, frôlements, plongeant les jeunes gens dans l’effroi. Des objets, certes un peu étranges en eux-mêmes mais non angoissants de jour, deviennent des choses qui vont dévorer les objets que sont devenus les jeunes gens eux-mêmes, leur animation nocturne faisant naître le bois au désir. Dans le monde artémisien, les rochers peuvent hurler comme des hommes, les torches ressembler à une armée, de pauvres soldats avoir l’apparence de dieux. Les objets qui surgissent de l’eschatia sont proprement anamorphiques (...)

Macary-Garipuy, Pascale. «** Du bain de Diane à Artémis l'ensauvagée **», Psychanalyse, vol. no 3, no. 2, 2005, pp. 33-52.
https://www.cairn.info/revue-psychanalyse-2005-2-page-33.htm

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