JO 2024 : le champ d’application du projet de loi olympique va bien au-delà des seuls Jeux

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Le texte, qui sera examiné au Sénat à partir du 17 janvier, comporte onze articles « susceptibles de s’appliquer à d’autres situations » que les Jeux et « de façon pérenne », a relevé le Conseil d’Etat. Particulièrement en matière de sécurité.

La suggestion n’a pas été suivie. Dans son avis, publié le 15 décembre 2022, sur le projet de loi « relatif aux Jeux olympiques et paralympiques [JOP] de 2024 », le Conseil d’Etat avait proposé au gouvernement d’ajouter à cet intitulé les termes : « Et portant diverses autres dispositions ». Le texte, adopté en conseil des ministres le 22 décembre et qui viendra devant les commissions de la culture et des lois du Sénat, à partir de mardi 17 janvier, en est resté à sa dénomination d’origine.

A travers cette proposition, les juges administratifs avaient voulu souligner une chose à propos de ce projet et de ses dix-neuf articles : il vise certes à « adopter quelques mesures complémentaires nécessaires à l’organisation » des JOP à l’été 2024, comme le met en avant le gouvernement, mais le champ des « adaptations » législatives qu’il comporte (touchant à la sécurité, la santé, la publicité, le travail dominical…) s’étend au-delà de ce seul événement.

Les JOP constituent une opportunité, pour l’exécutif, de faire adopter un certain nombre de dispositions qui ne se limitent pas à leur durée – elles s’appliqueront avant les Jeux, dès l’entrée en vigueur de la loi, et après de façon durable – et qui ne concernent pas seulement le domaine sportif, mais aussi les manifestations culturelles ou « récréatives ».

Interdiction de stade

« Huit articles ne sont applicables qu’aux prochains Jeux olympiques et paralympiques de 2024, dont deux ont un caractère expérimental », a recensé le Conseil d’Etat, ajoutant qu’« onze autres articles créent des dispositions nouvelles ou modifient des dispositions existantes de façon pérenne et seront donc susceptibles de s’appliquer à d’autres situations ».

« C’est une tentation forte (…) d’utiliser ce type de compétition comme cheval de Troie pour faire passer des mesures sécuritaires », déplore Ronan Evain, de Football Supporters Europe

Cela vaut particulièrement pour les mesures relatives à la sécurité. Le gouvernement ne s’en cache pas : il s’agit de « mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin d’assurer la sécurité des Jeux et, plus largement, des grands événements que la France accueille ». « C’est une tentation forte, dans les pays autoritaires, mais aussi dans les pays démocratiques, d’utiliser ce type de compétition comme cheval de Troie pour faire passer des mesures sécuritaires qui n’ont pas toujours grand-chose à voir avec la manifestation en elle-même », relève, pour le déplorer, Ronan Evain, directeur général de l’association Football Supporters Europe.

Ce dernier est d’autant plus attentif, que certaines dispositions s’appliqueront dans les enceintes de football. Il en va ainsi de l’interdiction de stade que le gouvernement veut rendre obligatoire pour un certain nombre d’infractions liées à des violences ou perturbations. Aujourd’hui facultative, cette peine est peu utilisée selon l’exécutif : « En 2021, seules 24 peines ont été prononcées », relève le projet de loi. Or, le gouvernement considère qu’il s’agit « pourtant d’une peine particulièrement dissuasive ».

Présenté comme « un message fort », le caractère obligatoire concernerait « les délits les plus graves d’atteintes à la sécurité » : accès en état d’ivresse à une enceinte sportive en se rendant coupable de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à huit jours ; accès en état d’ivresse par force ou par fraude ; introduction, détention ou usage de fusées ou artifices ou introduction d’objets susceptibles de constituer une arme. « C’est clairement le football qui est visé », relève Ronan Evain, estimant que « cette automaticité sera problématique ».

Entrer sur un terrain « sans motif légitime » constituera un délit Autre « adaptation » législative qui fait partie des mesures « en parfaite adéquation et proportionnalité » avec l’objectif d’« adapter certaines dispositions de notre droit aux contraintes propres à l’organisation d’un événement », comme les JOP, mais dont la portée va au-delà : le renforcement des sanctions en cas de violence ou de perturbation lors de rencontres sportives.

Le gouvernement propose de transformer deux infractions en délits lorsqu’elles sont commises en récidive ou en réunion : six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende en cas d’entrée ou de tentative d’entrée, par force ou par fraude (sans billet) dans une enceinte sportive lors d’une compétition ; 7 500 euros d’amende en cas d’entrée ou de maintien sans motif légitime, sur le terrain d’une enceinte sportive lors d’une compétition.

Cette dernière disposition doit « permettre de sanctionner les personnes qui, à l’issue d’une manifestation sportive, pénètrent sur l’aire de compétition alors qu’elles n’y sont pas autorisées », selon le gouvernement. Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer Libertés à Amnesty International France, s’inquiète toutefois de sa possible application aux activistes écologistes qui ont, ces derniers mois, interrompu des manifestations sportives.

Les JOP ne seront également qu’une étape en matière d’élargissement du « criblage » et d’extension de l’utilisation des scanners corporels. Dans le premier cas, il s’agit de subordonner l’accès de toute personne autre que les spectateurs à une enquête de sécurité préalable. Durant le rendez-vous olympique, cela concernera les membres des délégations, bénévoles et prestataires. Hors des Jeux, cette disposition s’appliquera aux participants aux « grands événements » exposés à un risque de menace terroriste. Surtout, cette mesure sera également effective pour les fan-zones.

Déjà déployés dans les aéroports, les scanners corporels seront quant à eux mis en place à l’entrée des sites olympiques afin d’« augmenter la fluidité des contrôles ». Ils pourront aussi être autorisés dans les enceintes sportives en général (lors de la Coupe du monde de rugby en 2023 en particulier), ainsi que dans les lieux accueillant plus de 300 personnes pour des manifestations « récréatives ou culturelles ». « Cela a été utilisé pour les Coupes du monde de football en Russie et au Qatar, la source d’inspiration n’est donc pas forcément la meilleure », fait remarquer Ronan Evain, qui ajoute : « Cela pourrait être acceptable si cela limitait le recours à la palpation, mais, dans les deux cas, cela venait en plus. »

Vidéosurveillance « intelligente » : une expérimentation temporaire de longue durée

L’article proposant d’autoriser l’utilisation de systèmes d’intelligence artificielle (IA) pour traiter les images de vidéosurveillance fait aussi partie des dispositions du projet de loi olympique dont l’application s’étendra au-delà des JOP. S’il s’agit de créer « à titre expérimental, et pour une durée limitée, un cadre juridique nouveau », ce temporaire sera de longue durée : « l’expérimentation court dès l’entrée en vigueur de la loi (…) et jusqu’au 30 juin 2025 », expose le gouvernement. Le texte initial envisageait une expérimentation jusqu’à la fin de décembre 2024. Le Conseil d’Etat a demandé à prendre six mois de plus « pour permettre d’en tirer toutes les leçons utiles ». La mise en place de ces algorithmes d’IA concernera plus largement les « manifestations récréatives, sportives ou culturelles » exposées à des risques d’actes terroristes ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes. Elle s’appliquera « dans les lieux ou aux abords » accueillant ces manifestations, mais aussi « dans les moyens de transport et sur les voies les desservant ».

https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/01/16/jo-2024-le-champ-d-application-du-projet-de-loi-olympique-va-bien-au-dela-des-seuls-jeux_6158006_3242.html

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