ENTRETIEN. « On a vu Poutine dans une position de soumission »

Le sommet de Samarcande, où étaient réunis en fin de semaine les dirigeants chinois, indien, turc, iranien et russe, a montré un Vladimir Poutine en position de quémandeur, selon Jean-François Bouthors, essayiste, qui publie Poutine, la logique de la force, aux éditions de l’Aube.

J’ai deux images en tête. D’abord le face-à-face entre Xi Jinping et Poutine. Si on prend l’image des grands mafieux, c’est le chef. Il trône. Il est heureux, rond, souriant. Rien ne semble devoir l’ébranler. Et Poutine, en face, qui a souvent voulu se montrer dynamique, guerrier, combattant, viril, musclé, Rambo, là, il est courbé sur la table pour essayer de répondre à Xi Jinping qui lui a fait part de ses préoccupations. Il est vraiment dans une situation de quémandeur, de faible. On a l’impression qu’il passe un examen, et un examen qu’il n’est pas sûr de réussir.
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Il était dans une position de soumission, c’est cela qui m’a frappé. Et c’est en fait le reflet de la réalité. Qui est puissant aujourd’hui en Asie ? C’est Xi Jinping. C’est la Chine, pas la Russie. Et la Chine profite en plus de l’affaiblissement que la Russie est en train de s’imposer à elle-même avec cette guerre, puisqu’elle détruit son outil militaire, son outil de puissance. Et il faut se souvenir qu’il y a une tradition d’affrontements russo-chinois, dans l’histoire, y compris sino-soviétiques. Les Chinois n’ont pas besoin de faire la guerre à la Russie, mais ce sont eux qui vont dominer. La preuve, c’est qu’ils achètent maintenant le gaz et le pétrole que Poutine ne peut plus vendre sur le marché aux Occidentaux. Les Chinois lui achètent au quart du prix. Ce sont les rois.
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Au fond, quand on veut jouer dans la logique installée par Poutine depuis 2000, en disant le monde est une cour où celui qui gagne est celui qui frappe le premier, on bute à un moment. Lorsqu’on n’est plus capable d’agir selon cette logique, on est obligé de se soumettre. Et c’est ce qui est en train d’arriver à Poutine.
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On a eu ensuite le premier ministre indien, Narendra Modi qui dit, je vous ai téléphoné et dit que ce n’est plus le moment de faire la guerre. Et Poutine reçoit une leçon de l’Inde qui est la deuxième puissance asiatique. Et Poutine lui répond, on va faire en sorte que cela s’arrête. Donc la grande alliance mondiale qu’on a brandie pour nous faire peur, en disant que 45 % de la planète est contre les Occidentaux, elle n’a pas la consistance qu’on lui a prêtée. Notamment les gens qui soutiennent, par intérêt ou par lâcheté, Poutine. C’est une coalition de circonstances et d’intérêts contradictoires. On n’est pas dans le multipolaire. On est dans la coalition des cyniques, où chacun se dit : que puis-je en tirer ? Et certains sont plus forts que d’autres, et ce n’est pas le cas de Poutine.
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Et le troisième de cette bande, c’est Erdogan. Qui lui aussi est en train d’essayer de restaurer sa puissance, notamment autour de la mer Noire, puisque la Turquie est partie prenante et il a des intérêts à défendre et des atouts puisque c’est la Turquie qui tient les détroits. On a, en fait, une coalition cynique de gens qui, tous, essayent de profiter de la situation. Aux dépens de Poutine, selon moi.

https://www.ouest-france.fr/europe/russie/on-a-vu-poutine-dans-une-position-de-soumission-cdab8460-3749-11ed-b79f-0de98afd3970

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