« Ça va péter ! » : la hantise d’une explosion sociale de grande ampleur

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Il y a exactement cinq ans sortait en librairie le septième roman de Michel Houellebecq, Sérotonine (Flammarion), qui décrivait avec une précision chirurgicale la fronde du monde paysan face aux dérives de l'agro-industrie, à l'empilement des normes, administratives comme européennes, et aux salaires de misère. L'ouvrage, dont on espère qu'il ne sera pas davantage prémonitoire, s'achève sur une scène violente lors de laquelle une vingtaine de paysans au désespoir bloquent l'autoroute entre Paris et Caen et mettent le feu à leurs engins agricoles, affrontant les CRS à l'arme lourde.

C'est le scénario de la spirale qui taraude le gouvernement; alors que la révolte du monde paysan, endeuillée par la mort accidentelle sur un barrage d'une agricultrice et de sa fille, ne semble pas retomber. Et ce, malgré les annonces du Premier ministre, Gabriel Attal, jugées insuffisantes par la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) et les Jeunes Agriculteurs (JA) qui prévoient d'organiser à compter de ce lundi un siège indéterminé de la capitale. Au-delà de la question agricole, cela fait des mois que nombre de responsables politiques, toutes tendances confondues, alertent en coulisses sur une France transformée en « Cocotte-Minute », allant jusqu'à décrire pour certains un climat « pré-insurrectionnel ».

Leur hantise ? Une potentielle révolte de grande ampleur qui ferait la jonction entre tous les mécontentements, du ras-le-bol des normes à la vie devenue trop chère, des difficultés de se loger à de potentielles nouvelles émeutes dans les quartiers populaires. « Ça va péter ! Je sens un climat révolutionnaire. On va vers une explosion sociale à multifacettes », s'inquiétait cet automne un ancien ministre de Jacques Chirac, spécialiste des questions sociales, très pessimiste pour la suite. « On accumule les sujets de mécontentement. Un jour ou l'autre, la facture va arriver et je crains fort un remake des Gilets jaunes », s'alarmait un autre ancien responsable gouvernemental. Pour la plupart élus de terrain, les pieds plantés dans la glaise, ces « lanceurs d'alerte » d'un autre genre font remonter leurs craintes, comme ils le peuvent, au pouvoir exécutif, pas toujours à l'écoute. Car tous redoutent « l'étincelle » qui mettra le feu aux poudres.

Emmanuel Macron le sait, la France est éruptive. Ses deux quinquennats sont une succession de secousses, des Gilets jaunes aux manifestations monstres contre ses réformes des retraites – la première avortée à l'hiver 2020 –, en passant par la violente explosion estivale des banlieues. « Humez l'air de nos campagnes, tendez l'oreille à ce qui se passe dans le pays ! » répète-t-il aux membres du gouvernement dans le huis clos du Conseil des ministres. Les ingrédients d'un embrasement, de fait, sont sur la table, entre la hausse annoncée des franchises médicales et des tarifs de l'électricité de 8,6 à 9,8 % au 1er février. Et les avertissements répétés de Bruno Le Maire sur la nécessité de procéder à 12 milliards d'euros d'économies pour 2025 ne sont pas pour rassurer.

En petit comité, Gabriel Attal et ses équipes s'attendent pour leur part à ce que cette tension s'exprime plutôt dans les urnes lors de la présidentielle de 2027, convaincus que le cœur battant du pays ne veut pas de la « chienlit » dans les rues. « Tout ça se finira soit par une insurrection populaire, soit par une insurrection électorale avec Marine Le Pen et Jordan Bardella. Et il faudrait presque souhaiter que ça pète dans les urnes plutôt que dans la rue… » se résigne en écho un cadre du PS. C'est l'autre immense inquiétude des responsables des partis dits de gouvernement : que le Rassemblement national, le parti de la colère, capte l'exaspération. Selon un sondage Ifop pour Le Nouvel économiste publié ces tout derniers jours, la liste de Jordan Bardella pour les élections européennes du 9 juin se qualifie en pole position avec 31 % des intentions de vote, 12 points devant la liste macroniste. Du jamais-vu.

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