Contrepoint du beau, le laid est lui aussi relatif à une époque, une culture, un milieu social selon les variations des critères du jugement esthétique et moral. Le laid donne l'impression de désagréable, inspire le dégoût, la répulsion, voire le rejet dans une connotation morale. D'où vient l'impression de laideur ? De la disproportion, de la disharmonie, on le > > sait depuis des siècles. Mais ce qui était relativement rare dans la peinture occidentale est devenu plus répandu au XIX° siècle et fort commun à l'aube du XXI° siècle. On n'a retenu ici que des peintures ; il est évident que les exemples eussent été bien plus nombreux en élargissant le champ de l'enquête à la photographie.
Quelle est la fonction du laid quand le peintre y a recours volontairement ? Le laid peut n'être que la conséquence d'une représentation hyperréaliste, comme les visages des personnages âgées : l'artiste rend palpable les ravages du temps, la mort qui vient ; la laideur vise à émouvoir le spectateur, quand elle ne tourne pas au grotesque tragique avec le même objectif.
Le Temps et les Vieilles (1810), Goya
REVOLUTIONS DANS L'ART
Le XIX° siècle marque un tournant décisif avec l'arrivée des Romantiques. Victor Hugo tourne ainsi la page des conventions esthétiques classiques dans la Préface de Cromwell : « Dans la pensée des modernes, le grotesque a un rôle immense... Le beau n'a qu'un type, le laid en a mille ».
Quand le Naturalisme, aujourd'hui très accepté, s'épanouit au cours du XIX° siècle, la réaction du public a été de crier à la laideur. L'Olympia de Manet a été huée. Elle passe aujourd'hui pour l'un des chefs-d'œuvre du siècle. Toulouse-Lautrec, avec La Femme tirant son bas (1894, Musée d'Orsay) peint des chairs d'une teinte verdâtre qui suggère le dégoût, tandis que l'autre fille a un profil hideux.
Toulouse-Lautrec- La Femme tirant son bas
Georg Scholz. Les Paysans-Industriels, 1925.
Jean Rustin - D'abord Pourquoi pas ?