Dieu sait ce que mon cerveau a vecu pendant la nuit. Je me suis levé avec une terrible gueule de bois du système émotionnel. Je me sens comme un cachalot échoué sur une plage. Toute cette souffrance que le monde transpire me colle à la peau, me fout la nausée. J'ai besoin de solitude, de silence des infos, même les plus quotidiennes. Je suis assoiffé de rien.
Pourtant j'ai l'habitude rassurante du thé au réveil. Non seulement parce que sa douce stimulation me sort efficacement des torpeurs matinales, mais aussi parce que le soin exigé par sa préparation commence à retisser un réseau de neurones un peu éraillé par les cauchemars.
J'ai le choix du style de ma résurrection : de la caresse furtive à la bourrade amicale en passant par les massages sensuels.
Mon état du jour exige douceur non invasive, attentions précautionneuses et, maigré tout, progressive remise en selle. Il faut bien vivre.
J'ai choisi un Yunnan d'or. Un vieil ami dont je connais les moindres ruses. Il m'a donné, comme d'habitude ses encouragements avec tact et discrétion sans que j'aie le moins du monde à m'investir, avec une élégance qui est rarement l'apanage des thés rouges.

Le soleil a écarté la lourde tenture des nuages. Mon fauteuil est à côté de la fenêtre. Mon regard suit les ondulations des hautes herbes semées d'ancolies. Je suis prêt pour encore plus de douceur. Une envie de sucré dans le rien.
En imagination, le parfum vanillé du Sangri La du Népal me monte aux narines, me tente, me titille assez pour me faire lever, préparer une autre théière. Laisser tiédir. Ni trop ni trop peu. Trop chaud, ce thé blanc est constipé, il se retient. Trop froid il se légumise. Il faut saisir le moment où il se deguise en parterre et ... s'imprégner.
Après... ben la journée est finie. Ce qui va se dérouler ensuite ne sera plus du même ordre. Nous allons retourner en sauvagerie.

Journal du thé 2017- Extrait
Lécriteur
#thé

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