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Gazette n°113
mercredi 18 novembre 2020
LE MÉNAGE
“...Mon cire-godasses, mon repasse-limaces
Mon tabouret-à-glace et mon chasse-filous !
La tourniquette à faire la vinaigrette
Le ratatine-ordures et le coupe-friture...”
Je repensais à cette chanson de Boris Vian, “La complainte du progrès” après la visite lundi dernier, d’un personnage assez étrange.
J’étais en train de faire un brin de ménage. Ce n’est pas mon fort, mais quelquefois il faut bien s’en occuper.
Il a toqué à la porte de ma librairie fermée pour cause de pandémie. Il avait un masque sur le visage... j’ai pris le mien, et j’ai ouvert la porte.
— Bonjour cher monsieur, je m’appelle Henri-Marcel de Polisson-Marie, m’a-t-il dit avant même que je ne puisse moi-même le “bonjourer”.
J’allais lui serrer la main, mais mon ange gardien m’a rappelé à l’ordre “Tsss Tsss, pas de serrage de louche, Denis !”
Nous nous sommes touché les coudes en souriant des yeux.
— Bienvenue ! l’ai-je donc accueilli.
— Je vois que vous êtes en plein ménage, et justement, je peux vous aider.
— C’est très gentil, ai-je dit, mais vous savez, je peux le faire tout seul.
Ça a eu l’air de l’amuser.
— Non non, ce n’est pas ça, mais voilà, je suis inventeur et je peux vous proposer quelque chose qui va faciliter votre travail.
Moi, dès qu’il s’agit de ne pas me fatiguer avec cette corvée... tout m’intéresse !
— Il s’agit de ? demandais-je en le faisant entrer très civilement.
C’est là qu’il me présenta une sorte de boîte en fer.
— Philibert ! fit-il en écartant les bras comme on accueille le vainqueur du tour de France.
Je ne comprenais rien. Et mon regard allait d’Henri-Marcel à Philibert et de Philibert à Henri-Marcel.
— Philibert ?
Il me regarda droit dans les yeux, heureux d’avoir fait son petit effet.
— Oui, ça n’a pas l’air comme ça, mais cette petite boîte en fer est au sommet de la technologie de pointe. Je l’appelle Philibert, mais en fait c’est un Ouvrier Virtuel d’Usage Libre.
Un “OVUL” ? Là, j’ai froncé les sourcils, j’avais vraiment l’impression qu’il me prenait pour une quiche.
— Mmmmh ? grommelai-je.
— Voulez-vous que je vous en fasse la preuve ?
— Faites... répondis-je suspicieux, mais un rien curieux.
Il tapa dans ses mains en disant :
— Glag mazelltof tagada tsoin !...
Il se tourna vers moi en précisant :
— ...je suis désolé, je ne lui ai pas encore appris le français.
— Ah ! fis-je en écarquillant les yeux et en scrutant la... boîte en fer.
Un brouillard épais envahit immédiatement la pièce. Je voyais à peine le bout de mon nez. Un bruit strident me scia les tympans.
Au bout de quelques secondes :
— Zut ! entendis-je.
Il y eut un bruit bizarre de boîte en fer remplie de clous qu’on trimballe. La porte de ma boutique qui s’ouvre et se referme précipitamment.
Après trois heures d’aération de la pièce, le brouillard avait fini par s’évanouir et je découvrais alors que le ménage était... raté : une couche de poussière bizarre recouvrait tout.
— La technologie ! Mon cul !
Et j’ai repris plumeau et chamoisine...

Épinac, le 18 novembre 2020

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En relation avec “Gazette” n°113, vous pouvez lire un extrait de “Made in Cocorico” de Jean-Louis Foucherot (Denis éditions, juillet 2017).
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