De la Syrie à l'Ukraine, les similitudes des guerres menées par la Russie
Le siège de la ville de Marioupol rappelle celui d'Alep. Dans les deux pays, l'armée russe déploie une stratégie parfois comparable.
Depuis une colline près d'Idlib, un camp de réfugiés au Liban ou une manifestation à Paris, de nombreux Syriens ont fait part de leur émotion et apporté leur soutien aux Ukrainiens, alors que l'armée russe poursuit depuis plus d'un mois son offensive en Ukraine. Dans les images de villes bombardées et de civils touchés, ils disent voir un écho de ce qu'ils ont subi quand Vladimir Poutine est intervenu en Syrie pour aider Bachar Al-Assad à vaincre les rebelles, à partir de 2015. Franceinfo a interrogé des experts sur ces similitudes, qui permettent de mieux comprendre les méthodes russes employées en Ukraine.
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Des négociations pour "paralyser" la situation
L'Ukraine et la communauté internationale ont rapidement réclamé l'ouverture de couloirs humanitaires, rappelant un autre enseignement de la guerre en Syrie. Là-bas, les civils empruntant ces corridors ont parfois été la cible de tirs. Certaines des routes ouvertes l'ont été en direction de territoires contrôlés par le régime et son allié russe, démoralisant les populations. "C'était un chantage constant pour placer les civils dans des situations impossibles, où leur salut ne dépendait plus que des décisions des Russes", explique Emile Hokayem.Ce scénario se reproduit aujourd'hui. L'Ukraine a dénoncé à de nombreuses reprises la présence de mines sur les routes d'évacuation ou le non-respect du cessez-le-feu, en particulier à Marioupol. Le 7 mars, Moscou a même proposé l'ouverture de corridors vers la Russie ou la Biélorussie, suscitant l'indignation de l'Ukraine et de la France. Des dizaines de milliers d'Ukrainiens ont réussi à fuir Marioupol, "mais par leurs propres moyens, à pied ou en voiture, dans des conditions extrêmement dangereuses pour leur vie", remarque Lucile Marbeau, une porte-parole du Comité international de la Croix Rouge, interrogée par Libération (article payant). "Pour l'heure, à Marioupol, la sécurité des couloirs n'a jamais été garantie."
"Nous sommes malheureusement toujours dans la même logique russe", a regretté Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, dans Le Parisien, le 16 mars, le chef de la diplomatie française dénonçant "des bombardements indiscriminés, des soi-disant 'corridors' humanitaires conçus pour accuser ensuite l'adversaire de ne pas les respecter et des pourparlers sans autre objectif que de faire semblant de négocier". En Syrie comme en Ukraine, Moscou a affiché une ouverture à des pourparlers qui, selon Emile Hokayem, ont surtout pour but de "paralyser" ses adversaires, dissuadés de durcir les sanctions ou l'aide militaire pour ne pas laisser passer cette opportunité.
Cette stratégie permet aussi à l'armée russe de gagner du temps et reconstituer ses forces. Moscou rencontre en effet en Ukraine des difficultés inattendues, qui illustrent certaines différences avec la Syrie. "Dans un premier temps, je pense qu'ils voulaient mener une guerre rapide, en frappant des infrastructures militaires stratégiques pour saper la volonté du gouvernement ukrainien", analyse Isabelle Facon, qui constate le rapide échec de cette stratégie. Un siège d'un mois à Marioupol n'était pas forcément le plan initial.Des différences que Poutine n'a pas anticipées
L'attitude de la communauté internationale change aussi la donne. En Ukraine, l'armée russe s'attaque à un Etat souverain, dirigé par un président élu démocratiquement, voisin de l'Otan et de l'Union européenne. Ces organisations ont immédiatement réagi et partagé des armes et des renseignements militaires avec les Ukrainiens. En Syrie, la présence de groupes terroristes qui combattaient Bachar Al-Assad a permis à la Russie d'intervenir avec "une forme d'assentiment des puissances occidentales", moins regardantes sur ses méthodes, ajoute Dimitri Minic."La fameuse ligne rouge d'Obama sur l'utilisation de l'arme chimique a été franchie sans conséquence" par le régime de Bachar Al-Assad, rappelle également Isabelle Facon.
Paradoxalement, ce précédent syrien peut aider à comprendre l'erreur de calcul de Vladimir Poutine en Ukraine. "Il est possible qu'il ait été galvanisé par ce qui est perçu comme un succès opérationnel en Syrie, et l'image de puissance militaire que cette intervention a renvoyée", analyse Isabelle Falcon. "Et qu'il se soit aveuglé" sur ses chances de réussite en Ukraine.
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