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Gazette n°110
mercredi 11 novembre 2020
HURLER DE TERREUR
En ce jour particulier, en mémoire de cette grande boucherie militaro-industrielle que fut la guerre 14-18, j’aimerais mettre en exergue quelques journaux de guerre, où un citoyen lambda raconte ce qu’il a vécu. Ainsi les “Mémoires du Sergent Bourgogne” de Adrien Bourgogne (campagne de Russie, 1812), “Cahier de la guerre de 1870-1871” anonyme (guerre 1870-1871), “La peur” de Gabriel Chevallier (guerre 1914-1918) et le témoignage de mon père dans “Dernier été à Saint Désert, une jeunesse sous la botte nazie” de Claude Gohin (1939-1945).
Hommage...
— NOOOOOOOON !
André se relève d’un coup dans son lit en hurlant de terreur, il est en sueur, les yeux exorbités par l’épouvantable frayeur de ses souvenirs : la tranchée, les cadavres en putréfaction dans la boue, les morceaux de corps qui jonchent les bords visqueux de ce boyau à demi-enterré. Ses copains encore en vie, ectoplasmes décharnés, qui attendent d’être déchiquetés eux aussi. L’espoir d’en finir mêlé à l’espoir d’en revenir.
— André ? Qu’y a-t-il ? demande apeurée son épouse qui dormait à ses côtés.
Il tourne la tête doucement vers son aimable compagne, comme si la lenteur devait ne pas réveiller les morts. Il est hagard, encore perdu dans son cauchemar quotidien... pourtant ça fait plus de deux ans qu’elle est finie, cette boucherie inhumaine, ce carnage ignoble. Il se rappelle le jour où il a planté la baïonnette dans le ventre d’un jeune homme simplement venu d’en face. Ce long bout de métal qui est allé lui déchirer les entrailles.
La pluie des obus, le bruit incessant de la mitraille, jour et nuit, métronome agaçant de la mort, l’odeur âcre de la poudre et métallique du sang, et la merde qui jaillit comme l’ultime soubresaut du vivant.
— Pardon ma chérie, toujours ma mémoire, mon cauchemar récurrent.
— Ce jeune garçon ?
Il la regarde, silencieux. Il plonge son âme au fond des yeux de son amour.
— Oui, finit-il par expirer dans un souffle de culpabilité.
Ils s’étreignent, il pleure, elle le rassure d’un baiser chaste.
— C’est fini mon amour.
— Jusqu’à quand ?
nb : à mon grand-père, André Gohin (1896-1991) qui, si cette histoire est “fictive”, il n’en reste pas moins qu’il s’est réveillé tous les matins en hurlant de terreur... plus de deux ans après cette infâme boucherie.
—Denis Gohin—
Épinac, le 11 novembre 2020
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En relation avec “Gazette” n°110, vous pouvez lire un extrait de “Dernier été à Saint Désert, une jeunesse sous la botte nazie” de Claude Gohin (Denis éditions, juillet 2016).
Ici :
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