TF1 entre à Marioupol avec l’armée russe : comment raconter la guerre aux côtés des occupants ?

journalisme de guerre en Ukraine
photo wikimedia commons/Mstyslav Chernov

Dans un article qui a fait le tour du monde - et a même été traduit dans différentes langues - les journalistes d’Associated Press racontent comment ils ont dû se résoudre, le 15 mars, à quitter Marioupol. Ils étaient alors les derniers reporters indépendants à couvrir l’agonie d’une ville assiégée par les forces russes, témoins essentiels, entre autres, du bombardement d’une maternité que le Kremlin s’est méthodiquement employé à nier. L’étau russe se resserrant autour d’eux, «traqués» par l’armée de Poutine, ils ont finalement été exfiltrés par des soldats ukrainiens.

Quatre jours plus tard à peine, une autre équipe de journalistes occidentaux parvient à entrer dans Marioupol. Il s’agit d’une équipe de TF1, qui se rend sur le terrain au côté des forces pro russes. Ce qui a donné lieu à la diffusion, au JT du 20 heures, d’un reportage au cœur de la ville martyr, dimanche 20 mars. «Notre équipe est l’une des premières à avoir pu pénétrer dans la ville aux côtés des troupes russes, des assaillants qui traversent des quartiers totalement détruits. Pour échapper à cet enfer, les civils sont prêts à tout, quitte à être évacués vers la Russie», explique en lancement Anne-Sophie Coudray. La méthode, après le témoignage poignant des journalistes d’AP, a interrogé de nombreux observateurs.

Sur les images, les journalistes présents sur place, Liseron Boudoul et Romain Reverdy, semblent effectivement avoir pris place dans une voiture flanquée d’un Z pour se rendre au nord-ouest de la ville. Initialement signe peint sur les véhicules et armements russes au début de l’invasion de l’Ukraine sur le front Est, la dernière lettre de l’alphabet est, depuis, plus généralement devenue un signe de ralliement prorusse. «On ne peut pas accéder à Marioupol tout seul. J’y étais accompagnée par les séparatistes prorusses du Donbass. Une région où je suis depuis plusieurs semaines. J’y suis allée avec quelques collègues russes et on est restés dans ce quartier une petite heure», a expliqué la grande reporter, le lendemain par téléphone sur LCI.
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Manque de contexte ?

C’est justement là que pêche le reportage de TF1, d’après Veronika Dorman, journaliste à Libération spécialiste de la Russie. «A aucun moment, il n’est dit que la guerre est la faute des Russes. Ils disent que la ville est assiégée mais il n’y a pas de sujets à leurs verbes. Il manque le contexte. Le contexte, c’est que la ville est pilonnée depuis 15 jours par les Russes. On voit une colonne de gens qui vont vers la Russie mais ils ne disent pas qu’il y en a 100 000 qui vont vers l’Ukraine», estime-t-elle. Sur ce dernier point, les autorités locales de Marioupol ont accusé jeudi les forces du Kremlin de procéder à des «déportations de masse» d’Ukrainiens vers la Russie, en forçant les habitants à monter dans des bus et en confisquant les passeports.

https://www.liberation.fr/checknews/tf1-entre-a-marioupol-avec-larmee-russe-comment-raconter-la-guerre-aux-cotes-des-occupants-20220326_3JB2AYZMAFF4ZNLKPNPLDDU3I4/

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