PREMIÈRES RÉPÉTITIONS

Quelques semaines avaient passé et je me donnais toujours à fond dans l'apprentissage du texte de la pièce. Alors, mes parents me rejoignirent et invitèrent mon grand frère et ma grande sœur à en faire de même, fixant un objectif intermédiaire : que tout le monde connaisse son texte pour les vacances de la Toussaint, afin de les consacrer aux répétitions.

Afin d'avoir plus d'espace, nous passâmes ces vacances à Cesson. Une estrade fut montée au fond du salon, un décor succinct fut installé, quelques accessoires furent regroupés et les premières scènes furent répétées.

Cette fois, il n'était plus question de faire les choses à ma guise parce que les répétitions ne peuvent se faire que sous la direction d'un metteur en scène et ça, ça ne pouvait pas être moi parce que je n'y connaissais rien en la matière. Il fut convenu d'un commun accord que ce serait Maman.

Le metteur en scène décida que les répétitions dureraient deux heures par jour avec une pause de dix minutes, voire plus si j'en éprouvais le besoin. Il s'avéra très vite que j'éprouvais effectivement un besoin au sujet de cette pause : la faire sauter parce que j'avais envie de répéter et répéter encore. Je ne voulais rien faire d'autre, n'avais que cela dans la tête, ne ressentais aucune fatigue et ne voulais pas perdre de temps. La pose n'ayant été prévue que pour moi parce que j'étais petite et que deux heures, ça risquait de me faire long, il n'y en eut jamais.

La plupart des scènes se jouaient entre mon père, ma mère et moi. Ce sont celles que nous répétâmes en premier. Caki et Nani n'y assistèrent pas. J'y appris toutes les règles de l'interprétation théâtrale.

Quand on répète un passage, il est rarement bien joué du premier coup. Pour autant, il ne faut jamais s'interrompre avant la fin de la dernière réplique du passage qu'on a choisi de travailler, même si on se trompe de paroles, de ton ou de gestes ; ceci afin de s'habituer à enchaîner quoiqu'il arrive. Si on s'aperçoit que quelque chose doit être amélioré, ce n'est pas grave, on poursuit. Ce n'est que quand on a terminé de jouer le passage en question qu'on discute de ce qui n'allait pas et qu'on recommence, autant de fois qu'il le faut, jusqu'à ce que ce soit bien interprété.

Ma mère, qui me connaissait bien pour m'avoir souvent aidé à faire mes devoirs, me disait parfois :
« Si t'en as marre, on laisse de côté…
- Non ! J'veux recommencer. Cette fois, ce sera parfait. »

Je ne me reconnaissais pas moi-même. Je n'en avais jamais marre. On aurait dit qu'une fée m'avait donné un coup de baguette magique sur la tête.

Certains passages de la pièce ne faisaient pas intervenir mon personnage.

« Si tu veux, pendant qu'on répète, Papa et moi, tu peux aller jouer dans le jardin, proposa ma mère. Y fait beau, profites-en !
- Oh ! J'ai pas l'droit d'vous regarder ?
- Si, t'as l'droit… mais à condition d'pas nous embêter. »

Je m'assis sur une chaise et regardai en silence mon père et ma mère jouer un passage déterminé. Quand ils eurent terminé, je fis remarquer que mon père s'était trompé dans une réplique.

« Ben non, c'est bien ça, on a bien dit notre texte. »

Non, non. J'étais formelle, mon père avait dit un mot à la place d'un autre. Ça ne modifiait pas le sens de la réplique. N'empêche ! le texte doit être respecté à la lettre.

Mon père alla chercher le script qui était posé sur le guéridon, y regarda et constata que j'avais raison.

Eh oui ! je ne connaissais pas seulement mon rôle, je connaissais la pièce dans son entier, au mot près.


SEX AND DESTROY un nouveau son rock ?
2ème partie : LA PRINCESSE DANS LE DONJON
Chapitre 15 : Mon choix
section 16 sur 26


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