Seul l’homme qui désire être intensivement plusieurs connaît vraiment les choses. Méprisant l’érudit, il demeure sans culture et il ne “comprend” rien. Il connaît. Il rencontre et il expérimente le monde dans son entier, toutes les pensées qu’il croise, les livres qu’il lit, les musiques qu’il écoute ou les peuples qu’il voit. Il connaît au sens où il est avec, au sens où il est et devient, lui-même, toutes ces choses qui lui sont extérieures. (…) Connaître quoi que ce soit, ce n’est pas commenter, lire ou analyser. C’est en faire l’expérience. Pour accéder aux choses, il faut tuer en nous les psychologues, les sociologues et même les philosophes. Il faut être poète. Il faut cesser de mépriser pour enfin accueillir.


Le “devenir inutile” est le terme qui désigne tous les efforts de résistance produits en vue de garder sa puissance et d’échapper à la confiscation de soi par autrui, c’est à dire échapper tout de suite, ici et maintenant, à toute aliénation. Le devenir inutile est l’expérience d’une radicalité. Etre en quête d’un devenir inutile, cela signifie souhaiter vivre sa vie comme une montagne, un fleuve, un arbre, un chien. Cela veut dire rythmer sa vie sur le tempo de sa propre pulsation et non sur une chamade imposée par autrui. Etre en quête d’un devenir inutile, cela veut dire vouloir devenir une musique, une puissante mélodie. Une musique, ça ne sert à rien, ça devient. ça devient et ça est, ça engendre et célèbre sa propre puissance, sans autre explication.


Yann Kerninon - Moyens d’accès au monde, manuel de survie pour les temps désertiques.

🗡️ #kerninon #tts #fr #words