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La peur de perdre sa respectabilité, ça, c’est bourgeois. Au sens péjoratif du terme. Dire qu’on est un artiste et vouloir être aimé, ça n’a pas de sens. Je suis actrice. Si personne ne m’aime, je disparais. N’empêche que je n’ai jamais privilégié l’amour du plus grand nombre à ma sincérité. Je ne suis pas un soda qu’on cherche à vendre à tous les enfants. Je ne me présente pas à une élection présidentielle, que je dois gagner en séduisant la majorité des citoyens. C’est mon courage d’être sincère que je vends. D’être précisément moi, que ça te plaise ou non. Ce qui fait qu’on m’a choisie plutôt qu’une autre pour de grands rôles, ce n’est ni ma plastique ni ma diction. C’est que j’ai le cran de ne pas ressembler à tout le monde. Je prends le risque de déplaire, ça fait partie du job. Tu ne peux pas marquer les esprits si tu crains d’être qui tu es. Ce n’est pas la situation qui te rend impuissant. C’est le flip que tes voisins de palier ne te saluent pas comme un notable. Tu peux invoquer ta naissance et parler du métier de tes parents pour te victimiser et justifier ta faiblesse. Mais on sait l’un comme l’autre que c’est une excuse. Les enfants riches sont comme toi. Tout le monde veut faire de la publicité aujourd’hui. C’est-à-dire produire des messages esthétiquement cohérents et qui s’adressent au client qui les commande. Qui se foutent de la vérité. Qui ne veulent que séduire, et jamais déranger personne. Vous voulez que votre art soit pris au sérieux mais vous ne voulez pas déplaire, ni être en danger. Ce n’est même pas que ça manque de sang dans les encriers, c’est que vous voulez porter la couronne d’épines du Christ, mais sans vous égratigner le front ni porter la croix. Plus personne n’est en faveur de la provocation. Maintenant tout le monde veut être bien vu. Tout le monde veut être un bon élève. Le fameux débilos au fond de la classe, assis à côté du radiateur, qui dit des conneries pour le plaisir de foutre le bordel, n’est plus une figure populaire. Le cancre de Prévert peut aller se rhabiller – vous ne reconnaissez que le langage de l’entreprise. Sérieux, responsable, du côté de la dignité et du plus gros chiffre. La seule provocation qu’on supporte, c’est celle qui vient du pouvoir. Mais ce n’est pas marrant quand ça vient d’en haut. Foutre le bordel, c’est rigolo quand t’es un petit rat dégueulasse.

Virginie Despentes - Cher connard (2022)

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Je crois qu’il faut quitter ce monde, ne plus rien voir, plus rien entendre, vivre au large des maîtres fous qui s’acharnent à nous gouverner, nous pétrir et nous façonner à la mode de leurs démons. La vie, la vraie, est hors-la-loi.

Henri Gougaud

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Seul l’homme qui désire être intensivement plusieurs connaît vraiment les choses. Méprisant l’érudit, il demeure sans culture et il ne “comprend” rien. Il connaît. Il rencontre et il expérimente le monde dans son entier, toutes les pensées qu’il croise, les livres qu’il lit, les musiques qu’il écoute ou les peuples qu’il voit. Il connaît au sens où il est avec, au sens où il est et devient, lui-même, toutes ces choses qui lui sont extérieures. (…) Connaître quoi que ce soit, ce n’est pas commenter, lire ou analyser. C’est en faire l’expérience. Pour accéder aux choses, il faut tuer en nous les psychologues, les sociologues et même les philosophes. Il faut être poète. Il faut cesser de mépriser pour enfin accueillir.


Le “devenir inutile” est le terme qui désigne tous les efforts de résistance produits en vue de garder sa puissance et d’échapper à la confiscation de soi par autrui, c’est à dire échapper tout de suite, ici et maintenant, à toute aliénation. Le devenir inutile est l’expérience d’une radicalité. Etre en quête d’un devenir inutile, cela signifie souhaiter vivre sa vie comme une montagne, un fleuve, un arbre, un chien. Cela veut dire rythmer sa vie sur le tempo de sa propre pulsation et non sur une chamade imposée par autrui. Etre en quête d’un devenir inutile, cela veut dire vouloir devenir une musique, une puissante mélodie. Une musique, ça ne sert à rien, ça devient. ça devient et ça est, ça engendre et célèbre sa propre puissance, sans autre explication.


Yann Kerninon - Moyens d’accès au monde, manuel de survie pour les temps désertiques.

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La liberté, c’est la possibilité de s’isoler. Tu es libre si tu peux t’éloigner des hommes sans que t’obliges à les rechercher le besoin d’argent, ou l’instinct grégaire, l’amour, la gloire ou la curiosité, toutes choses qui ne peuvent trouver d’aliment dans la solitude ou le silence. S’il t’est impossible de vivre seul, c’est que tu es né esclave. Tu peux bien posséder toutes les grandeurs de l’âme ou de l’esprit : tu es un esclave noble, ou un valet intelligent, mais tu n’es pas libre.

Fernando Pessoa

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J’ai toujours craint ceux qui ne supportent pas d’être seuls et demandent au couple, au travail, à l’amitié voire même au diable ce que ni le couple, ni le travail, ni l’amitié ni le diable ne peuvent donner : une protection contre soi-même, une assurance de ne jamais avoir affaire à la vérité solitaire de sa propre vie. Ces gens-là sont infréquentables. Leur incapacité d’être seuls fait d’eux les personnes les plus seules au monde.

Christian Bobin

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