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“Baby One More Time” : l’amour aliène mais le dire émancipe

par Rédaction

« Baby One More Time » est le tube qui a propulsé la carrière de Britney Spears. Sorti en 1998, il a déferlé sur la planète et battu tous les records, au point de devenir une chanson emblématique de la culture pop des années 2000. Pour le magazine musical Rolling Stones, « Baby One More Time » est « l’un de ces manifestes pop qui annoncent un nouveau son, une nouvelle ère, un nouveau siècle ». Indémodable, cette chanson est devenue un incontournable des soirées, tant pour sa musique que pour ses paroles : elle est aisée à chanter pour des non-anglophones (les paroles sont faciles à comprendre et à mémoriser) et elle évoque un sujet auquel quasiment tout le monde peut s’intéresser. Quand « I will survive » de Gloria Gaynor ravira toutes celles et ceux qui ont déjà vécu une rupture douloureuse, « Baby One More Time » inspirera les cœurs brisés de toute obédience, qui ont connu un jour ou l’autre un amour non réciproque ou attendent que celui-ci fasse son entrée dans une vie qu’ils jugent trop solitaire.

L’hymne de la teenage pop

La chanson « Baby One More Time » a été composée par le suédois Max Martin, à qui l’on doit de nombreux tubes pop comme par exemple « I Kissed a Girl » de Katy Pery (2008). Elle a été enregistrée à Stockholm par Britney Spears, alors âgée de 16 ans. On oublie trop souvent que la Suède est le troisième exportateur de musique du monde, et bien au-delà de Abba et de The Rasmus (« In the Shadow » ? vraiment, vous ne vous souvenez pas ? Le générique de « On n’est pas couché » ? Si on se croise je vous la chante). « Baby One More Time » est le tube du premier album de la chanteuse qui a grandi dans le sud des Etats-Unis et incarne, durant ses débuts, la jeune femme respectable, conservatrice et religieuse, tout en représentant l’ado séductrice. Ce paradoxe nourri, dès ses débuts, l’idée selon laquelle Britney Spears est l’une des plus pures représentantes de la façon dont le capitalisme musical exploite le corps des femmes, jouant avec le désir… des hommes. Les paroles de la chanson pourraient nourrir cette idée d’un vide féministe intersidéral : elles racontent le désarroi d’une adolescente espérant le retour de son amoureux – « Hit me baby one more time » (« reviens moi à nouveau », et non « frappe moi encore » comme on pourrait trop hâtivement le traduire).
Britney se dit hyper seule mais elle a 54 amis qui suivent le moindre de ses mouvements

« My loneliness is killing me / I must confess I still believe / When I’m not with you I lose my mind / Give me a sign, hit me baby one more time ! »

La narratrice ne fait pas dans la demi-mesure : après s’être excusée pour avoir provoqué le départ sans explication de son petit ami – alors que cela ressemble à du ghosting on ne peut plus classique – Britney est prête à tout pour le reconquérir (« Show me how you want it to be / Tell me baby cause I need to know that now, oh because ») – et ce pour une raison tout à fait ordinaire : « My loneliness is killing me / I must confess I still believe / When I’m not with you I lose my mind / Give me a sign, hit me baby one more time ! ». Bref, Britney vit très mal le célibat post rupture, elle n’a pas honte de le dire (« cette solitude me tue »), elle perd la tête loin de son ex et lui supplie de lui faire un signe, de revenir vers elle, elle fera tout ce qu’il voudra.

Une chanson qui se joue des codes de l’amour passion

Une critique élitiste de cette chanson dirait qu’elle est atrocement superficielle : une adolescente en fait des caisses sur un amour perdu et se laisse aller à le supplier sans aucune retenue. Mettant sa dignité de côté, n’ayant visiblement pas écouté les conseils de ses amies (« laisse le poireauter, fais genre tu t’en fous »), elle se met à genoux devant une chimère. L’amour, remède illusoire à la solitude, alimenté par tous les contes de fée – de Blanche neige à Titanic, sorti la même année que la chanson – mais surtout outil d’asservissement des femmes.
Dans son clip, Britney réenchante les cours d’EPS. https://www.youtube.com/watch?v=C-u5WLJ9Yk4&t=36s

Ces dernières années, des productions féministes grand public ont mis en valeur le rôle clef de la passion amoureuse dans l’aliénation des femmes. Dans son best-seller Réinventer l’amour, Mona Chollet revient sur la façon dont les productions culturelles font de la mise en couple par amour un aboutissement existentiel de la vie des femmes. Dans son podcast Le Cœur sur la table, Victoire Tuaillon décrit les rôles subordonnés que le sentiment amoureux fait endosser aux femmes, au service des hommes. On pourrait donc conclure que « Baby One More Time » participe de ce climat idéologique de soumission des femmes à un destructeur sentiment amoureux, puisque cette chanson a matraqué l’adolescence de toute une génération – en particulier celles des ados des années 2000 – avec une histoire de désarroi sentimental juvénile.

Pour Jennifer Padjemi, la « teen pop » dans laquelle s’inscrit « Baby One More Time » est un genre musical émancipateur et ce, alors même qu’elle s’inscrit dans un cadre capitaliste extrêmement prédateur.

Pour autant, les deux autrices, comme Britney Spears dans la chanson, « confess I still believe » : leur discours ne consiste pas à dire qu’il faudrait jeter l’amour aux oubliettes. Bien au contraire, elles réhabilitent le sentiment amoureux dans sa complexité, incluant notamment l’amitié, la sororité, le collectif et tentent chacune de lui rendre des lettres de noblesse débarrassées de ce que le patriarcat promeut. Spécialiste de la culture pop, la journaliste indépendante Jennifer Padjemi soutient dans l’excellent épisode de l’émission Affaires sensibles consacrée à Britney Spears, que la « teen pop » dans laquelle s’inscrit « Baby One More Time » est un genre musical émancipateur et ce, alors même qu’elle s’inscrit dans un cadre capitaliste extrêmement prédateur.

Un clip euphorisant et émancipateur

Il suffit d’écouter la chanson et surtout de regarder le clip, chef d’œuvre de la culture pop qui a largement contribué à son succès mondial (856 millions de vues sur la version YouTube). On y retrouve Britney Spears au lycée, s’ennuyant ostensiblement en cours avant que la sonnerie retentisse et qu’elle se précipite enfin dans les couloirs, le gymnase et la cour pour y exécuter, avec des garçons et des filles, des chorégraphies ultra euphorisantes. Elle y déclame son amour blessé, prie pour le retour de l’être aimé mais son message est totalement contredit par ce qu’il se passe à l’écran : la jeune fille n’y est pas une ado tourmentée en proie à une solitude atroce mais la leader de son lycée, suivie par les filles comme les garçons, et qui met tout sens dessus dessous, au point que même la prof ennuyeuse du début du clip se met à danser. « My loneliness is killing me » est prononcé au milieu d’une cinquantaine de camarades et elle parvient à peine à jouer la tristesse. Nous n’avons clairement pas à faire à une ado éplorée, aliénée par un sentiment amoureux dicté par le patriarcat.

Son message est totalement contredit par ce qu’il se passe à l’écran : la jeune fille n’y est pas une ado tourmentée en proie à une solitude atroce mais la leader de son lycée, suivie par les filles comme les garçons

La musique elle-même est tout sauf la complainte d’un cœur brisé. Les trois premières notes de la chanson expriment très clairement de la puissance, vous vous en souvenez ? (si on se croise je vous les chante). On est très loin des complaintes pathétiques à la Benjamin Biolay ou Vianney (« je suis une cruche / percée de plus »). Rien à voir avec l’attitude de Françoise Hardy qui, quarante ans plus tôt, chantait « tous les garçons et les filles » en regardant la caméra d’un air mélancolique (« oui mais moi je vais seule car personne ne m’aime »).
Françoise Hardy, elle, est vraiment seule.

Il pourrait être hasardeux d’attribuer un discours émancipateur à une interprète qui, au premier abord, n’est pas Louise Michel. Comme nous l’avons dit, Spears est une femme issue de la pieuse classe ouvrière du Sud conservateur des Etats-Unis, elle tient au début de sa carrière des discours réacs, soutenant aveuglément l’invasion de l’Irak en 2003 – « Je pense que nous devrions avoir confiance dans toutes les décisions que notre président prend » assène-t-elle par exemple. Mais par ailleurs, elle est loin d’être passive dans sa carrière : elle s’implique dans la création de la chanson comme du clip, et pas du tout pour les assagir : elle travaille, avant l’enregistrement de la chanson, à avoir une voix plus rocailleuse et c’est elle qui décide des principales caractéristiques du clip : un lycée, des lycéens habillés comme des lycéens (aucun vêtement utilisé pour le tournage du clip n’aurait coûté plus de 17 dollars) tandis que sa gestuelle conquérante et presque dominante est de son propre fait.

Britney Spears, victime du capitalisme et du patriarcat

Capable à 16 ans de transformer une chanson suppliante en hymne pop bravache et euphorique, Britney Spears n’a hélas pas pu résister à la solitude bien réelle dans laquelle son entourage familial et professionnel l’a placé durant toute la suite de sa carrière. Enorme machine à fric pour les entreprises et sa famille, usine à gossip et scandale pour la presse people, elle a subi un déchaînement médiatique humiliant la faisant passer pour une femme superficielle et hystérique, bien loin de l’énergie donnée par ses chansons. Harcelée en permanence par les paparazzi (une photo d’elle se vendant à prix d’or) soumise à chaque interview à des questions intrusives et inquisitrices (sur sa séparation avec Justin Timberlake, sur sa maternité, sur son apparence physique), elle finit par se raser la tête devant les caméras pour défier le système qui l’opprime. En vain.
Prof macroniste quand elle comprend que les élèves ne portent plus leur uniforme du SNU

Après un énième épisode de harcèlement médiatique, Spears est placée sous tutelle de son père et de sa production de 2008 à 2021. Concrètement, elle a été privée de la maîtrise de son argent, du choix de son avocat, et soumise à un agenda de tournée et d’enregistrement qu’on lui imposait. Sa production l’obligeait carrément à conserver un sterilet afin de l’empêcher d’avoir un enfant et d’interrompre ses activités.

A la fois victime du patriarcat et du capitalisme, de sa famille et de ses producteurs, Britney Spears est donc devenue l’un des symboles de l’émancipation individuelle contre les normes hétérosexistes.

Ces treize années volées, à cause desquelles elle s’est décrite, face au tribunal en juin 2021, « déprimée » et « traumatisée », ont été dénoncées par ses fans, à travers le hashtag #freebritney sur les réseaux sociaux et plusieurs rassemblements aux Etats-Unis. Leur mobilisation a permis de mettre en lumière cette affaire, racontée ici par Fabrice Drouelle ou bien dans le documentaire choc réalisé par le New York Times, “Framing Britney”, et de dénoncer le régime de tutelle délirant qui existe aux Etats-Unis. Mais aussi le sexisme continuel des médias face à une jeune artiste jugée forcément frivole et mentalement fragile. Ces expériences ont contribué à faire évoluer l’icône pop : Outre la perte de sa foi religieuse, elle a endossé de nouveaux combats aux antipodes de ses prises de position de jeunesse : soutien aux droits des personnes trans, au mariage gay, engagée contre le harcèlement scolaire et l’homophobie… Celle que sa famille et ses producteurs des débuts voulaient faire évoluer comme une icône américaine respectable est devenue un symbole des luttes LGBT. Ce qui explique aussi la place prépondérante qu’occupe « Baby One More Time » dans le cœur de nombreux gays et lesbiennes à travers le monde.

A la fois victime du patriarcat et du capitalisme, de sa famille et de ses producteurs, Britney Spears est donc devenue l’un des symboles de l’émancipation individuelle contre les normes hétérosexistes. Mais c’est d’abord son statut d’artiste qui fait d’elle une icône dont le premier grand tube, « Baby One More Time » est un hymne qui se joue des codes de la passion sacrificielle pour mieux exalter notre universel appétit d’amour.

Nicolas Framont

https://www.frustrationmagazine.fr/baby-one-more-time/

lambjams@pluspora.com

#metoo China edition? The alleged disappearance / denial of disappearance of tennis star Peng Shuai is an interesting chapter in the Chinese Communist Party's efforts to control social narrative while simultaneously participating on the global stage. Plenty of people have disappeared over the years, but the stars make the headlines. Jack Ma was set to become the richest man in China - "Go sit in the corner for three months Jack, and think about what it means to be a citizen of a communist country."

And Peng... "How will anyone respect authority if you publicly accuse them of unseemly acts?" Mind you, The West only got on board with #metoo in 2017 with a New York Times article about Harvey Weinstein. The hashtag didn't get much traction in 2006 - at least Harvey Weinstein didn't get the memo. And it wasn't until 2020 - three years after the New York Times article - that Weinstein's attorneys had to answer the memo. Sometimes it takes a celebrity appearance before anyone notices. #freebritney (2009-2020)?

So videos are released of Peng Shuai in public and the government denies knowledge that anything is amiss. In The West, this would be the stage where the trial drags everyone's dirty underwear onto the public stage; painful for both the victims and the accused, but the public is entitled to view the underwear, because how do we really know what the government and powerful people are up to? Unless... the victims all have accepted huge cash settlements (or threats of future unemployment) and in return signed non-disclosure agreements? No underwear. Nothing to see here. Note: NDAs are unenforceable if the agreement covers illegal acts.

How are the powerful held to account? Stay tuned for the China edition?