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Des photos, une histoire.
Charles Moore - Birmingham, Alabama, 1963.

Les émeutes de Birmingham, en Alabama, au printemps 1963, furent l’un des sommets du mouvement des droits civiques. La campagne de Martin Luther King visant à abolir la ségrégation dans les cafétérias et à l'embauche attire l'attention de tout le pays lorsque la police lâche les chiens et utilise les lances à incendie contre les manifestants.
Lorsqu'il réalisa que la prison de Birmingham était pleine, Eugene "Bull" Connor, chef du Département de Police modifia les tactiques de la police de manière à empêcher les manifestants d'atteindre la zone commerçante du centre-ville. Une centaine d'étudiants se rassembla ce jour-là devant l'église, puis entama une marche à travers le parc Kelly Ingram tout en chantant « We're going to walk, walk, walk. Freedom ... freedom ... freedom. » Au moment où les manifestants quittaient l'église, la police leur ordonna de s'arrêter et de faire demi-tour, « ou vous allez vous faire mouiller », mais ils continuèrent d'avancer. Connor donna alors l'ordre d'utiliser les canons à eau, réglés sur une puissance qui arracherait l'écorce d'un arbre ou détacherait une brique de son mortier. Certains garçons eurent leurs chemises arrachées, et des jeunes filles furent balancées par-dessus les toits des voitures par la force de l'eau. La puissance du flux les faisait rouler sur l'asphalte des rues et contre le béton des trottoirs. Connor autorisa des spectateurs blancs à s'approcher, criant : « Laissez ces gens approcher, sergent. Je veux qu'ils voient les chiens au travail ». Les parents et adultes noirs qui observaient, acclamaient pacifiquement les jeunes manifestants, mais quand les canons furent déclenchés, ils se mirent à jeter des cailloux et des bouteilles sur la police. Charles Moore fut d'ailleurs atteint à la cheville par un projectile. Pour les disperser, Connor ordonna aux forces de l'ordre d'utiliser des bergers allemands. James Bevel, un des chefs du Mouvement afro-américain des droits civiques, faisait des allers-retours à travers la foule pour mettre en garde les participants : « Si le moindre policier est blessé, on va perdre ce combat ». La manifestation prit fin vers 15h, les manifestants profitant d'une sorte de trêve pour rentrer chez eux. La police enleva les barricades et rouvrit les rues à la circulation. Ce soir-là, King rassura la foule de parents inquiets : « Ne vous inquiétez pas pour vos enfants qui sont en prison. Les yeux du monde sont tournés vers Birmingham. Nous avançons en dépit des chiens et des canons à eau. Nous sommes allés trop loin pour faire demi-tour. »
Ces photos de Charles Moore ont été publiées sur Life Magazine du 17 mai 1963 dans un article quelque peu désinvolte illustrant l'attaque des chiens sur les manifestants. Les photographies apparaissent sous un titre qui se lit comme suit : "L'attaque du chien est la récompense des noirs." La légende explique : "Avec des chiens de garde enragés, la police a attaqué les manifestants, les récompensant par un scandale qui leur permettra de gagner le soutien du monde entier."
L'une des photos de Charles Moore a été sérigraphiée par Andy Warhol pour une exposition intitulée "Race Riot". La sérigraphie de Warhol conserve le schéma en noir et blanc de la photographie originale, mais le contraste a été poussé pour créer une apparence plus nette et attirer l'attention du spectateur sur l'attaque violente du policier blanc contre le manifestant noir au centre de l'image. En transformant une photographie de presse en art, Warhol pose la question sur la nature des images médiatiques, sur la façon dont nous les voyons et y réagissons et sur la manière dont elles peuvent être manipulées. Pour un artiste généralement associé au culte des célébrités, "Race Riot" fut une rare visite dans le domaine des droits civiques et de la justice sociale, ainsi qu'une déclaration délibérée sur les injustices perpétrées par les forces opposées à l'égalité raciale.
La campagne de Birmingham fut un modèle d'action directe non-violente et, par la couverture médiatique qui en fut faite, elle attira l'attention du monde entier sur la violence des politiques de ségrégation raciale à l’œuvre dans le Sud des États-Unis, faisant de la question de la ségrégation une priorité nationale et conduisant à l'intervention de l'administration fédérale de Kennedy. La réputation de Martin Luther King en sortit grandie, Connor fut démis de ses fonctions. La campagne força Birmingham à mettre fin à la ségrégation, et prépara la voie pour le Civil Rights Act de 1964 qui interdit toute discrimination raciale à l'embauche et dans tous les services publics à travers les États-Unis.
Le magazine TIME a reconnu la photo de Moore (celle postée dans cet article, pas celle sérigraphiée par Warhol) comme l’une des 100 images les plus influentes de tous les temps.

L'article de Life dans son intégralité.

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