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#photo 31 décembre place Guerin 2022

#Brest #Fêtes

#Urbanisme #ContrôleSocial #PolitiquesSécuritaires #Represion #Prison

Sur le 31 décembre place Guérin. Une fête populaire prise pour cible.

Vendredi 29 décembre, la #préfecture du #finistère a publié un arrété pour interdire tout rassemblement le soir du réveillon aux alentours de la place Guérin et de la maison d’arrêt de Brest.

En effet, depuis huit ans des personnes se réunissent le #31décembre à Brest pour aller en cortège tirer un feu d’artifice pour les #prisonniers. Dans la foulée, au retour du cortège, a lieu une fête qui dure toute ou partie de la nuit et réuni une à deux centaines de personnes autour d’un feu de joie et de musique. La place devient un lieu de fête où s’agregent toutes sortes de gens qui sortent fêter la nouvelle année dans les rues. Huit ans maintenant que les réveillons à Saint-Martin sont témoins de cet évènement #anti-carcéral et de cette fête spontannée et libre.

Plus largement la place Guérin est régulièrement éclairée de feux de joie, animée par des fêtes improvisées ou non, par des concerts ou par des évènements militants. Un endroit qui semble échapper à la logique implacable de poliçage des villes, qu’on peut modeler selon nos usages sans demander la permission à qui que ce soit, comme en témoigne par exemple la boîte à don montée sans permission sur la place il y a plusieurs années et qui continue de trôner depuis.

Comme en témoigne aussi l’occupation de l’Avenir, le refus des habitant.es du quartier de livrer leurs espaces de vies à des promoteurs immobiliers, la volonté de faire la ville nous même lorsque l’on comprend que la ville est faite contre nous. Des longues histoires ou des petits rien qui font de cet endroit un espace précieux dans des villes de plus en plus aseptisées, où rien n’est possible si ce n’est consommer différents bien et prestations, où l’espace tend à se polariser entre le centre commercial à ciel ouvert et le quartier résidentiel.

Mais il semble que cette année 2023 sonne le glas de la relative liberté de vivre dont on pouvait jouir dans ce quartier de Brest.

Après l’expulsion et la destruction de l’Avenir cet été, l’interdiction des concerts dans le café qui en organisait régulièrement, les travaux d’installation d’une caméra de vidéo-surveillance sur la place, la fête du nouvel an est donc elle aussi prise pour cible.

Une surprise de dernière minute mais dans la continuité des évènements de l’année passée : l’attaque de la fête par la #police l’année dernière, et les différents évènements depuis laissaient présager une montée en puissance de l’action policière dans le quartier, tout comme l’exercice de sécurisation de la place menée par la police à l’automne et la répréssion de la fête du 13 décembre.
Pour faire respecter cet arreté, la préfecture avait mis les petits plats dans les grands avec la présence d’une quarantaine de policier nationaux en tenue anti-émeute sur place dès 18h. Ceux-ci controlaient toute personne qui semblait transporter on ne sait quel matériel répréhensible sous le regard dépité de celles et ceux qui buvaient un coup en terasse. De quoi dissuader effectivement toute tentative de faire la fête au quartier.

Les jours précédents, du bois soupconné de pouvoir servir à faire un feu, ainsi que l’espace de recyclage des sapins de noël (potentiel combustible) avait aussi été retirés de la place par les services de la mairie. Une véritable volonté politique coordonnée d’empecher toute forme d’amusement à Saint-Martin ce 31 décembre...

Objectif rempli pour la mairie et la préfecture, aucun cortège ne partira de Guérin, et aucune musique n’y résonnera dans la nuit du 31 au premier. Le dispositif policier a fondu avec les heures mais la possibilité pour tous les fétards de s’agréger avait été empéchée. Cependant, une bande de filous semblent avoir bravé l’interdiction de se rassembler pour venir célébrer malgré tout la nouvelle année, et à minuit une bonne trentaine de personnes viennent tirer un feu d’artifice et allumer des fumigènes sur une place laissée déserte par les keufs qui patrouille cependant fort dans le quartier.

Les policiers n’osant intervenir en petit nombre face au groupe, chacun repart tranquillement à ses occupations. La bande se reconstitue une demie heure plus tard pour remettre ça, cette fois-ci une voiture de police se positionne sur la place pour dissuader un second round. Les policiers tentent de sortir de leur vehicule mais doivent renoncer et préfèrent fuir la place sous le feu des batteries d’artifices. La place Guérin résonne pendant plusieurs minutes d’explosions tantôt dirigée au ciel, tantôt dirigée sur les flics qui se tiennent à distance.

C’est ainsi que certain.es auront montré leur refus de se plier au désirs ennuyeux du préfet, et auront préféré n’en faire qu’à leur tête et s’amuser comme il se doit un soir de réveillon.

En tout cas, cette soirée (ou non soirée) vient clore une année d’attaque frontale contre l’espace de liberté relative qu’était la place Guérin dans la métropole brestoise. Une année d’attaque contre une ville vivante et faîte par le bas. Car ce qui se joue effectivement dans ce conflit au long cours entre la place et les autorités, c’est la question de la ville, de ce qu’on y fait, de ce qui mérite d’en troubler la tranquilitté ou non, de qui a le droit d’en définir l’usage. La dimension politique et de classe de la politique urbaine apparait à nu dans tous ces moments de confrontation entre ce que nous faisons de la ville et ce que nos élu.es veulent en faire.

Par exemple on peut privatiser le quai Malbert pendant deux semaines pour créer un village évenementiel où tout coûte un bras et où on célèbre une compétition sportive bouffie de fric (Arkea Ultim Challenge), mais l’utilisation de la place Guérin comme lieu de fête gratuit par des brestois pour les célébration du nouvel an pose un problème. Il faut dire qu’un de ces évènements est bien mieux fréquenté que l’autre. On y celebre à grand frais, entre deux clotures, surveillés par des vigiles et des flics. Il s’inscrit aussi bien mieux dans la soupe « d’identité maritime » qui est au coeur du nouveau branding de la métropole. De ces identités qui sortent des boîtes de com et qu’on impose d’en haut à grand coup de fric, qui applatissent la réalité de la ville pour en faire un produit dont on peut faire la publicité.

Rappelons nous aussi d’une réunion publique lors de laquelle la mairie proposait de raser l’Avenir pour le remplacer par une crèche, les occupant.es du lieu avait alors proposé une solution : utiliser un terrain laissé vide aux alentours de Menez Paul afin de pouvoir construire cette crèche bienvenue sans remettre en question l’existence de ce lieu autogéré. Seulement, la mairie estimait ce terrain trop couteux (1 à 2 millions d’euros), là où l’Avenir se situait sur un terrain lui appartenant.

Soit. Mais l’année précédente, la mairie avait débloqué 19 millions d’euros pour la construction d’un téléphérique urbain sans utilité notable sur le plan des transports publics. En effet, ce téléphérique relie quasiment deux arrêts de tramway entre eux et est facilement remplacé par une navette lors de ses récurrentes pannes, navette dont le côut doit s’elever à quelques centaines de milliers d’euros tout au plus. Cette infrastructure s’avère donc inutile sauf à la marge pour les habitant.es de l’hypercentre Siam, et son utilité est plus à rechercher du coté de l’attraction touristique ou de la distinction sur le marché des métropoles.

Le message est clair : il n’est pas envisageable de dépenser un peu d’argent public pour construire une crèche pour les habitant.es et conserver un lieu populaire autogéré, mais il est indispensable de dépenser beaucoup d’argent public pour une infrastructure inutile mais qui représente un élément publicitaire d’attractivité pour la ville.

Le message est aussi clair lorsque l’Avenir est rasé en 2023 sous un nouveau pretexte et que la mairie annonce que le lieu sera remplacé par un lieu culturel participant à l’attractivité du quartier. A qui s’adresse cette attractivité ? Saint-Martin est déjà un quartier vivant et habité. Nous le constatons car nous le faisons vivre, nous y habitons, nous en fréquentons les bars et les rues. Il s’agit bien d’attirer un autre type de population que celle qui fait aujourd’hui l’identité du quartier. Une population qui veut du calme, de la culture policée, du typique, à deux pas du centre, mais sans grabuge. Qui est prête à/qui peut payer des loyer plus élevés pour loger dans ces quartiers.

Car sous le régime de l’économie capitaliste, une ville attirante c’est aussi une ville chère, appropriée par des personnes qui gagnent bien. Une ville pas pour nous quoi. Pas pour le commun des mortels, pas pour les brestois.es qui sont déjà là. D’ailleurs à coup de rénovation, de revalorisation symbolique des centre-ville, et de spéculation immobilière, on voit déjà les loyers augmenter très fort à Brest et Saint-Martin n’y échappe pas, bien au contraire.

Les élu.es, de gauche ou de droite, partout en france, dans toutes les villes, n’ont que l’attractivité à la bouche. Derrière ce language banalement technocratique, l’horizon pour tous ceux qui ne sont pas attrayant aux yeux de nos chers élus est assez clair. C’est un remplacement de population qui se fomente en plein jour dans les programmes électoraux et qui se fait à bas bruit année après année, au rythme des hausses de loyer, des plans d’urbanismes. Transformant les rues que nous habitons, vivons et faisons vivre en un bucolique décors sans histoire et intercheangable pour une population de cadres et de créatifs attirés par la dimension unique et florissante de la métropole océane...

Enfin, en cette fin d’année 2023, la question de la vidéo surveillance enfonce le clou en promettant de faire de la place guérin un espace où l’on se trouve toujours sous le regard de la police, c’est à dire un endroit tout à fait détestable où l’on ne doit en aucun cas dépasser des clous. Avant goût d’une ville panoptique où l’on est controlé en permanence et où chaque chose reste à sa place dans la marche triomphante de l’économie. A chaque espace et chaque temps son usage défini selon les impératifs du marché et les impératifs de l’image que la métropole veut donner d’elle même. Chaque quartier jouant sont triste rôle dans l’aménagement métropolitain du territoire.

Derrière les concurrences de façades, les débats sécuritaires qui opposent parfois la mairie et l’état au travers de la préfecture, la politique municipale et préfectorale tendent au même horizon urbain déprimant et hostile. Un horizon où nous n’avons plus notre place. Ils veulent une ville chiante et triste, à leur image. Les brestois.es se laisseront-t-ils faire ?

kaleemsagard@joindiaspora.com

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