#anti-carcéral

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#Livre, #Lecture, #Lire, #AntiRépression, #Inégalités, #Justice, #Repression, #Prison #Police #ACAB #Oppression #Domination

“Décarcérer. Cahez cette prison que je ne saurais voir” de Sylvain Lhuissier

«L’ #enfermement des corps est une #violence. Cette violence ne peut qu’engendrer de la fracture, là où il faudrait du lien et de la réparation. Nous ne pouvons que tendre vers un monde sans prison, en cherchant dans chaque situation, le chemin d’une moindre violence».

On vous conseille vivement de lire "Décarcérer. Cachez cette prison que je ne saurais voir" de Sylvain Lhuissier, aux éditions Rue de l’échiquier.

Résolument #anti-carcéral, l’ouvrage “Décarcérer” de Sylvain Lhuissier nous apporte des arguments concrets et documentés pour contrer et déconstruire les éléments de langage #réactionnaires et les fausses informations diffusées sur la prison en #fRance.

Reprenant point par point les arguments sécuritaires qui n’ont pour but que d’enfermer les classes populaires, les personnes étrangères, les toxicomanes et autres indésirables, l’auteur démontre statistiquement que la prison ne sert à rien. Ni en termes de réparation du préjudice pour les #victimes, ni pour la #prévention de la délinquance, ni en termes de #réinsertion et de lutte contre la récidive.

Car la vraie raison de l’existence de ces lieux d’emprisonnement indignes, qui deviennent des mouroirs, c’est qu’ils jouent un «formidable rôle d’exclusion et de ségrégation». Voilà le rôle effectif, beaucoup moins avouable mais réellement efficace, des prisons. Surveiller, punir et évincer de l’espace public certaines populations car «elle ne concerne qu’une classe sociale restreinte. On fraude et on triche dans tous les milieux, mais seule une partie d’entre nous est destinée à aller en prison». «C’est aussi pour ça que peu la connaissent» explique l’auteur, et que beaucoup la fantasment. Parfois à travers des médias ou des séries télé qui ne reflètent en rien la réalité carcérale mais alimentent, sous prétexte de faits divers macabres, l’argument principal des défenseurs ignorants de la prison : on ne peut pas laisser les criminels dehors !

La réalité c’est que seules 1,5% des personnes incarcérées sont des tueurs ou des violeurs. Les criminels ne représentent que 1,5% de la population carcérale. Voilà un chiffre qui démonte tous les discours mensongers sur le fait que la prison permet d’écarter les personnes réellement dangereuses de la société. Non, la majorité des prisonniers le sont, pour 26%, pour des faits de vol et de recel.

On savait déjà que seulement 0,6% des viols étaient condamnés. Les crimes policiers restent eux aussi impunis… Et si on entend encore trop souvent que la prison met en sécurité la reste de la population, on entend trop peu que la récidive concerne plus de la moitié des ex-taulards. Oui, 59% des personnes enfermées dans ces conditions inhumaines se feront arrêter à nouveau, en état de récidive.

«On ne peut pas construire notre politique pénale et carcérale sur 1,5% de faits divers, aussi atroces soient-ils».

L’auteur de “Décarcérer” déconstruit les idées reçues et revient sur le traitement inhumain des prisonnier-es, les conditions d’insalubrité, la surpopulation, l’isolement, la violence physique, morale et sociale qu’ils subissent. La rupture avec les proches, la perte d’emploi, de logement consécutive, les symptômes de stress post-traumatique qui s’installent parfois pour de longues années après la sortie.

Sylvain Lhuissier amène plus largement à se questionner sur notre société de contrôle, de surveillance et de domination, et appelle chacun-e à prendre ses responsabilités, en tant que magistrat-es, politiques ou médias. Car tous portent la responsabilité de participer et de diffuser l’idée que la prison est la seule possibilité.
Plus largement, nous portons toutes et tous la responsabilité de fermer les yeux sur ce qui se passe dans les lieux d’enfermement. Cela nous concerne, concerne la société dans laquelle nous voulons vivre : «Ne laissons plus passer les caricatures et les mensonges sur la prison. Osons nous demander ce qu’on attend de notre justice. Comment on voudrait qu’elle soit rendue». Car «légitimer la prison, c’est légitimer une forme de violence et de domination».

Comme le démontre Sylvain Lhuissier, les alternatives sont multiples, mais nécessitent une réelle volonté de mettre fin au système d’oppression et de domination que représente la société carcérale. Ainsi, il interroge la justice pénale au sens large en tant qu’institution centrale, au cœur de notre société, et nous invite à repenser celle-ci au regard de la justice sociale, de la défense de nos services publics, de l’accès aux soins, au logement, à l’éducation… plutôt que par la répression et l’enfermement inhumain.

On vous conseille vivement de lire “Décarcérer. Cachez cette prison que je ne saurais voir” de Sylvain Lhuissier, aux éditions Rue de l’échiquier.

dunoir@diaspora-fr.org

#photo 31 décembre place Guerin 2022

#Brest #Fêtes

#Urbanisme #ContrôleSocial #PolitiquesSécuritaires #Represion #Prison

Sur le 31 décembre place Guérin. Une fête populaire prise pour cible.

Vendredi 29 décembre, la #préfecture du #finistère a publié un arrété pour interdire tout rassemblement le soir du réveillon aux alentours de la place Guérin et de la maison d’arrêt de Brest.

En effet, depuis huit ans des personnes se réunissent le #31décembre à Brest pour aller en cortège tirer un feu d’artifice pour les #prisonniers. Dans la foulée, au retour du cortège, a lieu une fête qui dure toute ou partie de la nuit et réuni une à deux centaines de personnes autour d’un feu de joie et de musique. La place devient un lieu de fête où s’agregent toutes sortes de gens qui sortent fêter la nouvelle année dans les rues. Huit ans maintenant que les réveillons à Saint-Martin sont témoins de cet évènement #anti-carcéral et de cette fête spontannée et libre.

Plus largement la place Guérin est régulièrement éclairée de feux de joie, animée par des fêtes improvisées ou non, par des concerts ou par des évènements militants. Un endroit qui semble échapper à la logique implacable de poliçage des villes, qu’on peut modeler selon nos usages sans demander la permission à qui que ce soit, comme en témoigne par exemple la boîte à don montée sans permission sur la place il y a plusieurs années et qui continue de trôner depuis.

Comme en témoigne aussi l’occupation de l’Avenir, le refus des habitant.es du quartier de livrer leurs espaces de vies à des promoteurs immobiliers, la volonté de faire la ville nous même lorsque l’on comprend que la ville est faite contre nous. Des longues histoires ou des petits rien qui font de cet endroit un espace précieux dans des villes de plus en plus aseptisées, où rien n’est possible si ce n’est consommer différents bien et prestations, où l’espace tend à se polariser entre le centre commercial à ciel ouvert et le quartier résidentiel.

Mais il semble que cette année 2023 sonne le glas de la relative liberté de vivre dont on pouvait jouir dans ce quartier de Brest.

Après l’expulsion et la destruction de l’Avenir cet été, l’interdiction des concerts dans le café qui en organisait régulièrement, les travaux d’installation d’une caméra de vidéo-surveillance sur la place, la fête du nouvel an est donc elle aussi prise pour cible.

Une surprise de dernière minute mais dans la continuité des évènements de l’année passée : l’attaque de la fête par la #police l’année dernière, et les différents évènements depuis laissaient présager une montée en puissance de l’action policière dans le quartier, tout comme l’exercice de sécurisation de la place menée par la police à l’automne et la répréssion de la fête du 13 décembre.
Pour faire respecter cet arreté, la préfecture avait mis les petits plats dans les grands avec la présence d’une quarantaine de policier nationaux en tenue anti-émeute sur place dès 18h. Ceux-ci controlaient toute personne qui semblait transporter on ne sait quel matériel répréhensible sous le regard dépité de celles et ceux qui buvaient un coup en terasse. De quoi dissuader effectivement toute tentative de faire la fête au quartier.

Les jours précédents, du bois soupconné de pouvoir servir à faire un feu, ainsi que l’espace de recyclage des sapins de noël (potentiel combustible) avait aussi été retirés de la place par les services de la mairie. Une véritable volonté politique coordonnée d’empecher toute forme d’amusement à Saint-Martin ce 31 décembre...

Objectif rempli pour la mairie et la préfecture, aucun cortège ne partira de Guérin, et aucune musique n’y résonnera dans la nuit du 31 au premier. Le dispositif policier a fondu avec les heures mais la possibilité pour tous les fétards de s’agréger avait été empéchée. Cependant, une bande de filous semblent avoir bravé l’interdiction de se rassembler pour venir célébrer malgré tout la nouvelle année, et à minuit une bonne trentaine de personnes viennent tirer un feu d’artifice et allumer des fumigènes sur une place laissée déserte par les keufs qui patrouille cependant fort dans le quartier.

Les policiers n’osant intervenir en petit nombre face au groupe, chacun repart tranquillement à ses occupations. La bande se reconstitue une demie heure plus tard pour remettre ça, cette fois-ci une voiture de police se positionne sur la place pour dissuader un second round. Les policiers tentent de sortir de leur vehicule mais doivent renoncer et préfèrent fuir la place sous le feu des batteries d’artifices. La place Guérin résonne pendant plusieurs minutes d’explosions tantôt dirigée au ciel, tantôt dirigée sur les flics qui se tiennent à distance.

C’est ainsi que certain.es auront montré leur refus de se plier au désirs ennuyeux du préfet, et auront préféré n’en faire qu’à leur tête et s’amuser comme il se doit un soir de réveillon.

En tout cas, cette soirée (ou non soirée) vient clore une année d’attaque frontale contre l’espace de liberté relative qu’était la place Guérin dans la métropole brestoise. Une année d’attaque contre une ville vivante et faîte par le bas. Car ce qui se joue effectivement dans ce conflit au long cours entre la place et les autorités, c’est la question de la ville, de ce qu’on y fait, de ce qui mérite d’en troubler la tranquilitté ou non, de qui a le droit d’en définir l’usage. La dimension politique et de classe de la politique urbaine apparait à nu dans tous ces moments de confrontation entre ce que nous faisons de la ville et ce que nos élu.es veulent en faire.

Par exemple on peut privatiser le quai Malbert pendant deux semaines pour créer un village évenementiel où tout coûte un bras et où on célèbre une compétition sportive bouffie de fric (Arkea Ultim Challenge), mais l’utilisation de la place Guérin comme lieu de fête gratuit par des brestois pour les célébration du nouvel an pose un problème. Il faut dire qu’un de ces évènements est bien mieux fréquenté que l’autre. On y celebre à grand frais, entre deux clotures, surveillés par des vigiles et des flics. Il s’inscrit aussi bien mieux dans la soupe « d’identité maritime » qui est au coeur du nouveau branding de la métropole. De ces identités qui sortent des boîtes de com et qu’on impose d’en haut à grand coup de fric, qui applatissent la réalité de la ville pour en faire un produit dont on peut faire la publicité.

Rappelons nous aussi d’une réunion publique lors de laquelle la mairie proposait de raser l’Avenir pour le remplacer par une crèche, les occupant.es du lieu avait alors proposé une solution : utiliser un terrain laissé vide aux alentours de Menez Paul afin de pouvoir construire cette crèche bienvenue sans remettre en question l’existence de ce lieu autogéré. Seulement, la mairie estimait ce terrain trop couteux (1 à 2 millions d’euros), là où l’Avenir se situait sur un terrain lui appartenant.

Soit. Mais l’année précédente, la mairie avait débloqué 19 millions d’euros pour la construction d’un téléphérique urbain sans utilité notable sur le plan des transports publics. En effet, ce téléphérique relie quasiment deux arrêts de tramway entre eux et est facilement remplacé par une navette lors de ses récurrentes pannes, navette dont le côut doit s’elever à quelques centaines de milliers d’euros tout au plus. Cette infrastructure s’avère donc inutile sauf à la marge pour les habitant.es de l’hypercentre Siam, et son utilité est plus à rechercher du coté de l’attraction touristique ou de la distinction sur le marché des métropoles.

Le message est clair : il n’est pas envisageable de dépenser un peu d’argent public pour construire une crèche pour les habitant.es et conserver un lieu populaire autogéré, mais il est indispensable de dépenser beaucoup d’argent public pour une infrastructure inutile mais qui représente un élément publicitaire d’attractivité pour la ville.

Le message est aussi clair lorsque l’Avenir est rasé en 2023 sous un nouveau pretexte et que la mairie annonce que le lieu sera remplacé par un lieu culturel participant à l’attractivité du quartier. A qui s’adresse cette attractivité ? Saint-Martin est déjà un quartier vivant et habité. Nous le constatons car nous le faisons vivre, nous y habitons, nous en fréquentons les bars et les rues. Il s’agit bien d’attirer un autre type de population que celle qui fait aujourd’hui l’identité du quartier. Une population qui veut du calme, de la culture policée, du typique, à deux pas du centre, mais sans grabuge. Qui est prête à/qui peut payer des loyer plus élevés pour loger dans ces quartiers.

Car sous le régime de l’économie capitaliste, une ville attirante c’est aussi une ville chère, appropriée par des personnes qui gagnent bien. Une ville pas pour nous quoi. Pas pour le commun des mortels, pas pour les brestois.es qui sont déjà là. D’ailleurs à coup de rénovation, de revalorisation symbolique des centre-ville, et de spéculation immobilière, on voit déjà les loyers augmenter très fort à Brest et Saint-Martin n’y échappe pas, bien au contraire.

Les élu.es, de gauche ou de droite, partout en france, dans toutes les villes, n’ont que l’attractivité à la bouche. Derrière ce language banalement technocratique, l’horizon pour tous ceux qui ne sont pas attrayant aux yeux de nos chers élus est assez clair. C’est un remplacement de population qui se fomente en plein jour dans les programmes électoraux et qui se fait à bas bruit année après année, au rythme des hausses de loyer, des plans d’urbanismes. Transformant les rues que nous habitons, vivons et faisons vivre en un bucolique décors sans histoire et intercheangable pour une population de cadres et de créatifs attirés par la dimension unique et florissante de la métropole océane...

Enfin, en cette fin d’année 2023, la question de la vidéo surveillance enfonce le clou en promettant de faire de la place guérin un espace où l’on se trouve toujours sous le regard de la police, c’est à dire un endroit tout à fait détestable où l’on ne doit en aucun cas dépasser des clous. Avant goût d’une ville panoptique où l’on est controlé en permanence et où chaque chose reste à sa place dans la marche triomphante de l’économie. A chaque espace et chaque temps son usage défini selon les impératifs du marché et les impératifs de l’image que la métropole veut donner d’elle même. Chaque quartier jouant sont triste rôle dans l’aménagement métropolitain du territoire.

Derrière les concurrences de façades, les débats sécuritaires qui opposent parfois la mairie et l’état au travers de la préfecture, la politique municipale et préfectorale tendent au même horizon urbain déprimant et hostile. Un horizon où nous n’avons plus notre place. Ils veulent une ville chiante et triste, à leur image. Les brestois.es se laisseront-t-ils faire ?

anar65@diaspora-fr.org

source de l'image https://academia.hypotheses.org/files/2023/01/campus_violences1.jpg

#Aubervilliers

#Évacuation #Campus #EHESS-Condorcet #Anti-carcéral #ViolencesPolicières #Justice #Police #Démocratie

Le sale travail des flics

Publié le 1er février 2023

Lundi 23 janvier à 19h30 à la Maison des Jeunes, un petit bâtiment au sein du dont les portes s’ouvrent manuellement, à la différence de toutes les autres portes des bâtiments du campus qui sont à ouverture/ fermeture électronique, on était une bonne trentaine. L’idée était de prendre le lieu pour l’utiliser comme lieu de discussion et d’organisation pour les luttes. On a barricadé les portes, sauf une. Une banderole est accrochée dans le but de pouvoir diffuser un appel à rejoindre le lieu dans la soirée.

Les deux caméras présentes dans le bâtiment sont recouvertes de peinture. 20 minutes plus tard, les flics sont là. Aux quatre coins du bâtiment et dans les rues autour : plusieurs équipes sont présentes, des voitures et des camions. Le temps de les voir arriver, ils sont déjà à l’intérieur du bâtiment. Tous avec matraques, LBD et gazeuses à la main.

Une personne essaie de quitter les lieux, elle est rattrapée et prend des coups : elle saigne du nez et ne tient pas debout à cause de la douleur aux côtes et à l’épaule. Les flics nous alignent. Ils prennent des photos et des vidéos avec leur tél, plus particulièrement des personnes encore masquées. Un flic arrache un bonnet en bousculant la personne. Les flics fouillent tout le monde et prennent les identités aux personnes qui en ont une. Un tri est fait entre les personnes sous x et celles qui ont une identité avec elles. Insultes et moqueries. Les flics formulent leur déception, ils disent qu’on leur avait dit qu’il y avait des personnes cagoulées, armées et dangereuses. Ils disent qu’ils s’attendaient à appréhender des personnes qui auraient agressé un enfant sur le campus. Un flic dit qu’il n’a pas pu s’amuser parce que la personne qui a voulu partir n’a pas couru assez vite. Un long temps s’écoule dans le bâtiment et puis on est emmené au comico de la Plaine Saint-Denis. Les flics nous font laisser nos sacs dans le bâtiment. On les retrouvera à la sortie de gav avec des contenus fouillés, mélangés et avec des manques. Les flics nous demanderont de les identifier à ce moment-là.

Au comico, on est assis par terre, toujours menottés, dans le hall d’entrée. On est 29. Un long moment dure pendant lequel les flics ont l’air perdus, ont du mal à nous compter, se disputent entre eux sur la méthode pour nous compter, ne parviennent pas à remplir une fiche. Ils s’y mettent à trois pour en remplir une. Personne ne peut aller aux toilettes. Les flics jouent à se bagarrer entre eux, en se traitant, pour rire, de « flics violents ». Puis, ils nous envoient un par un devant une opj pour nous notifier la gav. Lorsque je reviens du bureau de l’opj, j’entends puis je vois plusieurs flics qui tapent une personne qui avait encore son masque pour prendre une photo de sa tête avec leur tél. Ils me mettent dans la cellule de dégrisement du hall d’accueil où il y a déjà sept d’entre nous. C’est la plus petite cellule, 4 m2 environ. On y sera finalement quinze. La moitié reste debout, faute de place pour s’asseoir. On y reste deux heures. Les personnes désignées comme non-mecs par les flics et celles désignées mecs mais qu’on ne pouvait plus faire renter dans la cellule sont restées assises par terre dans le hall toute la nuit jusqu’à 6 heures du matin, certaines menottées, d’autres non. Les flics ont fermé du pied la toute petite trappe, située au bas de la porte, qui laissait entrer un petit peu d’air dans la cellule. On crevait de chaud, on voyait flou, on était au bord de s’évanouir. Après qu’on a beaucoup tapé à la porte, ils décident de nous changer de cellule comme s’ils découvraient d’un coup que toutes les cellules étaient vides. Le matin, les flics nous sortent pour nous transférer. Moment de cafouillage : les flics pensaient qu’on était 30, nous recomptent plusieurs fois, disent qu’il en manque un avant de s’apercevoir qu’ils ont enregistré la même personne sous deux identités différentes.

On est 13 dans le camion qui doit partir pour le comico d’Aubervilliers. Il y a 3 sièges pous s’asseoir, les autres sont debouts ou assis par terre. Le conducteur donne un coup d’accélérateur pour démarrer et freine aussitôt : à l’arrière, on se casse la gueule. L’un d’entre nous manque de basculer sur le frein à main. On gueule un peu. Le conducteur se retourne, nous insulte, nous menace. Celui qui a failli se prendre le frein à main se met debout. On voit le regard haineux du conducteur, ses pupilles dilatées (speed ou coke ?) qui lui hurle de s’asseoir et qui bondit sur lui, rejoint par deux autres flics qui sautent de l’arrière du camion par dessus deux personnes assises par terre. Tous les trois lui donnent des coups de poing. D’autres flics attrapent une autre personne, lui donnent également des coups de poing, puis la sortent du camion, la mettent par terre, lui donnent des coups de poings et des coups de pied. D’autres flics viennent arracher ceux qui frappent les deux personnes. Les flics s’engueulent entre eux à côté du camion. Sur le chemin, le conducteur se fait engueuler par le flic assis à côté de lui et plus gradé (« qu’est-ce que t’as foutu ? » / « Il ne voulait pas s’asseoir. » / « Comment ça ? Ils sont treize ! ».) Avant d’arriver au comico, le plus gradé dit au conducteur qu’il s’ « en bat les couilles des affaires personnelles des x ».

Au comico d’Aubervilliers, on est mis en cellule. Deux sont mis à part, celles qui sont sous x, dont la personne qu’ils avaient tabassée deux fois (pour prendre sa photo dans le premier comico et quand ils l’ont sortie du camion.) Quand ils viennent nous chercher un par un pour aller voir l’opj, je demande à voir mon avocate. Ils disent qu’ils l’ont appelée plusieurs fois, qu’elle n’a pas répondu et donc qu’ils font les entretiens sans elle. Un peu plus tard, on est plusieurs à demander à changer d’avocat. Les flics disent qu’elle a répondu, qu’elle a une audience et qu’elle viendra plus tard. Finalement, c’est un autre qui arrive vers 15h et je ne le verrai pas. Quand c’est mon tour, l’opj vient me chercher : il me plaque contre le mur, me fait comprendre qu’il n’aime pas mon regard et menace de me frapper. Une fois dans le bureau, l’entretien commence. Il est agacé que je ne déclare rien, plusieurs fois s’interrompt pour me parler de mon regard qu’il dit trouver menaçant : « qu’est-ce que tu veux me dire avec ton regard ? Assure-moi que l’entretien va bien se passer. Je te dis ça pour que tu ne sois pas blessé ou plus... » Pendant l’entretien, une collègue pose un dossier sur son bureau concernant une personne déjà entendue et dit qu’il faut approfondir. Puis, l’opj me demande la signalétique (empreintes, photo & ADN), je la refuse et il m’informe qu’ils la prendront de force plus tard. Je retourne en cellule. Par ailleurs, les images de surveillance du campus on été filées aux flics pendant la nuit et plusieurs personnnes y sont confrontées par l’opj. La plupart d’entre nous a refusé la signalétique. Certains sont entendus trois ou quatre fois dans la journée. En fin de journée, le flic de la scientifique vient avec sa collègue et le mandat du procureur chercher un par un ceux qui ont refusé la signalétique. Une première fois, on entend un.e d’entre nous hurler à l’autre bout du couloir et on la voit revenir en vacillant, sans force, ne tenant pas debout, porté.e par les flics. À chaque fois qu’ils m’appellent, moi je ne réponds pas, puis c’est une autre personne qui est appelée et, sachant que sinon elle se ferait tabasser, elle suit les flics. Je serai le dernier à passer.

Quand je suis appelé, je dis que je refuse. La flic dit qu’on va devoir venir me chercher. Ils me disent que je devrais avoir honte de me comporter comme un enfant, je leur réponds que la honte est de leur côté. Je reste assis sur le côté opposé à la porte. J’avais mis mes chaussettes sur les mains car j’avais entendu un récit dans lequel ça avait relativement fonctionné. Quatre flics viennent me choper, me soulèvent, me traînent dans le couloir. En même temps que je me débats, ils me donnent des coups de poing dans le visage et des coups de pied dans le dos. Ils m’assoient sur une chaise. Pendant que je mets mes bras devant mon visage, un flic m’attrape par les cheveux et me tape la tête en arrière contre le mur. D’autres flics me tapent en même temps. Ça dure longtemps. A un moment, un flic dit que c’est filmé , et une autre flic se met entre la caméra fixée sur le torse du flic et moi. D’autres flics les ont rejoints, tout le comico est là et, quand je crie de douleur, tous les flics encouragent leur collègues, m’insultent, se moquent de moi, disent que je ne suis pas un homme et que je crie comme un enfant. Ils me font culpabiliser en me disant que je fais souffrir les personnes qui m’entendent hurler et qu’on entend crier et taper à la porte de la cellule. Après ce long moment de coups donnés pendant que je cache mon visage, ils abandonnent la photo. Ils me lèvent et me déplacent pour les empreintes. Je n’ai plus beaucoup de force. Ils sont plus nombreux sur moi. Un me tord le bras derrière le dos. J’avais déjà lâché les chaussettes lorsqu’ils me tapaient la tête contre le mur. Pendant longtemps, je suis debout, je refuse de desserrer le poing. Derrière, il y en a un qui appuie très fort sur des points douloureux derrière l’oreille, au niveau du foie, me fait une clé de bras et un autre qui me tape la tête. Celui qui veut prendre mes empreintes me tord le poignet. Une flic qui pendant tout ce temps me parle, veut me convaincre que ce que je fais est débile, que je vais être prolongé de 24h, que j’empêche les autres de sortir, demande à un autre de ses collègues de soulever ma jambe en l’air et il me tord la cheville. J’ai trop mal, je desserre le poing. Celui qui tient ma jambe la lâche. Les autres continuent de me taper, d’appuyer sur les articulations. Plusieurs fois, celui qui prend mes doigts pour les mettre dans l’encre les tord quand je bouge la feuille. A un moment, quand je crie, un flic me dit : « je te préviens, si tu me mords, je te sors, ça va être un contre un, et je te termine. » La douleur est trop grande, j’arrête de résister. Ils prennent les empreintes, me rassoient sur la chaise pour la photo. Je détourne complètement ma tête. Un flic me tire les cheveux en arrière, celui qui m’avait tapé la tête contre le mur. J’ai peur qu’il me fasse à nouveau trop mal et j’arrête de détourner la tête. Celui qui m’a pris les empreinte me ramène en cellule.

Je sors en début de soirée. Le flic qui a pris mes empreintes se plaint auprès d’une autre personne qui sort en lui disant qu’il n’avait jamais rien eu d’aussi difficile à faire de sa carrière.