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LES JARDINS JOYEUX, UN PATRIMOINE NATUREL ET CULTUREL À DÉFENDRE EN PLEIN CŒUR DE ROUEN

Vue sur la côte Sainte-Catherine

C’est en se baladant rue Joyeuse, non loin du lycée Pierre Corneille, que l’on peut découvrir un écrin de nature presque inconnu des #rouennais et actuellement occupé par le collectif « Les Jardins Joyeux ». Depuis le 13 juin 2021, ses membres y ont établi une JAD (Jardins à défendre) pour la préservation de la biodiversité et contre la #bétonisation de 4000m² d’espaces verts. En effet, un projet résidentiel d’une centaine de logements y verra le jour prochainement, le permis de construire ayant été signé sous le mandat d’Yvon Robert.

Cet ancien couvent, fondé au 17ème siècle par l’ordre catholique des sœurs Gravelines, fut ensuite occupé par les frères de l’ordre des Mathurins qui y bâtirent leur propre #chapelle après la Révolution. Le site devint par la suite un #hospice pour prisonnier.e.s puis, au 19ème siècle, des logements pour « jeunes nécessiteux ». Il est aujourd’hui composé de neuf bâtiments comprenant un ancien internat, un ancien lieu d’habitation, une chapelle et quatre annexes au bâtiment central.
l'ancien théâtre
Ouvert à tous les curieux de 9h à 21h du mardi au dimanche, les Jardins Joyeux révèlent de généreux espaces, agréables à parcourir seul ou à plusieurs. Comme point d’orgue de l’exploration, la magnifique chapelle et ses vitraux intacts, nettoyée de fond en comble par le #collectif, ne laissera personne indifférent.

« Lorsque nous sommes arrivés, tout était dans un état avancé d’insalubrité » nous explique Julien, un des ocuppants. « Nous avons dû tout remettre en ordre pour avoir quelque chose d’habitable et surtout de sécurisé. Certains endroits sont dangereux pour les visiteurs et nous le signalons avec des panneaux afin que tout le monde puisse profiter paisiblement du lieu. »
La salle de réception
En effet, différentes zones de vie dédiées à la sociabilité ajoutent un aspect très convivial et accessible aux nouveaux arrivant.e.s qui décident de pénétrer les lieux. Mention spéciale à la salle commune où sont fréquemment organisés #concerts et débats ainsi qu’à la bibliothèque réhabilitée avec goût par le collectif. Un #potager est également en cours d’extension et un ancien théâtre, dont les costumes ont été récupérés et préservés, laisse imaginer de nombreux usages…

En passant aux #JardinsJoyeux, on rencontre des gens de tous horizons. Certains ont déjà installé leur atelier ou leur chambre pour un temps, d’autres sont juste de passage pour une bière. Nous croisons un couple et leurs deux enfants explorant l’immensité des couloirs, un DJ qui vient dans le but d’organiser un évènement, un voisin, curieux de découvrir les secrets de son propre quartier…

« Le site est ouvert à tout le monde, même à ceux/celles qui ne sont pas d’accord avec notre action. Au moins on peut parler, c’est démocratique. On essaye aussi d’accueillir des #migrant.e.s en situation irrégulière ou des jeunes qui sortent de foyers et qui n’ont nulle part où aller. L’idée, c’est de profiter de cet immense espace tout en créant une communauté mixte où tout le monde cohabite et se respecte. Nos concerts sont organisés de façon à ce que le voisinage ne soit pas dérangé, l’idée ce n’est pas de nous imposer mais de proposer autre chose », nous explique Julien.

En parcourant les interminables couloirs qui traversent les anciens dortoirs, on s’amuse à observer la cour intérieure de différents points de vue depuis des chambres vides, délaissées ou personnalisées par leurs occupants. L’une d’entre elles, dédiée aux mouvements des Black Panthers, retrace l’histoire du front révolutionnaire de libération Afro-Américains par des citations et des textes écrits directement sur le mur. Une autre sert d’atelier et de bureau à un artiste « en résidence ». De nombreux murs sont également recouverts de graffitis, notamment par le très prolifique #Dhoa, et offrent aux pièces des espaces infinis de réappropriation et de créativité. Un véritable musée interactif à ciel ouvert qui ne demande qu’à s’enrichir chaque jour un peu plus.

Des concerts sont également organisés au rez-de-chaussée du bâtiment principal, notamment lors des fameuses « Darasses du jeudi », qui avaient pendant le mois de juillet, en hommage aux « Terrasses » . Des artistes comme #SebastianErikKlein (pour ne citer que lui), que nous avions invité lors de notre évènement à La Friche, y ont d’ores et déjà posé leurs « platines ». Ce qui est certain, c’est que les Jardins Joyeux laissent la part belle aux artistes rouennais.e.s et à la réflexion autour de l’appropriation des espaces urbains par la musique et la fête.

Si le projet de construction semble déjà bien avancé et le combat difficile à gagner contre le promoteur, le collectif se dit heureux d’avoir déjà pu ouvrir les jardins et ses bâtiments aux gens du quartier qui, « ne se doutaient pas d’une telle richesse patrimoniale à deux pas de chez eux ».

Cette forme de contestation pacifique qui semble devenir de plus en plus légitime en France depuis une quinzaine d’années (et crainte par les pouvoirs publics), notamment grâce à Notre-Dame-des-Landes, prend aujourd’hui des formes hybrides dont le but est d’ouvrir des brèches, des laboratoires d’expérimentation, de façon microlocale, éphémère et surtout au-delà des instances politico-financières qui, malgré les apparences, ne consultent que très rarement les citoyens sur de tels projets.

Les membres du collectif ne sont pas dupes quant à leur avenir, mais cela ne les empêche pas de tenter quelque chose à leur échelle et de faire des contre-propositions nourries par les visiteurs d’un jour ou de plusieurs semaines. Occuper un lieu n’est jamais une abstraction. C’est l’occasion d’y formuler des idéaux, de rebâtir des gestes de #solidarité et d’y inventer des alternatives, au-delà des impératifs formulés par le capitalisme dont la « rentabilité » est un prérequis obligatoire pour être reconnu comme « crédible ».

La sociologue Geneviève Pruvost, chargée de recherche au CNRS, voit dans la #ZAD et ses déclinaisons (une JAD pour les Jardins Joyeux) « une mise en abîme permanente de l’expérimentation et de l’émancipation, du social et du politique. Elle permet de ne pas oublier que les acteurs ordinaires, quand ils se révoltent, ont toujours une longueur d’avance non seulement sur les sociologues mais aussi sur les politiques. […] Les opposants ne quitteront jamais spontanément les lieux qu’ils occupent, même si l’abandon du projet devait être entériné. En effet, ils ont un monde à défendre, une utopie réelle à sauvegarder, pour reprendre le titre de l’ouvrage du sociologue Erik Olin Wright ».

Un espace pour le rêve donc, tout en gardant la tête sur les épaules ; une bonne posture pour imaginer la ville autrement. Il est vrai qu’en se promenant dans le parc, de nombreuses autres idées nous viennent en tête et nous laissent imaginer une transition vers des tiers-lieux, des locaux associatifs, des ateliers d’artistes, des potagers collaboratifs, des scènes ouvertes aux artistes, des cantines solidaires ou des espaces verts aménagés… Chacun y verra sa propre idéalité. C’est tout le mérite d’une telle forme d’occupation : interpeller les différents acteurs locaux et faire coexister des discours contraires, dans un cadre qui reconnecte les espaces réels et imaginaires et permet à ceux qui en sont systématiquement marginalisés, de redéfinir les champs de l’Art et du Politique à leur façon, avec leurs propres moyens.

Lieu visité le 29 juillet. Texte rédigé par #JordanMore-Chevalier, relu et corrigé par #AuxaneLeroy

Vous pouvez soutenir l’action des Jardins Joyeux en signant la pétition sur change.org

#Rouen #squat #pétition

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