#coffeeshops

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via @Salinger 3

Y a-t-il des États qui sont "revenus sur la légalisation" du cannabis, comme l'affirme Darmanin ?

par #EmmanuelLeclère, #OlivierBénis

Certains pays ont-ils fait machine arrière sur la légalisation du cannabis, comme l'affirme Gérald Darmanin, engagé dans une lutte féroce contre le trafic en France ? Non, selon les spécialistes que nous avons interrogés.

Faut-il légaliser le cannabis en France pour assécher une partie des finances des narcotrafiquants, réduire de facto le nombre d'acteurs criminels et donc des règlements de compte, mieux encadrer sa consommation au niveau sanitaire ? C'est un débat qui agite la classe politique, y compris la majorité, depuis plusieurs années. Gérald Darmanin, lui, se présente comme intraitable sur la question et affiche une politique du tout répressif.

Cette semaine encore, à l'occasion de la commémoration de la libération de la préfecture de police de Paris en 1944, le ministre de l'Intérieur a répondu sèchement à ceux qui contestent sa position : "La lutte contre la drogue ne peut pas souffrir de repos, mais elle ne peut pas non plus souffrir de lâcheté, qui sous couvert de légalisation insulte les policiers et les gendarmes qui risquent leur vie chaque jour au moment où les bien-pensants sont assis devant leur télévision."

"Une grande partie de ces États revient sur la légalisation"

Pour justifier cette posture, #GéraldDarmanin évoque notamment des États qui auraient constaté "un échec" après avoir légalisé le cannabis... Dans sa série de sorties médiatiques très musclées sur le sujet, le ministre de l'Intérieur a déclaré la semaine dernière que certains de ces pays, de plus en plus nombreux notamment aux États-Unis, qui sont allés vers une légalisation du cannabis auraient fait machine arrière. "C'est un échec", assure-t-il chez nos confrères de BFMTV dans cet échange que nous retranscrivons sur la #légalisation

  • Gérald Darmanin : “Est-ce que vous pensez que les #trafiquants de drogue, qui gagnent 100.000 euros d’argent liquide par jour, parce que c'est légalisé, ils vont monter une petite échoppe, déclarer aux Urssaf et aux impôts, payer des cotisations aux ASSEDIC, pour continuer à vendre au coin de la rue?”

  • BFM : "Des États l'ont fait."

  • Gérald Darmanin : "Mais c'est un échec."

  • BFM : "Si c'était un échec, ils seraient revenus dessus or ils ne sont pas revenus dessus".

  • Gérald Darmanin : "Mais une grande partie de ces États et de l'opinion publique revient sur cette légalisation. Moi j'y suis très opposé."

Le ministre ne précise pas de quels États il parle. Depuis cette déclaration, nous avons donc cherché à savoir quels sont les pays ou les États concernés par un retour en arrière sur la légalisation du cannabis. Mais aucun des trois spécialistes que nous avons consultés sur ce sujet, et qui préfèrent rester anonymes pour ne pas froisser les pouvoirs publics, n'a pu en citer ne serait-ce qu'un seul.

Pas l'Uruguay, par exemple, le premier pays à avoir légalisé, ni le Québec au Canada, ni le Portugal, assure le premier expert. Il a été question d'un échec au Colorado aux États-Unis, mais uniquement parce que les pouvoirs publics n'ont pas réussi à faire rentrer les taxes promises aussi rapidement que prévu. 

"Il est vrai qu'en Europe", poursuit une chercheuse, "les Pays-Bas cherchent à limiter fortement le tourisme étranger dans les #coffeeshops, notamment à la frontière avec la Belgique. Mais ils réfléchissent dans le même temps à produire eux-mêmes légalement le cannabis !"

"Pour l'Angleterre enfin", dit une autre source, "les autorités ont bien remis le #cannabis de contrebande dans la catégorie des drogues dangereuses (taux de THC, #tétrahydrocannabinol très élevé). Mais ça n'a rien à voir avec le type de cannabis homologué qui circule dans les pays, où sa consommation est légale ou au moins tolérée !"

Interrogé par #FranceInter, le cabinet du ministre de l'Intérieur, n'a pas pu nous apporter de précisions sur un État en particulier qui serait revenu sur un dispositif de légalisation des drogues. On nous renvoie simplement sur un autre passage de la même intervention de Gérald #Darmanin, qui parle des nouvelles coopérations dans la lutte contre les plus grand trafiquants de #drogue. Avec à la clé, plusieurs arrestations récentes spectaculaires de trafiquants français recherchés comme à Dubaï ou au Maroc. 

Une stratégie intégralement répressive

Le ministre de l'Intérieur, ces derniers jours, ne cesse de rappeler sa position très ferme sur ce "poison" (la drogue en général), cette "merde" qu'il faut combattre à tout prix. Le ministre préfère mettre en avant une arme de #répression - ou dissuasion massive en tout cas - avec la mise en place des amendes forfaitaires délictuelles pour usage de stupéfiants ; des amendes assorties de l’inscription possible sur le casier judiciaire pour dissuader les consommateurs. Gérald Darmanin se félicite aussi toutes les semaines des nouvelles stratégies policières pour "harceler" ou "pilonner" (l'expression est signée de la nouvelle préfète de #police de #Marseille) les "fours", les point de vente de drogue de rue ou les livreurs à domicile (surnommés "Uber shit"). Des stratégies qui ont permis d'obtenir de très bons résultats, en termes d'arrestations, depuis le début de l'année.

Plusieurs élus marseillais de la nouvelle majorité municipale ont pourtant rallumé le débat après la mort d'un adolescent criblé de balles la semaine dernière, et la dizaine de morts en l'espace d'un été, ce qui est "sans équivalent ces vingt dernières années" selon une source policière marseillaise. Ils estiment qu'il n'y aura pas d'autre solution que d'ouvrir réellement ce débat, jusqu’ici impossible ou presque en France. Le député LREM Jean-Baptiste Moreau notamment, rapporteur du dernier rapport parlementaire sur le sujet avant l'été, rappelle sur France Inter et sur Twitter que la #prohibition et les politiques répressives sur le sujet ont toutes échoué depuis 40 ans.