Et vous, quelle est votre vision du numérique ?
Résultat du sondage-concours réalisé en mai 2022 lors de l’événement Smile City, organisé par les Services Industriels de Genève (SIG)
Introduction
Nous sommes toutes et tous soumis à des messages fortement contradictoires en ce qui concerne le numérique. D’une part, des informations anxiogènes en lien avec les défis environnementaux actuels et, d’autre part, des injonctions vers une numérisation effrénée de tous les pans de notre société, comme s’il s’agissait de l’unique voie possible, du salut de notre civilisation, d’une aubaine à ne pas manquer. itopie prône une troisième voie, celle de la “sobriété numérique”.
En effet, nous savons scientifiquement que le numérique actuel n’est pas du tout durable, que ce soit sous l’angle énergétique, de l’utilisation des ressources naturelles ou, plus généralement, des équilibres environnementaux. Exemples : utilisation de ressources considérables pour la fabrication des appareils (matières premières, énergies), faible durée de vie, complexité et miniaturisation des appareils rendant leur recyclage très compliqué et peu rentable, accumulation de matériel, sollicitation croissante du réseau, consommation électrique à l’utilisation, maintenance d’un réseau ultrarapide et gourmand en énergie, etc.
Face à cette surconsommation, itopie milite pour la sobriété numérique, soit une utilisation numérique raisonnée, qui tienne compte des limites planétaires. Cette démarche ne rime pas uniquement avec “mauvaises nouvelles”, “contraintes” et “restrictions désagréables”. Il s’agit réellement d’une magnifique opportunité de réinventer le monde de demain avec, certes, toujours du numérique dans les domaines où il est nécessaire et peu nocif, mais aussi de retourner à la réalité et à l’inventivité (pas uniquement technique) qui a caractérisé notre espèce jusqu’à présent. Il s’agit donc de faire preuve de créativité en remettant l’humain au centre de nos activités et en rejetant le solutionnisme technologique comme unique option.
A la mi-mai dernier, un sondage-concours a été organisé par nos soins dans le cadre du programme éco21 des Services Industriels de Genève (SIG). Ce programme soutient et valorise des pratiques et projets genevois orientés vers une économie plus circulaire et durable. C’est le cas pour la réparation d’ordinateurs, la vente de matériel revalorisé et le prêt chez itopie.
L’objectif de ce sondage était de nous permettre de mieux comprendre les utilisations et contraintes réelles des individus, liées au numérique et d’être ainsi capables de mieux soutenir des actions favorisant un numérique plus durable (au sens environnemental et social du terme). Comme promis, nous présentons ci-dessous un retour général des résultats du sondage, ainsi que quelques conseils pour tendre vers un numérique plus sobre et durable.
Veuillez par ailleurs noter que les quatre heureuses personnes gagnantes du concours seront tirées au sort et contactées dans les prochains jours. Elles gagneront, comme convenu, un bon itopie d’une valeur de 70 CHF pour une vérification, une réparation ou un nettoyage de leur ordinateur, ou pour acheter un ordinateur reconditionné.
Encore merci d’avoir participé !
Présentation des résultats
Biais et mises en garde
132 personnes ont participé au questionnaire. Ces répondant·e·s forment un échantillon dit “de convenance”, car probablement peu représentatif de la population de Genève. En effet, comme le sondage était présenté par itopie dans le cadre d’un stand de sensibilisation à la sobriété numérique et à une informatique plus durable, nous pouvons raisonnablement penser que les participant·e·s étaient déjà en partie conscientisé·e·s sur ce sujet.
Notez également que la plupart des questions étaient posées positivement vis-à-vis de la sobriété numérique et d’une informatique plus durable, ce qui pourrait également générer un biais dans les réponses (ex : “Je suis contre le tout numérique et réserve mon utilisation du numérique là où c’est vraiment utile.”).
Pour des raisons de qualité statistique, quelques questions ont été formulées à l’envers de cette thématique (ex: “Si mon appareil numérique devient lent, cela ne me dérange pas d’acheter un nouvel appareil plus puissant.”).
Conscience de l’impact du numérique
Deux questions portaient sur le niveau de conscience des participant·e·s quant à l’impact du numérique sur l’environnement. Les résultats présentés ci-dessous indiquent que la plupart des participant·e·s sont déjà bien conscient·e·s du fait que le numérique a un impact certain sur l’environnement.
Ces derniers mois, il m'est arrivé de réfléchir à mon numérique et son impact sur l'environnement
Je pense que le numérique en général a vraiment un impact significatif sur la planète
Sentiment de dépendance au numérique
Selon notre niveau de dépendance au numérique, opter pour la sobriété numérique peut être plus ou moins difficile. On voit ici que la plupart des répondant·e·s sont relativement dépendant·e·s de leur numérique, bien qu’ils et elles cherchent à le “contenir” seulement là où il est nécessaire.
Je dépends de mes appareils numériques pour réaliser la plupart de mes activités au quotidien
Je suis contre le "tout numérique" et réserve mon utilisation du numérique là où c'est vraiment utile
Faire durer ses appareils : maintenance, réparation, hygiène numérique
Sachant les ressources considérables à utiliser pour fabriquer un nouvel appareil (matières premières et énergie) et la quasi impossibilité à les recycler (ou à de très faibles pourcentages), faire durer ses appareils numériques le plus longtemps possible est une première manière efficace pour tendre vers plus de sobriété numérique. Afin de prolonger la durée de vie d’un appareil, les tâches de maintenance, de réparation, ou d’hygiène numérique sont nécessaires. Il convient par ailleurs d’éviter de succomber aux sirènes des désirs, envies et besoins supposés, véhiculés par le monde de la publicité.
Les résultats ci-dessous, en comparant avec ce que nous voyons dans notre magasin de réparation, nous indiquent que les répondant·e·s sont déjà passablement sensibles à faire durer leur appareils. Une marge de progression à l’air néanmoins encore possible dans les activités de maintenance et le suivi des conditions optimales de fonctionnement des appareils numériques.
J'évite d'acheter (ou recevoir) un appareil numérique neuf si l'ancien répond à mes besoins
Je me soucie des conditions optimales de fonctionnement de mes appareils numériques (ex: humidité, poussière, sable, rayures, chocs)
J'effectue régulièrement des tâches de maintenance sur mes appareils numériques (ex: nettoyage, dépoussiérage effacement des données et programmes non-utilisés)
J'essaie de réparer ou améliorer mes appareils numériques avant d'acheter du neuf
Avant tout nouvel achat, je me préoccupe de la durabilité et de la réparabilité de l'appareil numérique que j'achète
Faire durer ses appareils : questionner les logiciels
Les appareils numériques sont souvent changés car ils “ralentissent” au fil des années. En fait, un appareil ne ralentit pas; c’est généralement une démarche voulue par le constructeur ou les fournisseurs de logiciels, qui proposent des outils logiciels de plus en plus lourds, sans vraiment améliorer ces derniers. Cet état de fait favorise un rééquipement anticipé en neuf, souvent de piètre qualité, issu des grandes surfaces. On peut d’ores et déjà supposer que cette pratique est intentionnelle étant donné qu’elle augmente considérablement le chiffre d’affaire du secteur. Une bonne solution pour les utilisateur·trice·s est donc de réagir et de changer de logiciels si ceux qu’ils et elles utilisent ne permettent plus d’utiliser l’ordinateur. L’utilisation de GNU/Linux et de logiciels libres permettent dans ce cadre d’augmenter grandement la durée de vie des appareils (certains de nos ordinateurs à itopie ont plus de 15 ans et tournent encore parfaitement comme au premier jour).
Comme nous nous y attendions à la création de ce sondage, la remise en cause d’un logiciel trop gourmand semble difficile pour certain·e·s répondant·e·s. Nous constatons aussi qu’une sensibilisation est nécessaire pour remettre en cause l’idée reçue quant au ralentissement des vieilles machines (qui, même si elles vieillissent, ne ralentissent pas).
Si un programme est trop lourd pour mon appareil numérique, je cherche un programme concurrent plus léger
Avant tout nouvel achat d'appareil numérique, je prends le temps d'évaluer mes besoins réels
Si mon appareil numérique devient lent, cela ne me dérange pas d'acheter un nouvel appareil plus puissant
J'utilise en priorité des logiciels libres
Faire fonctionner le marché du reconditionné/de l’occasion
S’il faut acquérir un nouvel appareil, acheter reconditionné, voire d’occasion, permet d’éviter la fabrication d’un appareil neuf. Cela favorise l’économie de ressources précieuses et en quantité limitée sur la planète. La filière du reconditionnement et de l’occasion est donc une manière efficace pour tendre vers un numérique plus sobre.
Cette filière ne peut pas fonctionner si les anciens appareils sont stockés chez leurs ancien·ne·s propriétaires. En effet, la filière du reconditionnement a constamment besoin de pièces de rechanges, d’appareils à proposer aux futur·e·s acquéreur·seus·s, etc. Il est donc crucial de permettre la réutilisation des appareils dont on n’a plus l’utilité.
S'il répond à mes besoins, je préfère acheter un appareil numérique reconditionné (i.e. remis à neuf), plutôt qu'un neuf
Dès que possible, je transmets plus loin les appareils numériques dont je n'ai plus besoin (ex: don, vente)
Partager les appareils et les connaissances
A l’heure actuelle, l’européen·ne moyen·ne dispose de pratiquement 10 appareils numériques (données ADEME, 2021). C’est trop ! Selon nous, cette surconsommation d’appareils vient du fait que l’on envisage ces derniers comme des biens personnels de consommation alors que la plupart pourraient être partagés à plusieurs sans que cela ne gêne nos utilisations (après tout, presque toute personne de plus de 40 ans a déjà vécu dans un ménage disposant d’un seul numéro de téléphone et d’un seul ordinateur).
Selon les réponses du sondage (premier graphique), cette partie est compliquée pour beaucoup de répondant·e·s; difficile de partager ses appareils (quelle qu’en soit la raison).
Dès que possible, je cherche à mutualiser les appareils numériques en prêtant, empruntant ou louant (ex: partage au sein du même ménage, du quartier, etc.)
Limiter son utilisation du réseau
Internet, ou les réseaux informatiques de manière plus générale, ont complètement bouleversé nos vies ces deux dernières décennies. Pour le meilleur et pour le pire… En effet, nous pouvons apprendre, nous former, communiquer par le réseau a priori sans limite et sans contrainte visible, ce qui est tout bonnement prodigieux. En contrepartie, nous sommes confronté·e·s à une utilisation effrénée des réseaux sociaux, de la vidéo à la demande, du streaming, ou de l’informatique dans le nuage où que l’on soit, ce qui a rendu internet extrêmement gourmand en ressources et en énergie. Selon les estimations, le réseau mondial consomme en 2022 10 à 15% de l’électricité du globe, soit presque autant que la Chine ou les Etats-Unis d’Amérique. En 2024, certain·e·s expert·e·s estiment que cette consommation électrique sera doublée ! (Données Ademe, 2021)
Sachant que la plus grande partie du contenu numérique que nous utilisons quotidiennement se trouve quelque part sur le réseau, et plus sur les appareils individuels, réduire drastiquement sa consommation de streaming vidéo et audio, ainsi que son utilisation de l’informatique en nuage, est nécessaire pour celui ou celle qui désire tendre vers la sobriété numérique.
Stopper les publicité en lignes (souvent des vidéos inintéressantes) est aussi une bonne manière de diminuer drastiquement son utilisation du réseau.
Les réponses au sondage indiquent qu’une marge de progression certaine est possible sur cette thématique de l’utilisation du réseau et qu’itopie pourrait se pencher sur ce problème et proposer à ses client·e·s des pistes vers plus de sobriété.
Je cherche ou applique régulièrement des solutions afin de limiter le transfert d'importants volumes de données sur Internet (en envoi comme en réception)
Je suis sensible au respect de la vie privée sur internet et préoccupé par l'économie de surveillance
Réduire sa consommation électrique
Si nous ne pouvons généralement pas éteindre les objets numériques que nous utilisons via Internet, nous pouvons le faire pour ceux de la maison lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Ce petit geste d’éteindre complètement (pas seulement de mettre en veille) nos appareils électriques peut beaucoup aider en vue d’un numérique plus sobre. En effet, certains ménages consomment avec leurs appareils en veille plus que leur congélateur, pourtant gros consommateur !
Je réserve le mode veille aux appareils qui devront être rallumés dans l'heure. Au delà, je préfère les éteindre
Conclusion et remerciements
En gardant à l’idée que ces résultats ne sont probablement pas représentatifs de la population genevoise dans son ensemble, on pourra tout de même en tirer quelques idées et conclusions permettant à itopie d’améliorer son travail de soutien à la sobriété numérique. Nous tenons en tout cas encore une fois à remercier les participant·e·s à ce sondage qui nous sera bien utile !
Nous remercions également Victorin Luisier qui s’est notamment chargé de la mise en place du sondage-concours ainsi que de l’analyse des résultats.
#apprendre #durabilite #engagements-citoyens #informations-pratiques #logiciels-libres #reparation #revalorisation #sobriete-numerique
Publié initialement sur : https://www.itopie.ch/et-vous-quelle-est-votre-vision-du-numerique/