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alaincognito@diaspora-fr.org

Marguerite Yourcenar

« Je condamne l’ignorance qui règne en ce moment dans les démocraties aussi bien que dans les régimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu’on la dirait voulue par le système, sinon par le régime. J’ai souvent réfléchi à ce que pourrait être l’éducation de l’enfant.
Je pense qu’il faudrait des études de base, très simples, où l’enfant apprendrait qu’il existe au sein de l’univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu’il dépend de l’air, de l’eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout détruire.
Il apprendrait que les hommes se sont entretués dans des guerres qui n’ont jamais fait que produire d’autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongèrement, de façon à flatter son orgueil.
On lui apprendrait assez du passé pour qu’il se sente relié aux hommes qui l’ont précédé, pour qu’il les admire là où ils méritent de l’être, sans s’en faire des idoles, non plus que du présent ou d’un hypothétique avenir.
On essaierait de le familiariser à la fois avec les livres et les choses ; il saurait le nom des plantes, il connaîtrait les animaux sans se livrer aux hideuses vivisections imposées aux enfants et aux très jeunes adolescents sous prétexte de biologie. ; il apprendrait à donner les premiers soins aux blessés ; son éducation sexuelle comprendrait la présence à un accouchement, son éducation mentale la vue des grands malades et des morts.
On lui donnerait aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en société est impossible, instruction que les écoles élémentaires et moyennes n’osent plus donner dans ce pays.
En matière de religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde, et surtout de celle du pays où il se trouve, pour éveiller en lui le respect et détruire d’avance certains odieux préjugés.
On lui apprendrait à aimer le travail quand le travail est utile, et à ne pas se laisser prendre à l’imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui vante des friandises plus ou moins frelatées, en lui préparant des caries et des diabètes futurs.
Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses véritablement importantes plus tôt qu’on ne le fait. »
#yourcenar #politique #futur #enfance #societe #france

aliceamour@sysad.org

The cynics and the moralists agree in placing the pleasures of love among the enjoyments termed gross, that is, between the desire for drinking and the need for eating, though at the same time they call love less indispensable, since it is something which, they assert, one can go without. I expect almost anything from the moralist, but am astonished that the cynic should go thus astray. Probably both fear their own daemons, whether resisting or surrendering to them, and they oblige themselves to scorn their pleasure in order to reduce its almost terrifying power, which overwhelms them, and its strange mystery, wherein they feel lost. I shall never believe in the classification of love among the purely physical joys (supposing that any such things exist) until I see a gourmet sobbing with delight over his favourite dish like a lover gasping on a young shoulder. Of all our games, love’s play is the only one which threatens to unsettle the soul, and is also the only one in which the player has to abandon himself to the body’s ecstasy. ... In every act save that of love, abstinence and excess alike involve but one person; any step in the direction of sensuality, however, places us in the presence of the Other, and involves us in the demands and servitudes to which our choice binds us (except in the case of Diogenes, where both the limitations and the merits of reasonable expediency are self-evident). ... That mysterious play which extends from love of a body to love of an entire person has seemed to me noble enough to consecrate to it one part of my life. Words for it are deceiving, since the word for pleasure covers contradictory realities comprising notions of warmth, sweetness, and intimacy of bodies, but also feelings of violence and agony, and the sound of a cry. The short and obscene sentence of Posidonius about the rubbing together of two small pieces of flesh, which I have seen you copy in your exercise books with the application of a good schoolboy, does no more to define the phenomenon of love than the strings touched by the finger account for the infinite miracle of sounds. Such a dictum is less an insult to pleasure than to the flesh itself, that amazing instrument of muscles, blood, and skin, that red-tinged cloud whose lightning is the soul.

-- Yourcenar, Marguerite, Memoirs Of Hadrian,

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