Les urgences d'un CHU français sont contraintes de fermer la nuit. Nous sommes dans une situation catastrophique...mais vous n'avez pas idée que ce n'est que le début ! Revenons à ce qu'il se passe, du point de vue urgences pédiatriques ⤵️ /1

Je travaille depuis bientôt 4 ans à temps plein en tant que médecin aux urgences pédiatriques. Mon domaine, c'est encaisser et écoper, dispatcher et trier. Mon domaine, en gros, c'est d'être la première ligne et de voir qui peut/doit aller en seconde ligne, en hospitalisation. /2
Depuis le véritable mur que l'on s'est pris dans la tronche en Novembre dernier, d'une violence inouïe, nous avons peur. Moi, mes collègues, les équipes. Nous avons la « chance » d'avoir une relative accalmie avec la période estivale et la baisse des entrées. /3
Mais on sait que dès que les vacances seront terminées, on va subir l'enfer. Encore. D'autant plus qu'on voit que l'accalmie n'est plus si marquée par rapport aux années précédentes.
Car les choses ont changé et il faut le répéter, il faut dire ce qu'on voit aux urgences. /4
Je vois d'abord une catégorie de parents qui viennent car ils n'ont pas d'autres choix : ils ne trouvent plus de médecins traitants car les collègues de ville sont submergés ou ne peuvent plus prendre de nouveaux patients. C'est impossible. /5
De ce fait, les rendez-vous, pour des choses largement gérables en ville, ont des délais de dingue. Vraiment. Et les gens en sont réduits à la maison médicale ou aux urgences (ou à SOS médecins le cas échéant). /6
Souvent, je le confesse ici, je m'énerve contre ces gens qui viennent pour rien de mon point de vue de l'urgence. Je râle. Encore et encore. Mais je finis par me raisonner car la pénurie en ville des médecins va crescendo et il n'y a pas de solution. Ni chez nous ni ailleurs. /7
Ensuite, des parents viennent pour des trucs qui n'ont pas besoin d'être géré par un médecin. Vraiment. Un rhume par exemple. J'en vois des tonnes, affolés souvent par la fièvre. Mais PERSONNE, je dis bien PERSONNE, n'a jamais entrepris d'éduquer en masse les gens à la santé. /8
Combien de parents pensent que 40°C, c'est grave ? Combien de gens pensent qu'une éruption de boutons d'un coup, c'est grave ? La vérité, c'est que le commun des mortels n'est pas médecin et que l'on a abandonné la formation médicale de base des patients/parents. /9
Donc, non seulement ces gens n'ont plus de médecin traitant ou de médecin tout court pour des choses non urgentes mais ils ne savent même pas ce qui doit être vu par un médecin et/ou en urgences. Du coup, c'est un cul-de-sac ingérable. /10
Après, on trouve des gens qui sont simplement bêtes. Des gens qui se foutent de tout, sont hermétiques à tout, qui croient que tout leur est dû, et qui se comportent comme des cons. C'est une minorité mais qui devrait être puni pour abuser du système. /11
Un exemple simple mais archi-courant : « J'ai un rendez-vous à 18h avec mon médecin mais c'est plus pratique pour moi de venir à 14h, alors je suis venu ».
Ça, ce devrait être refus aux urgences et amende. C'est intolérable. /12
Ensuite, ne soyons pas obtus, on voit aussi des enfants et des parents qui sont pris en charge comme des pieds par des médecins qui ne font pas ou très mal de la pédiatrie et font n'importe quoi. Du coup, on sauve le coup, et ça fait perdre du temps à tout le monde. /13
De ce côté, il faut une re-certification des compétences des médecins, des bases, vraiment, pour des trucs élémentaires qu'on peut gérer convenablement en ville. Parce que même s'ils sont peu nombreux, ils alourdissent un système qui ne peut pas se le permettre. /14
Enfin, je vois des gens qui n'ont ni les moyens financiers ni intellectuels pour se soigner ou apprendre les bases. C'est une population fragile, souvent loin des mauvais clichés qu'on veut lui filer, et qui a besoin de nous aussi. Encore plus besoin. /15
Et en face, nous, médecins, infirmières, aides-soignants, nous nous épuisons. Physiquement, moralement. Petit à petit, les urgences usent vraiment vraiment intensément. Et nous sommes incapables d'absorber le lent effondrement du système tout entier. On ploie petit à petit. /16
Le problème, c'est que nous sommes à la fois la première et la dernière ligne de front du système hospitalier. L'avant-garde, en ville, n'en finit pas de crever car on n'a jamais rien fait pour elle ou presque, excepté des déclarations/mesures populistes stupides. /17
Je vais pas faire un laïus encore sur le sempiternel numerus clausus qui ne viendra jamais résoudre les choses, ou sur l'obligation d'installation alors qu'on est trop peu partout déjà. Mais je veux répéter ici que les gens doivent se préparer et se former autant que possible /18
Plein de CH ont des urgences au bord de la fermeture ou qui ont fermé, le CHU de Bordeaux est le premier à prendre cette mesure mais pas le dernier. Il est temps de réaliser que les fautes d'il y a 30 ans sont presque irréparables. /19
On peut dès maintenant envisager de relever le système en le refondant, en le repensant, en le revalorisant et en éduquant en masse. Pour un jour sortir du marasme qui nous attend ces 10-15 prochaines années. /20
...et c'est étrange mais en écrivant ce thread, je n'ai pas arrêté de penser au climat et au GIEC/climatologues/scientifiques sur l'urgence d'agir pour l'avenir.
À bon entendeur ! 😔

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#santé
#chu
#médecine

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