HORS NORME
Soi-disant, si la société n’existait pas, on risquerait d’être confronté à un problème de viol.
S’il faut parler de quelque chose d’aussi moche que le viol, autant le faire tout de suite. Qu’on en soit débarrassé ! Justement, à ce propos, j’avais eu une discussion avec ma mère, quand j’avais neuf ans.
Que pouvais-je avoir à dire sur le sujet à neuf ans ? J’ignorais ce qu’est un viol au sens où l’entendent les policiers, tout comme j’ignorais ce qu’est faire l’amour au sens où l’entendent les biologistes.
Néanmoins, les biologistes ne connaissent dans leurs laboratoires ni viol ni amour. Seul l’accouplement est scientifiquement observable. La notion de viol naît des sentiments et ressentiments avant d’être normalisée dans les commissariats de police suivant des critères établis par je ne sais qui et répondant aux intérêts de je ne sais qui.
Moi, l’accouplement, je ne me doutais pas que cela existât. J’ai découvert ce qu’est le viol le jour où j’ai vu Nadia se faire violer. D’ailleurs, le violeur, c’était un peu moi. Je ne l’ai pas fait exprès ; je ne savais pas.
Bon, je m’explique :
J’avais six ans et Nadia en avait quatre. Nous discutions ensemble, debout, chacune d’un côté de la barrière qui nous séparait.
Tout d’un coup, elle fut prise de panique.
« Le garçon ! Y va baisser ma culotte !
- Quel garçon ? »
Il y avait effectivement un garçon de son âge deux ou trois mètres derrière elle mais il ne me semblait pas que cela justifiât la crainte de Nadia.
« Pourquoi tu dis qu’y va baisser ta culotte ?
- Je sais pas. J’ai peur.
- Mais non, y a pas de raison. D’ailleurs, tu vois : y s’en va. »
Je revenais à notre discussion initiale quand la panique s’empara de nouveau de Nadia.
« Le garçon ! Y va baisser ma culotte ! »
En fait, quand je le regardais, il s’éloignait et quand je regardais Nadia, il s’approchait d’elle de nouveau. Ça faisait peur à Nadia, si bien que je ne pouvais plus discuter avec elle.
Elle prit une petite voix douce pour m’implorer :
« Le laisse pas faire ! T’es grande, toi. Protège-moi !
- Je peux pas te protéger : il est du même côté de la barrière que toi et j’ai pas droit de l’escalader. C’est pas grave. Faut pas avoir peur ! Y va pas baisser ta culotte : ça serait complètement toc-toc. »
Pourtant, lors d’un instant où je ne le regardais pas, il courut brusquement jusqu’à Nadia et baissa sa culotte. Ne pouvant intervenir et ne sachant que dire, je restai là, immobile, stupéfaite.
Cherchant en moi un refuge, Nadia me regarda dans les yeux. Du coup, je regardai ses yeux. Pendant les quelques secondes durant lesquelles le garçon regardait les fesses de Nadia, moi, je regardais ses yeux. Je vis plein de choses traverser son regard, plein de choses que le garçon ne voyait pas. Je vis peut-être bien plus de choses en regardant les yeux de Nadia que le garçon n’en vît en regardant ses fesses.
SEX AND DESTROY un nouveau son rock ?
1ère partie : DATE ET LIEU DE NAISSANCE
chapitre 1 : Viol d'enfant
section 1 sur 9
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