#garçon

angeliqueandthehord@diaspora-fr.org

UNE VIE QUI S'EFFONDRE

La rentrée des classes eut lieu le matin. J'allai à l'école en suivant le conseil de Nani :
« Pour aimer l'école, il faut chasser de ton esprit tous ses points négatifs et te concentrer uniquement sur la raison pour laquelle tu y vas. »

Le midi, Maman vint me chercher et me ramena à la maison. Caki et Nani devaient revenir du lycée vingt minutes plus tard, ce qui laissait à Maman le temps de préparer le repas.

Dans la cuisine, je regardais silencieusement Maman qui se concentrait sur son nouvel emploi du temps et sur ses casseroles quand Nani arriva tout à coup.

Maman lui demanda :
« Ben, comment ça se fait que t'es déjà là ? »

Nani répondit, tout excitée :
« J'ai couru pendant tout le chemin : j'avais hâte que Doudoune me raconte sa première matinée d'école. »

Nani se tourna vers Doudoune et lui demanda :
« Alors, raconte ! C'était bien, l'école ? »

Doudoune, c'était moi.

Pauvre Nani ! Elle était si fière que sa Doudoune allât à l'école ! Du coup, je décidai de reporter à plus tard ce que j'avais à dire et répondis :
« Oui. »

Ma voix tremblante, mon absence de sourire et les larmes que je n'arrivais pas bien à contenir jetèrent quand même un froid. Maman détacha son attention de ses casseroles et Nani me demanda d'un ton hésitant :
« Alors, tantôt, t'y retournes ?
- Non, pas tantôt,
expliquai-je. J'irai plutôt demain. »

En fait, il était tout à fait hors de question que je retournasse dans cette école, même pas pour faire plaisir à ma famille, même pas pour une heure. Tout ce que je pouvais faire, c'était leur dire, genre :
« J'irai plus tard… j'irai un autre jour… on verra… »
reculer l'échéance jusqu'à ce que cette histoire d'école tombât dans l'oubli.

Alors, un jour, je leur en reparlerais. Je leur dirais :
« Tu te souviens, l'école ? C'était pas pour moi, tu sais »

Maman et Nani insistèrent :
« Tantôt aussi, faut y aller. »

Cela dura ainsi un long moment. Leur entêtement me faisait beaucoup souffrir. Les longues heures que je venais de passer dans cette école m'avaient fait tant de mal ! J'avais besoin d'aller dans ma chambre, de m'allonger, de fermer les yeux et de me dire :
« C'est fini. Tout va bien. »

Maman et Nani continuaient à me tarauder pour que j'acceptasse d'y retourner. Pour mettre fin à ce tourment, je demandai explicitement :
« Chuis pas obligée, d'y aller ?
- Non, l'école maternelle, c'est pas obligatoire. »

répondit Nani.

Ouf ! Quel soulagement, enfin ! Je n'avais plus qu'à conclure :
« Alors, j'y vais pas. »

Avant de parler, j'avais besoin de reprendre mes esprits et de respirer. J'étais encore sous le choc.

Pendant ce temps-là, j'entendis Maman dire à Nani :
« Ben non, faut pas lui dire ça. »
me replongeant dans l'angoisse.

Mon Dieu ! Qu'elle était lourde !

Moi, je savais que je n'étais pas obligée d'aller à l'école ; c'est ce qui avait été convenu. Vu ce qui se passait dans l'école maternelle, je ne pouvais pas accepter d'y retourner. Il fallait que Maman se mît ça dans la tête, que ça lui plût ou non. C'est comme ça, il y a des choses qu'on ne peut pas accepter.

Je la regardai droit dans les yeux et reformulai ma question :
« Chuis pas obligée d'y aller, à l'école ? »

Elle se mit à tergiverser, à dire je ne sais quoi, un blabla quelconque.

Je reformulai ma question :
« Chuis pas obligée d'y aller, à l'école ? »

Elle ne voulait pas répondre franchement. Elle cherchait à me faire craquer pour que je cédasse.

Oui, bien sûr, j'avais les nerfs qui lâchaient, étant donné ce que j'avais vécu tout au long de la matinée et subissant, maintenant, la menace d'y retourner.

J'explosai :
« Même si tu me donnes une fessée pour me faire dire que je veux bien retourner dans l'école maternelle, je le dirai pas. Chuis pas obligée d'y aller, à l'école ? »

Nani s'interposa :
« Oh non, Maman ! Lui donne pas de fessée, pas aujourd'hui, quand même ! »

N'ayant plus d'autre moyen de pression, Maman me répondit :
« Si, c'est obligé. Faut y aller. »

Je sentis en moi un effondrement total. Nani me retint pour ne pas que mon corps s'écroulât sur le sol.

Maman demanda :
« Qu'est-ce qui s'est passé ? Explique ! »

Je voulais en finir. Ressasser cette histoire par-dessus le marché, c'était au-dessus de mes forces. Pourtant, il fallait que je parvinsse à répondre à la question de Maman. C'était ma seule chance de faire respecter mon choix.

Il s'était passé beaucoup de choses qui me donnaient envie de pleurer mais il ne fallait pas que je pleurasse si je voulais arriver à parler. Il fallait que j'allasse à l'essentiel, que je dénonçasse le plus grave.

Oh ! je savais bien ce que c'était, le plus grave. J'ouvris la bouche pour l'exprimer mais aucun son ne put sortir de ma gorge.


SEX AND DESTROY un nouveau son rock ?
1ère partie : DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Chapitre 4 : Les garçons de la maternelle
section 9 sur 10


#école #liberté #conflit #mère #garçon

angeliqueandthehord@diaspora-fr.org

HORS NORME

Soi-disant, si la société n’existait pas, on risquerait d’être confronté à un problème de viol.

S’il faut parler de quelque chose d’aussi moche que le viol, autant le faire tout de suite. Qu’on en soit débarrassé ! Justement, à ce propos, j’avais eu une discussion avec ma mère, quand j’avais neuf ans.

Que pouvais-je avoir à dire sur le sujet à neuf ans ? J’ignorais ce qu’est un viol au sens où l’entendent les policiers, tout comme j’ignorais ce qu’est faire l’amour au sens où l’entendent les biologistes.

Néanmoins, les biologistes ne connaissent dans leurs laboratoires ni viol ni amour. Seul l’accouplement est scientifiquement observable. La notion de viol naît des sentiments et ressentiments avant d’être normalisée dans les commissariats de police suivant des critères établis par je ne sais qui et répondant aux intérêts de je ne sais qui.

Moi, l’accouplement, je ne me doutais pas que cela existât. J’ai découvert ce qu’est le viol le jour où j’ai vu Nadia se faire violer. D’ailleurs, le violeur, c’était un peu moi. Je ne l’ai pas fait exprès ; je ne savais pas.

Bon, je m’explique :
J’avais six ans et Nadia en avait quatre. Nous discutions ensemble, debout, chacune d’un côté de la barrière qui nous séparait.

Tout d’un coup, elle fut prise de panique.

« Le garçon ! Y va baisser ma culotte !
- Quel garçon ? »

Il y avait effectivement un garçon de son âge deux ou trois mètres derrière elle mais il ne me semblait pas que cela justifiât la crainte de Nadia.

« Pourquoi tu dis qu’y va baisser ta culotte ?
- Je sais pas. J’ai peur.
- Mais non, y a pas de raison. D’ailleurs, tu vois : y s’en va. »

Je revenais à notre discussion initiale quand la panique s’empara de nouveau de Nadia.

« Le garçon ! Y va baisser ma culotte ! »

En fait, quand je le regardais, il s’éloignait et quand je regardais Nadia, il s’approchait d’elle de nouveau. Ça faisait peur à Nadia, si bien que je ne pouvais plus discuter avec elle.

Elle prit une petite voix douce pour m’implorer :
« Le laisse pas faire ! T’es grande, toi. Protège-moi !
- Je peux pas te protéger : il est du même côté de la barrière que toi et j’ai pas droit de l’escalader. C’est pas grave. Faut pas avoir peur ! Y va pas baisser ta culotte : ça serait complètement toc-toc. »

Pourtant, lors d’un instant où je ne le regardais pas, il courut brusquement jusqu’à Nadia et baissa sa culotte. Ne pouvant intervenir et ne sachant que dire, je restai là, immobile, stupéfaite.

Cherchant en moi un refuge, Nadia me regarda dans les yeux. Du coup, je regardai ses yeux. Pendant les quelques secondes durant lesquelles le garçon regardait les fesses de Nadia, moi, je regardais ses yeux. Je vis plein de choses traverser son regard, plein de choses que le garçon ne voyait pas. Je vis peut-être bien plus de choses en regardant les yeux de Nadia que le garçon n’en vît en regardant ses fesses.


SEX AND DESTROY un nouveau son rock ?
1ère partie : DATE ET LIEU DE NAISSANCE
chapitre 1 : Viol d'enfant
section 1 sur 9


#livre #enfance #garçon #fesses #viol