Perec retrouvé : le délicat puzzle de la vie et de l’oeuvre
Georges Perec est mort le 3 mars 1982. Quarante ans après sa disparition et six ans après son entrée dans la bibliothèque de #laPléiade, l'écrivain occupe une place majeure dans le paysage littéraire français. Qu'ont encore à nous apprendre sa vie, son œuvre ?
Avec
#ClaudeBurgelin universitaire, spécialiste de Georges Perec
#DenisCosnard Journaliste et auteur
Le manque et le faux
“Toute l’existence de Perec a été construite à partir du manque et du faux”, explique le spécialiste et biographe de George #Perec, Claude Burgelin. “C’est à partir du manque et du faux qu’il dit la vérité. C’est un paradoxe étonnant, mais fondateur de l'œuvre de Perec. “Un homme qui dort témoigne de son arrivée à l'âge adulte dans un état de souffrance très grande, c’est une expérience du renoncement qui dit très bien dans quel marasme ont pu se trouver ces jeunes gens issus de la Shoah et qui avaient perdu toute racine”, précise Claude #Burgelin. “Perec écrit sur du vide, complète Denis #Cosnard, avec des bribes de souvenirs qu’il réussit à faire remonter à la surface. Pourtant, derrière cette expérience qui est la sienne, c’est l'expérience de millions de personnes qui ont été déracinées.”
“La tragédie fondatrice de son œuvre est la #Shoah. Son écriture est une écriture du manque”, ajoute le journaliste. Claude Burgelin rappelle que “La Disparition est évidemment une parabole sur la disparition des juifs : on arrache une lettre qui fonde 83 % de notre langage à la manière dont on a voulu arracher une des civilisations fondatrices de notre civilisation”. Le spécialiste de #GeorgePerec complète : “la langue de l’enfance de Perec était le #yiddish. Après 1943, le yiddish disparaît de sa vie et reste le fantasme ou le fantôme d’une langue disparue dans son œuvre”.
Écrire pour dissimuler ou révéler ?
“La tragédie de Perec est qu’il n’a pas pu exprimer sa douleur.”, explique Claude Burgelin. “Entre 1943 et 1945, personne ne pouvait lui dire ce qu’il s’était passé pour sa mère parce que personne ne le savait. Il a fait face à la disparition dans ce qu’elle a de plus terrible. Sa mère n’a laissé aucune trace, aucun signe. En ce sens, l’écriture est-elle une puissance dissimulatrice ou révélatrice ? “Les deux bien sûr, répond Claude Burgelin. Elle cache et elle révèle. Mais Perec revient toujours au sens fondamental que représente l’écriture : tracer des signes. Écrire, c’est d’abord ce geste immémorial de l'homme des cavernes : laisser des traces, des signes. Ce que n’a pas pu faire sa mère”.
“Perec était quelqu’un d’affectueux et rieur, révèle Claude Burgelin. Ses complicités s'établissaient sur la base d’une question simple : veux-tu jouer avec moi ?” Car écrire était aussi un jeu. “Lui qui écrivait sur du vide, Perec adorait pourtant un certain nombre de livres, et s’appuyait volontiers sur l’ #écriture des autres”, ajoute Denis Cosnard. “Lui qui manquait tellement d'avoir une famille s’était trouvé une famille d’écrivains, de papiers”.
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