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L’industrie française jusqu’au point de non-retour ? | Mediapart

#économie #industrie #souveraineté

Depuis un certain temps, les responsables politiques français ne parlent que de réindustrialisation. Avec des années de retard, ils ont fini par réaliser que l’industrie, finalement, était importante. Non seulement en elle-même, mais pour les effets d’entraînement qu’elle a sur l’ensemble de l’économie. S’il en était besoin, la crise du covid, les tensions géopolitiques, les guerres commerciales, la transition écologique sont venues rappeler combien il est essentiel de maîtriser nombre de productions, de chaînes de valeur, de canaux d’approvisionnement et de technologies.

Néanmoins, c’est dans une quasi-indifférence qu’ils assistent à la destruction industrielle actuellement à l’œuvre et qui prend une tournure catastrophique. Chaque jour ou presque, un nouveau plan social, une nouvelle fermeture de site sont annoncés. Va-t-on atteindre un palier irréversible, en deçà duquel toute perspective de reconstruire une industrie va devenir irréaliste ?
Des pneus déposés à l'entrée de l’usine Michelin de Cholet lors d’une grève des salariés, le 21 novembre 2024. © Photo Loïc Venances / AFP

« Il est difficile de parler d’un seuil de masse critique pour l’industrie, cadre Vincent Vicard, auteur de Faut-il réindustrialiser la France ? et économiste au Centre d’études prospectives et d'informations internationales (Cepii). Mais il est indéniable qu’il existe des logiques industrielles, des écosystèmes. Leur rôle est compliqué à évaluer. Ils peuvent varier selon les secteurs : la défense et l’aéronautique n’ont pas les mêmes ressorts que l’automobile. Leur disparition a des effets très longs et préjudiciables, notamment au niveau local. »
Une industrie réduite à peau de chagrin

Michelin, Valeo, Fonderie de Bretagne, ArcelorMittal à Reims et à Denain, tout le secteur automobile, qui connaît une crise sans précédent, se retrouve en première ligne. L’émergence du véhicule électrique, qui bouleverse les technologies, les savoir-faire acquis depuis plus d’un siècle, la concurrence sans frein chinoise, mais aussi des stratégies cupides inadaptées sont en train d’ébranler une filière qui est au cœur de l’économie européenne. Donnant un aperçu des dégâts provoqués par une transition écologique et industrielle mal pensée et mal conduite.

Mais les sinistres ne s’arrêtent pas là et vont bien au-delà des conflits sociaux emblématiques de Vencorex ou Exxon. Chimie, papier, métallurgie, matériaux de construction, équipements industriels et même pharmacie… pas un secteur industriel ne semble épargné. La CGT a recensé 286 plans sociaux depuis septembre 2023. Il faut remonter aux années sombres de la crise de 2009-2010 pour retrouver une saignée comparable.

Le drame est que ces nouvelles destructions viennent affaiblir un peu plus un tissu industriel déjà particulièrement fragilisé. À l’exception de la Grande-Bretagne, aucun autre pays européen que la France ne s’est converti avec autant de zèle aux « lois darwiniennes » du marché. Aucun n’a accepté une désindustrialisation aussi accélérée. Un mouvement souvent poussé par nos « champions nationaux » adeptes des délocalisations à outrance, et d’une industrie sans usines.

Entre 1974 et aujourd’hui, la part de l’industrie dans le PIB est tombée de 28,7 % à 10 % – un niveau comparable à celui de ces grands pays industriels que sont le Luxembourg ou Malte –, quand elle est encore de 23 % en Allemagne, de 18 % en Italie. Ces derniers ont pourtant des coûts salariaux comparables.

Un des exemples les plus marquants est à nouveau dans le secteur automobile. Depuis la fin des années 1990, nos deux constructeurs ont systématiquement opté pour la délocalisation dans des pays à bas coûts. Dès 2015, Renault et PSA produisaient moins de voitures sur le territoire français qu’au début des années 1960, entraînant déjà la fermeture ou la délocalisation de nombre de leurs sous-traitants.

« Pour acheter un véhicule produit en France, il va falloir acheter du Toyota », grince, amère, Sophie Binet. Le constructeur automobile japonais continue, lui, de produire en France et gagne de l’argent, ce qui tend à prouver qu’il n’y a pas de fatalité à la désindustrialisation. Encore faut-il en avoir l’ambition.
Effet domino

Ces abandons industriels se sont accompagnés d’une destruction considérable du capital humain, rarement prise en compte. Des savoir-faire, des compétences, accumulés parfois depuis des décennies, ont été liquidés dans l’indifférence générale. Entre 1974 et 2023, le nombre d’emplois dans l’industrie est tombé de 5,5 millions à 3,2 millions. « Les nouvelles technologies, la hausse de la productivité ont conduit à la suppression d’une partie des emplois industriels. Mais d’une partie seulement », explique Vincent Vicard.

Les politiques publiques mises en œuvre ces dernières années ont juste permis de stabiliser le nombre d’emplois industriels. Mais une nouvelle hémorragie se profile. Selon les estimations de la CGT, plus de 70 586 emplois sont directement menacés. Auxquels il faut ajouter la menace sur les emplois indirects, qui pourraient aller de 54 664 à 129 744 postes, selon ses hypothèses.

L’effet domino risque de jouer à plein. Au-delà de la fermeture d’un site, de la suppression d’emplois, tout le tissu économique environnant, des clients aux fournisseurs, en passant par les prestataires de services sont menacés. Car, même réduite, l’industrie reste l’un des principaux vecteurs de la création d’emploi à haute valeur ajoutée – recherche et innovation, cabinets d’ingénierie, informatique, gestion des données, cybersécurité, financement et même avocats d’affaires –, devenus indispensables à l’économie. Lorsqu’un site industriel disparaît, ils disparaissent aussi, si la dynamique territoriale n’est pas suffisante pour permettre leur maintien.

Trente ans ou quarante ans après, des territoires entiers dans le Nord, les Vosges, le Centre ou ailleurs portent encore les stigmates de la disparition de leurs usines textiles, minières, métallurgiques, de chaussures ou d’électroménager. Peu d’activités sont parvenues à prendre le relais.

Les gouvernements successifs n’ont guère tiré de leçons de ces expériences amères. Ne jurant que par la politique de l’offre, toutes leurs initiatives menées pour tenter d’attirer des investisseurs, de nouveaux sites industriels, reposent sur les mêmes ingrédients. L’attractivité se décline sous le seul angle d’une compétitivité par l’abaissement du coût du travail en négligeant tous les autres paramètres.

Plus de 26,8 milliards d’euros ont été dispensés par an depuis 2020 en allégements fiscaux et sociaux et en subventions, distribués sans contrepartie ni contrôle, selon la Cour des comptes. Pour un résultat des plus médiocres, de l’avis même de l’institution. « Les projets en France comportent moins de créations de site qu’en Allemagne et au Royaume-Uni », note-t-elle dans son dernier rapport sur la politique industrielle publiée fin novembre.
Absence de dynamique

Le constat n’est guère étonnant. Ces dernières années, une véritable bataille s’est engagée entre les pays, notamment en Europe, afin d’attirer de nouvelles industries, de rattraper les retards accumulés dans les nouvelles technologies (semi-conducteurs, intelligence artificielle, médicaments, gigafactories). Les grands groupes font monter les enchères autant qu’ils le peuvent, essayant de décrocher les conditions les plus favorables en termes de subventions, exemptions par rapport au fisc, au droit du travail, au droit de l’environnement et autres.

Dans ces bagarres, la France est le plus souvent perdante. Non pas parce qu’elle offre moins d’argent public, ou moins d’exemptions. Mais parce que l’attractivité se mesure bien au-delà du coût du travail. Elle englobe une série de facteurs que les politiques industrielles n’ont cessé de négliger. En termes de compétences, de savoir-faire, de dynamique industrielle, la France offre beaucoup moins que les pays voisins en concurrence.

Les grandes plateformes industrielles, offrant débouchés, filières, réservoir de main-d’œuvre formée, universités, centres de recherche, sont de moins en moins nombreuses. Les dépenses de recherche et développement, d’innovation ont été déléguées, au nom de la bonne gestion, au privé. En dépit de l’explosion du crédit d’impôt recherche (plus de 7 milliards d’euros en 2023), la recherche française ne cesse de reculer. Les écoles de commerce ont été privilégiées aux formations d’ingénieurs.

Et pour faire bonne mesure, les pouvoirs publics, au nom de la bonne gestion, ont supprimé nombre de services publics – tribunaux, perceptions, gares, puis hôpitaux, postes et maintenant écoles –, dégradant un peu plus l’attractivité des territoires les moins bien lotis, accélérant l’exode des emplois plus qualifiés vers les grands centres.

Si aucune politique d’envergure ne vient arrêter la destruction industrielle en cours et corriger les excès passés, cette désertification économique risque de s’accélérer, accentuant le sentiment d’abandon de nombreux habitants sur tout le territoire. Elle risque aussi de condamner l’économie française à une stagnation, n’étant plus capable de créer que des emplois de troisième zone, précarisés et mal payés.

https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/161224/l-industrie-francaise-jusqu-au-point-de-non-retour

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Tariq Krim sur LinkedIn

#économie #numérique #souveraineté #GAFAM

Broadcom : une valorisation d’un trillion de dollars et ses conséquences pour l’Europe (et la souveraineté numérique)

En novembre dernier, Broadcom a finalisé l’acquisition de VMware pour 69 milliards de dollars, une stratégie de consolidation du marché qui propulse aujourd’hui sa valorisation à 1 000 milliards de dollars. Il rejoint les BATMMAAN (Broadcom, Apple, Tesla, Microsoft, Meta, Amazon, Alphabet, Nvidia) ex GAFAM, ex Magnificient 7.

Cette valorisation renforce considérablement la position de Broadcom, le rendant quasi inattaquable sur le marché mondial et ce, avant même l’arrivée de l’administration Trump.

Comme je l’ai souvent écrit, l’Europe va devoir faire face à une Techflation, c’est-à-dire une inflation importante des prix de la technologie et VmWare en est en quelque sorte le patient zéro.

•Les DSI européens font face à des hausses de tarifs allant de 3 à 12 fois les coûts précédents, dues à des modifications unilatérales des contrats de licensing. Par exemple, l’Université de Lille a dû négocier une augmentation de 3,5 fois son budget VMware, malgré une dépendance technologique accrue.

•Cette consolidation place l’Europe dans une position de dépendance absolue. Au-delà des questions de souveraineté numérique, on parle d’un transfert de valeur estimé à 15 milliards d’euros sur deux ans !

•Face à ces changements, de nombreuses entreprises envisagent des procédures légales pour faire respecter les contrats initiaux. Cependant, l’absence de réponse politique et des alternatives fragmentées (et souvent snobées) prolongent cette dépendance pour au moins 3 à 5 ans supplémentaire.

Comme je le disais à un parterre d’entrepreneurs de la Cyber à Rennes vendredi dernier, cette hausse des prix va toucher tous les services du cloud à l’IA car il faut aussi couvrir les dépenses massives faites par les grands acteurs aux US et l’Europe est la vache à lait parfaite.

Qu'en pensez-vous ?

J’en parlerai prochainement aux abonnés de cybernetica.fr

https://sherwood.news/markets/the-magnificent-7-is-dead-long-live-the-batmmaan-stocks/

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Allemagne 2025 : le décrochage industriel, saison 3

#économie #politique #UE #souveraineté

On comprend mieux alors l’empressement d’Olaf Scholz à faire ratifier l’accord avec le Mercosur.

Le Mercosur c'est donc tout pour l'Allemagne et rien pour les autres...

https://www.xerficanal.com/economie/emission/Alexandre-Mirlicourtois-Allemagne-2025-le-decrochage-industriel-saison-3_3753454.html?utm_source=sendinblue&utm_campaign=XC131224&utm_medium=email

cgib@diaspora-fr.org
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Mercosur : l’UE sacrifie notre économie sur l’autel du libre-échange - Frédéric Farah - Élucid

#économie #politique #souveraineté

Dix ans auparavant, les agriculteurs se rassemblaient déjà contre les négociations entamées par la Commission européenne pour conclure un vaste accord de libre-échange avec les États-Unis. C’était le fameux traité transatlantique ou TAFTA. Ces mobilisations n’ont pas désempli lorsqu’il s’est agi de lutter contre le traité avec le Canada entré en vigueur depuis.

Malgré les vents mauvais du monde – montée en puissance du protectionnisme, concurrence déloyale entre les États en actionnant les leviers fiscaux et sociaux, vulnérabilité accrue de nos économies en matière sanitaire, militaire –, l’Union européenne ne dévie pas de son agenda libre-échangiste, convaincue par son idéologie libérale que c’est la seule voie à suivre pour obtenir la croissance qui se dérobe depuis presque 20 ans dans l’UE.

Le vif débat sur la ratification de ce traité de libre-échange avec les pays du Mercosur raconte l’entêtement européen et ses conséquences économiques et sociales pour des secteurs entiers de l’économie. Aujourd’hui comme hier, ce sont les agriculteurs de certaines filières comme la bovine qui sont vent debout. Pour comprendre au plus près ce qui se joue là, il faut refaire le chemin inverse pour entendre les fondements de la stratégie de la Commission européenne et surtout les raisons de sa persistance malgré les contestations grandissantes à son sujet.
La stratégie de la Commission : accords de libre-échange et réformes structurelles internes

En 2006, la Commission européenne s’était engagée dans une série d’accords hybrides qui ne peuvent se réduire au traditionnel libre-échange. D’ordinaire, le libre-échange se définit comme une doctrine politique et commerciale qui a pour vocation d’abaisser des tarifs douaniers pour permettre la libre circulation des biens entre les nations. Ces traités ont émaillé l’histoire économique. On peut penser au traité Cobden Chevallier de 1860 entre la France et l’Angleterre. Lors de sa ratification, le politique français Adolphe Thiers affirmait que le libre-échange était « le droit du plus fort ».

Depuis, les formes du libre-échange ont grandement évolué. Les années 1990-2000 ont élargi le champ des négociations entre les nations, et des domaines qui en étaient exclus ou presque sont venus s’inviter à la table des négociations : à savoir l’agriculture, l’accès aux marchés publics, les services financiers. Le libre-échange à la mode du XIXe siècle ou encore la libéralisation limitée des accords du GATT de 1947 avaient vécu. Le temps de l’hybridation était en train de naître, et ce phénomène allait se retrouver dans le programme européen des années 2000.

Pour être plus précis encore, les accords comme celui en cours de négociation avec les pays du Mercosur relèvent d’un mélange original. Il comporte des dimensions traditionnelles, à savoir la réduction de tarifs douaniers, de quotas sur certains secteurs, mais il va au-delà puisqu’il vise à établir des accords en matière de normes techniques, sanitaires (médicaments donnés aux animaux par exemple) ou encore phytosanitaires (pesticides et autres engrais). Il devient alors un accord derrière la frontière, c’est-à-dire sur des choix en termes d’environnement, de modes de production. Ce sont des accords de seconde génération.

Ces accords sont hybrides, car ils comportent une partie consacrée aux flux d’investissements entre les parties ou encore l’accès aux marchés publics. L’accord avec le Japon et l’Union européenne affrontait par exemple la délicate question de l’accès aux marchés publics ferroviaires japonais généralement très protégés.

Ces normes techniques, sanitaires, etc., qui limitaient la portée des traités de libre-échange, ont été souvent considérées par l’Organisation mondiale du Commerce comme étant des préférences nationales légitimes, mais aussi comme des outils d’un protectionnisme dissimulé pour rendre l’accès aux marchés nationaux plus difficile.

L’Union européenne, depuis la fin des années 1970, a fait prévaloir pour ses membres la logique de la reconnaissance mutuelle, c’est-à-dire que tout bien commercialisé dans un des pays membres de l’Union peut circuler dans les autres pays sans restriction. Il ne s’agit pas d’offrir le même privilège aux autres pays tiers, mais de voir avec eux comment s’entendre sur des sujets aussi épineux que les normes sanitaires, phytosanitaires ou encore techniques. La question des organismes génétiquement transformés, l’usage d’antibiotiques pour les animaux ou le recours aux hormones de croissance ou encore à certains pesticides sont autant de débats.

C’est pourquoi les traités hybrides, dits de seconde génération, conclus avec la Corée, Singapour, le Japon, la Nouvelle-Zélande contiennent des milliers de pages et posent une vraie question démocratique, car il n’est pas certain que les députés nationaux ou européens prennent le temps ou disposent de la connaissance nécessaire pour comprendre les subtilités techniques ou juridiques qui pourraient pourtant impacter des domaines dépassant largement le cadre des relations commerciales.

Le départ des Anglais de l’Union européenne avait soulevé un même problème normatif, c’est pourquoi le traité du Brexit contenait aussi des milliers de pages.

En somme, le traité dit du Mercosur est un accord hybride qui mélange traité de libre-échange, parce qu’il régit les relations commerciales et accord d’investissements, parce qu’il oblige à modifier les normes dans de nombreux autres domaines. En effet, la notion d’investissement, bien qu’elle ne connaisse pas de définition arrêtée en droit international, a été définie de façon assez exhaustive dans l’accord avec le Canada :

« Investissement désigne tout type d’actif qu’un investisseur détient ou contrôle, directement ou indirectement, et qui présente les caractéristiques d’un investissement, y compris une certaine durée ainsi que d’autres caractéristiques telles que l’engagement de capitaux ou d’autres ressources, l’attente de gains ou de profit ou l’acceptation du risque. »

C’est pourquoi il est dans les tubes depuis plus de 20 ans et qu’il incarne aussi ce que l’on nomme des méga-accords régionaux, puisque ce sont deux ensembles régionaux qui entrent en discussion. Sachant qu’au sein des membres du Mercosur, les oppositions entre Argentins, Brésiliens, Uruguayens sont nombreuses. L’Uruguay est d’ailleurs aujourd’hui tenté de réorienter ses investissements vers la Chine et se détourner du Mercosur.
Les réformes structurelles viennent renforcer ces accords commerciaux

Ces accords commerciaux avivent la concurrence puisque désormais, les protections accordées à certains secteurs s’abaissent. La question des coûts devient alors centrale et particulièrement des coûts de production comme le salaire, ou encore le coût du travail de manière générale.

C’est pourquoi, le choix de la croissance tiré par les exportations qui croitraient sous les effets du libre-échange oblige à mettre en œuvre en accéléré les réformes structurelles espérées par la Commission : réduction du coût du travail, réforme de la protection sociale. Il s’agit alors d’encourager à une sorte de concurrence interne entre les États pour obliger à l’adaptation à la nouvelle situation. On le voit bien puisque les États européens procèdent en rangs dispersés et se livrent plus à des rivalités en interne qu’avec les pays tiers.
Les relations économiques commerciales à l’heure du commercialisme

Ces accords sont lus par le prisme de l’alternative « libre-échange versus protectionnisme », ce qui est réducteur pour ne pas dire simpliste. Il n’existe aucun espace au monde ou moment de l’Histoire où a régné en maître une doctrine plus qu’une autre. Tous les États, pour des raisons diverses, ont parfois libéralisé à un certain degré leurs économies et à d’autres moments et selon les secteurs, ont préféré la protéger plus fortement contre une concurrence étrangère.

C’est un troisième terme moins connu qui pourrait être introduit pour comprendre la partie qui se joue aujourd’hui entre les Européens, le Cône sud de l’Amérique latine ou encore avec les États-Unis : c’est le commercialisme. Le chercheur franco-québécois Christian Deblock en donne une définition passionnante :

« Le commercialisme est parfois utilisé comme synonyme de mercantilisme. Il s’en distingue néanmoins dans la mesure où il n’associe pas le commerce au pouvoir du prince ni la richesse à la puissance de la nation. En revanche, le commerce demeure une affaire d’État et la conquête des marchés extérieurs est un objectif avoué de la politique économique.

On peut distinguer deux modèles de commercialisme : le commercialisme libéral ou commercialisme d’affaires, qui repose sur l’extension de la liberté économique aux affaires commerciales et que l’on peut résumer par la formule bien connue : “laissez faire, laissez passer” ; et le commercialisme orienté et de type discrétionnaire, qui fait de l’État un partenaire actif du monde des affaires dans la recherche de nouveaux marchés. Entre les deux commercialismes, il n’y a le plus souvent qu’une différence de degré, les marchés extérieurs étant perçus comme une source extensible de richesses à exploiter. »

Ce commercialisme fait rage en quelque sorte puisque, nous le voyons bien dans le cadre de la seconde mondialisation qui est la nôtre depuis le milieu des années 1990, les États deviennent des partenaires du monde des affaires et cherchent à leur ouvrir des nouveaux marchés. Monsieur Trump veut plus que jamais devenir le grand partenaire des entreprises américaines, en les protégeant ou en renégociant des traités pour qu’ils soient plus favorables aux entreprises américaines – comme il l’avait fait plus tôt lors de son premier mandat pour le traité de libre-échange avec le Canada et le Mexique.

Aujourd’hui, ce commercialisme ouvre la voie à des guerres commerciales entre États et à l’intérieur même d’ensembles régionaux. On le voit dans les débats sur la ratification du traité avec le Mercosur. L’Allemagne souhaite favoriser l’accord pour assurer un débouché à sa production automobile qui est entrée en crise, comme le montre la situation de Volkswagen. En revanche, l’Espagne, comme l’Italie ou les Pays-Bas, craignent pour leur agriculture.

On voit bien que, désormais, les accords entre des ensembles régionaux s’inscrivent dans une logique d’intégration par la compétitivité. C’est elle qui devient le guide de l’action et qui aboutit bien souvent à des logiques non coopératives, puisqu’il s’agit de remporter des marchés, peu importe les moyens employés.

En somme, avant de s’attarder aux points d’achoppements dans le cadre des accords possibles avec le Mercosur, il faut comprendre ce qui se joue dans le cadre des accords hybrides à l’œuvre depuis plus d’une vingtaine d’années, lorsqu’il s’agit de sujets abrasifs comme l’agriculture ou encore d’une réorientation des stratégies européennes de croissance guidées par la compétitivité comme boussole principale – d’autant plus que l’Union européenne peine à être une zone de croissance dynamique.

D’autant plus que la plupart des pays de la zone s’engagent vers davantage d’austérité budgétaire, le choix d’une croissance tirée par les exports au détriment de la demande interne devient presque logique.
Le Mercosur, un serpent de mer maintes fois reporté

C’est un accord qui a eu du mal à naître puisqu’après plus de 20 ans de négociations, il a été signé en 2019. Il met en lien l’Union européenne et un ensemble de pays comme le Paraguay, l’Uruguay, le Brésil, l’Argentine et des membres associés comme le Chili par exemple. Il concerne 800 millions de personnes et couvre un volume de 40 à 45 milliards d’euros d’échanges.

Il comprend un caractère hybride, puisqu’il vise à réduire les barrières tarifaires et à agir sur les barrières non tarifaires, c’est-à-dire les normes. Il est important d’ores et déjà de se dire que les économistes ont beaucoup de mal à évaluer l’impact en termes de croissance de la convergence normative. Par apport aux réductions de tarifs douaniers, c’est difficilement modélisable.

L’accord prévoit aussi une dimension coopérative en matière numérique, de cybercriminalité, de migrations, d’économie digitale. Mais ce pilier ne pose pas de problèmes spécifiques.

Sur le premier pilier, l’accès aux marchés publics du cône sud a été au cœur de la négociation, tout comme d’importantes réductions tarifaires entre les blocs. Les entreprises européennes pourront exporter des biens industriels, des services financiers. On voit ainsi tout le caractère moderne de cet accord, loin des vieux traités de libre-échange. Mais la pierre d’achoppement concerne le secteur agricole.

L’Union européenne reste la zone au monde la plus ouverte en matière douanière, sauf dans le domaine agricole où elle protège largement ses filières. Ici, on ne rappellera pas assez combien ce secteur traverse une profonde crise depuis un certain nombre d’années.

L’agriculture européenne dans son entier n’est pas vent debout contre cet accord, puisque les spiritueux y voient une opportunité. Les craintes viennent de la filière bovine qui va devoir affronter les géants brésiliens et argentins, qui sont de grands producteurs de viande. Ces pays ont des coûts de production plus faibles et ne sont pas soumis au même cahier des charges normatif. Les agriculteurs craignent une concurrence déloyale tant ils sont soumis à des impératifs écologiques forts et que leurs vis-à-vis brésiliens sont moins contraints en la matière.

Les agriculteurs sentent encore une fois le risque d’être sacrifié à la fois sur l’autel de l’industrie, mais aussi sur celui de la quête du lithium auquel le Mercosur donnerait accès, et dont l’importance est grande pour la production de batteries, dans le contexte d’une guerre commerciale avec la Chine.

C’est le nouveau contexte géopolitique, depuis les crises Covid, ukrainienne, et énergétique qui rend l’étude de l’accord passionnant. L’Union européenne n’en finit pas de mesurer ses vulnérabilités sanitaire, militaire, énergétique. L’arrivée d’un président américain qui promet une présidence brutale oblige les Européens à diversifier leurs sources d’approvisionnements et à revoir leurs systèmes d’alliance pour ne pas se retrouver dépourvus dans un monde qui semble choisir la voie de la brutalisation comme trait dominant des rapports politiques et économiques.

En 2020, le rapport de Stefan Ambec alertait sur les conséquences d’un pareil accord mettant en exergue que les coûts en matière de santé, ou encore économiques seraient supérieurs aux bénéfices attendus. Sans compter les risques sanitaires et environnementaux (déforestation) qu’il comporte, puisque les exigences environnementales ne sont pas les mêmes dans le cadre des pays du cône sud.

C’est là que l’idéologie et les récits jouent à plein, car les défenseurs honnêtes de cet accord savent qu’il est difficile de quantifier les gains réels de cet accord et que les points de croissance obtenus resteront modestes et ne seront pas favorables à l’ensemble des régions et des secteurs. Les effets redistributifs négatifs seront nombreux, ce qui obligera l’État à intervenir pour soutenir les filières en difficultés aggravant de la sorte les comptes publics...
Les chemins tortueux de la ratification

Depuis le traité de Lisbonne en 2007, la politique commerciale est du ressort exclusif de la Commission européenne. Elle pourrait diviser la ratification du traité en deux entités, l’une qui ne passerait pas par le Parlement et qui relèverait de sa mission, et laisser la partie politique pour le Parlement.

La France, dont la position est fragilisée en raison des échecs de politique intérieure du Président de la République, tente de créer une coalition de frondeurs avec, entre autres, l’Italie pour créer une minorité de blocage et enrayer le processus.

Plus que jamais, l’Union européenne parait divisée et le couple franco-allemand atteste largement de sa mort clinique. Le débat ne peut se réduire à fermeture et ouverture, tant les enjeux qui se jouent sur cette question sont nombreux.

La crispation pour ne pas dire la violente polémique autour de cet accord, surtout en France, montre un peu plus l’impasse du projet européen. Tout d’abord, les embrouillaminis juridiques sur la ratification révèlent la crise démocratique actuelle, tant les mécanismes sont nombreux pour éviter de redonner la parole au plus grand nombre. L’obsession dogmatique pour les différentes formes de libre-échange, le mantra de la compétitivité, la recherche des réformes structurelles font de l’Union européenne un jeu à somme de plus en plus négative.

Les vents mauvais de la mondialisation soufflent et l’Union européenne semble vouloir être emportée même fièrement. C’est l’aveuglement au désastre...

https://elucid.media/economie/mercosur-union-europeenne-sacrifie-notre-economie-sur-autel-libre-echange-frederic-farah

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Quel pays vit de ses rentes et lequel rachète le monde ? | Alternatives Economiques

#économie #politique #finance #souveraineté

Ce privilège est donc en train de s’éroder. De pays fort, vivant sur l’épargne des autres, l’Hexagone pourrait basculer dans le camp des économies dépendantes du bon vouloir de ses créanciers internationaux. Ce qui, dans le climat actuel de fragilité de ses institutions politiques n’est pas de bon augure.

https://www.alternatives-economiques.fr/pays-vit-de-rentes-lequel-rachete-monde/00112899

wazoox@diasp.eu

Yves Stébé sur LinkedIn

#industrie #souveraineté #économie

#INDUSTRIE : #STELLANTIS : LE JEU TRÈS PERSO D'UN PERVERS NARCISSIQUE. La stratégie de Tavares fut la même que celle de Breton, mon ancien patron chez Thomson : le jeu très perso d'un patron sans talent à l'égo surdimensionné. Puisque le PDG est payé en fonction du résultat du groupe, avant un départ programmé, Breton et Tavares ont décidé des actions faciles pour faire flamber la marge : ce sont des réductions de coûts à outrance et des partenariats avec des concurrents (Leapmotor, par exemple). Ces actions faciles sur le court terme ont des conséquences dramatiques sur le long terme. Le cours de l'action explose avant de chuter. Le PDG est glorifié avant d'être éjecté. Bien évidemment, les salariés souffrent : mais les pervers narcissiques adorent faire souffrir leurs proies ! Décryptage.

➡️ Les fermetures d'usines sont la partie émergée de l'iceberg.

👉 Avant, il y a eu le départ des meilleurs cadres dirigeants, qui ont apporté leurs talents à la concurrence : seuls les mauvais restent dans le marigot !!!

👉 Encore avant, il y a eu le décapage aveugle des budgets organisé par une équipe de cost-killers : on supprime aux salariés les moyens de travailler, donc les salariés ne travaillent plus !!!

👉 Au départ, il y a eu la décision suicidaire des actionnaires d'obtenir une rentabilité de 15 %, qui est la norme des fonds de pension américains, alors que dans l'industrie la rentabilité moyenne est de 10 %.

Conclusion. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : Thomson n'existe plus, Stellantis aura disparu dans 10 ans. J'ai mouillé ma chemise dans l'industrie : c'était une erreur. En France, il faut être médecin ou avocat si on veut réussir sans subir les départs forcés. La réindustrialisation du pays ? Impossible. CQFD

wazoox@diasp.eu

(13) République souveraine on X: "L'immigration non-contrôlée fantasmée par les « open borders » est néfaste aussi bien pour les sociétés d'accueil que pour les pays qui voient leurs forces vives aller enrichir des intérêts étrangers. https://t.co/6yeGjCObwh" / X

Et comme disait Jaurès, "dans internationalisme, il y a nation".

#politique #indépendance #souveraineté #internationalisme
https://xcancel.com/RSouveraine/status/1860418770570776720