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Penser la complexité : du rêve d’un monde simple au cauchemar du simplisme

Le besoin de simplicité se manifeste actuellement en France par toutes sortes de souhaits exprimés par la négative : il y a trop d’impôts, trop d’administration, trop de complexité dans la vie collective, trop de présence délétère de l’Europe, trop de problèmes internationaux qui nous tombent sur le nez comme les phénomènes migratoires, trop de crises qui affectent le monde entier comme la crise du climat, dont on rêverait qu’elle ne concerne pas la France, etc. L’on rêverait volontiers que, comme le gouvernement l’avait dit à l’époque, les nuages radioactifs de Tchernobyl s’arrêtent à la frontière de la France : l’équivalent des nuages de Tchernobyl, c’est actuellement toutes sortes de problèmes comme ceux qui viennent d’être évoqués.

Une grande partie des Français rêve à un monde simple, apaisé, où il fasse bon vivre, sans angoisse, sans complexité. Et c’est normal. C’est tellement normal que c’est universel. Nous portons tous en nous ce rêve d’une vie tranquille, sécurisée et pacifiée, où tout irait comme nous voulons. Ce rêve est universel, entre autres pour la bonne et simple raison que la relation hiérarchique verticale avec des humains qui nous protègent est la première relation archaïque que nous avons toutes et tous connue lors de la prime enfance. Les nourrissons dépendent fondamentalement de leurs parents – biologiques ou pas – pour leur vie et leur survie. Sans la protection du monde parental, pas de durabilité. Le monde « simple » dont nous rêvons tous serait un tel monde. Avec des gouvernants protecteurs qui nous simplifieraient la vie.

Le simplisme consiste à rêver que les autorités gouvernementales nous sécurisent totalement. Qu’elles garantissent que nous ne sommes plus concernés, comme le dit si bien Francis Cabrel dans sa chanson Le pays d’à côté, par les problèmes mondiaux. Or c’est faux. On ne peut plus faire comme si l’on vivait dans un pays isolé du reste du monde. C’est non seulement faux mais contre-productif voire dangereux : l’expérience montre que lorsque l’on veut faire comme si le monde était seulement simple alors qu’il ne l’est pas, on ajoute une complexité profondément délétère à l’irréductible complexité du réel.

Cette volonté de faire comme si le monde était simple, en croyant que l’on peut « réduire » la complexité s’exprime particulièrement au travers de la volonté de contrôle des organisations. Qu’il s’agisse de la volonté de contrôle des entreprises privées ou de l’administration. Et plus il y a volonté de contrôle pour maîtriser la réalité, plus on surcharge la vie de procédures, de formalismes qui font perdre du temps et de l’énergie à tout le monde.

Le problème, c’est que si l’on reste campé sur ses positions et ses certitudes en croyant être le seul ou la seule à avoir raison contre l’autre, lors de l’éclat du confit, on va ne faire que répéter des conflits anciens, et ne plus voir que l’autre peut aussi ne pas se tromper sur la situation, malgré un avis contraire voire contradictoire au nôtre. On va alors s’adresser, en pleine tension de la scène de ménage, non pas à la personne qui est en face de nous maintenant, mais à l’expérience qu’on a eue d’elle par le passé en s’immobilisant dans la certitude d’être dans son bon droit. On peut parler alors de « mauvais jeux » psychologiques.

Savoir qu’on ne se connaît pas les uns les autres fortifie les liens entre nous. Croire que l’on se connaît ou que l’on connaît les autres nous sépare.

Lorsqu’au contraire l’on croit connaître les autres, et qu’on élabore des politiques simplistes qui loin d’inclure tout le monde, incluent des exclusions, cela peut faire illusion car cela alimente les rêves des enfants que nous sommes, mais c’est une source d’aggravation des difficultés.

https://theconversation.com/penser-la-complexite-du-reve-dun-monde-simple-au-cauchemar-du-simplisme-168948

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