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Norge Les cerveaux brûlés


#poésie #voeux #départ

DERNIERS MOTS

Chers amis, quand on va mourir, on a
souvent quelque chose d’important à dire.
Beaucoup de mourants trouvent une phrase
épatante. Moi pas. J’aurais bien aimé, mais
je ne trouve rien et je vous souhaite une
bonne et heureuse année.

angeliqueandthehord@joindiaspora.com

MOTEUR

Ma mère me reprochait tout le temps d'être longue à me préparer, le matin. Il faut dire que les jours d'école, quand elle me réveillait, ce brusque retour à la réalité me glaçait le sang et me figeait. Je pensais à tout sauf à ce que je faisais parce que voir où me menaient mes pas m'angoissait.
Bref, ma mère se faisait du souci parce que le départ du car pour la colonie était prévu un matin, de bonne heure, à Paris. Plein de fois, elle me répéta qu'il ne faudrait pas que je nous mette en retard, sinon, le car partirait sans moi et finie la colonie ; si bien que j'en arrivai à avoir peur de ne pas pouvoir être prête à temps.
Le matin du départ, dès que j'entendis : « c'est l'heure ! », je me préparai en quatrième vitesse, encouragée et aidée par la voix qui me parlait ; je bondis dans mes chaussures et… où donc était ma mère ?
« Maman, chuis prête. »
Pas de réponse.
« Maman ! Maman ! »
criai-je de plus en plus fort. Nous n'allions tout de même pas être en retard à cause d'elle, maintenant !
Au bout d'un moment, je la vis sortir de sa chambre, aussi blanche que sa chemise de nuit, les cheveux ébouriffés. Cette fois, j'en étais sûre, on allait être en retard.
« Qu'est-ce qui t'arrive ? me demanda-t-elle d'une voix pâteuse.
- Chuis prête.
- Prête pour quoi ?
- Ben, pour aller en colonie. C'est aujourd'hui.
- Ben non, t'es pas prête. Regarde-toi ! T'es pas coiffée, t'es en pyjama, t'as ton cartable à la main, t'es pieds nus dans tes chaussures et tes lacets sont même pas attachés. »

Je me regardai et je m'aperçus que j'étais exactement dans l'état que ma mère s'était plu à décrire. La panique m'envahit.
« On est en r'tard ! On a raté la colonie.
- Mais non, c'est pas l'heure. Y fait encore nuit. Va t'recoucher.
- Pourtant, j'm'étais préparée. J'm'en souviens. J'me r'vois même prendre mon p'tit déjeuner.
- T'as rêvé. Allez ! Retourne au lit et rendors-toi ! »

conclut ma mère en retournant se coucher.
Cherchant en moi le souvenir de ce qui s'était réellement passé, la première chose que j'y retrouvai fut le rire du lutin. C'est lui qui était venu dans mon rêve et qui m'avait fait une farce. C'est lui qui m'avait dit « c'est l'heure » et qui m'avait raconté l'un après l'autre tous les gestes qu'on fait le matin pour me faire croire que je me préparais pour de vrai, à toute vitesse. Et c'est en écoutant sa voix, en suivant ses instructions que j'avais ouvert les yeux, comme hypnotisée, j'étais sortie de mon lit, j'avais attrapé mon cartable, sans même savoir ce que je faisais ; j'avais mis les pieds dans mes chaussures et je m'étais crue prête.
C'était une blague du lutin qui était venu dans mon rêve, au petit matin, pour me faire savoir qu'il ne m'avait pas oubliée, qu'il serait bien là, avec moi, et que je pouvais compter sur lui.
Ce n'est que quelques heures plus tard que ma mère me réveilla et que, finalement, j'eus tout le temps de me préparer à mon rythme habituel. Même, mes parents et moi arrivâmes au rendez-vous dans les premiers ; mon père s'en réjouit parce que comme ça, me dit-il, je pouvais choisir ma place dans le car et m'installer tranquillement.
Je me mis dans la rangée de gauche, près de la fenêtre. Aussitôt, quelques garçons montèrent ensemble dans le car. Eux aussi se réjouirent d'être arrivés dans les premiers, surtout celui qui était monté devant les autres. C'était un garçon aux cheveux blonds et bouclés.
Tout de suite, en le voyant, je pensai que je ne voulais pas de lui pour amoureux parce que mon amoureux de maternelle aussi avait les cheveux blonds et bouclés. Alors, cette fois, j'en voulais un autrement, pour changer. De toute façon, celui-là n'avait rien d'un gentil amoureux. Ce garçon était agité, il parlait fort à ceux qui le suivaient.
« Ouais ! On prend les places du fond. Venez, vite ! Les places du fond sont encore libres. On prend les places du fond. »
Les autres garçons qui le suivaient, je ne m'attardai pas à les regarder parce que mon papa était encore dans le car, à côté de moi, et n'avait pas l'air d'apprécier que je regardasse les garçons.
Le car se remplit petit à petit. Une fille, sage selon mon papa, aux cheveux châtain clair, s'assit à ma droite.
Un jeune homme monta à son tour et demanda à mon papa de bien vouloir descendre parce que le passage était étroit ; Papa se dépêcha donc de descendre après m'avoir fait un gros bisou.
Puis, le jeune homme regarda dans le car et dit à voix forte :
« Hé, les mômes ! vous virez d'là. Les places du fond, c'est pour les monos. »
Au lieu d'obéir poliment comme il se doit, le garçon aux cheveux blonds et bouclés, assis à la place du milieu au fond du car, répondit d'une voix aussi forte que celle de l'adulte :
« Alors ça, pas question. C'est nous qu'on était là les premiers. On y est, on y reste. »
Le moniteur marcha jusqu'au fond du car pour les déloger. Ça rouspéta.
« Mé ! On est bien, là. On est tous ensemble. »
Effectivement, ils formaient tout un groupe occupant les cinq places du fond et quelques autres devant.
« Oui, ben justement, j'veux pas d'chahut. C'est les monos qui s'mettent au fond. Comme ça, on pourra surveiller tout l'monde. Allez, ouste ! »
Les garçons durent donc se déplacer mais le garçon aux cheveux blonds et bouclés, rouge de colère, n'en rouspéta que plus fort.
« C'est inadmissible. Nos parents ont payé. C'est nous les clients, ici. Ça s'passera pas comme ça… Bon, alors, on prend les places de devant.
- Nan, les places de devant, c'est aussi pour les monos. »

Le garçon aux cheveux blonds et bouclés continua de râler et, finalement, le moniteur le fit asseoir juste derrière moi parce qu'il me trouvait calme. Plus exactement, le garçon s'assit derrière la fille qui était à côté de moi, près de la travée centrale, parce qu'il voulait avoir tous ses copains autour de lui ; tandis que derrière moi, côté fenêtre, s'installa un copain à lui, un brun aux cheveux raides coupés au carré.
Le problème, quand on arrive dans les premiers, c'est que l'attente est longue avant le départ mais ça y était enfin, le moteur tourna, le car démarra et nous échangeâmes le coucou final avec nos chers parents restés sur le trottoir.
Quand ils furent hors de portée de notre vue, je me tournai vers la fille qui était à côté de moi. Elle ne m'inspirait pas de sentiment particulier, c'était juste pour si elle avait envie de parler. Je la vis ouvrir un sac, en sortir un livre et se plonger le nez dedans, comme si je n'étais pas là. Très bien ! Je fis donc ce que j'avais envie de faire : coller mon nez au carreau et regarder défiler le paysage.


SEX AND DESTROY un nouveau son rock ?
2ème partie : LA PRINCESSE DANS LE DONJON
Chapitre 12 : C'est mes potes
section 19 sur 20


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