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Donald Trump : une élection qui fait trembler les globalistes ? - Élucid

#géopolitique #impérialisme #globalisme #USA

Le globalisme désigne communément l’idéologie dominante qui s’est installée dans les esprits à compter des années 1980. Il s’est caractérisé, dans l’ordre économique, par un certain nombre de croyances explicites et de réalités objectives qui ont dominé sans partage le débat politique : primauté du Marché sur l’État, asservissement de ce dernier à une finance dérégulée, promotion du libre-échange comme une fin en soi, etc.

Mais le globalisme possède aussi une dimension politique, irréductible à sa seule volonté de réduire et d’asservir l’État aux intérêts de la haute finance internationale. Il en a en effet rongé le principe, altéré la substance en contestant, avant même son pouvoir, son principe : il n’était pas simplement ordonné à l’État de reculer face au Marché, mais également face au droit, face à une science juridique chargée d’entraver sa puissance au nom de droits individuels toujours plus étendus. La consécration de l’individu-roi exigeait l’abaissement de la puissance tutélaire de la chose publique : elle l’a obtenue.
D’un paradigme à l’autre

Primauté du Marché, primauté de l’individu : à ses dimensions économique et politique, il convient d’ajouter au globalisme une strate, pesant sur le sens et la force du lien qui unit les individus à l’échelle collective, au-delà des relations interpersonnelles. Alors que plusieurs siècles d’Histoire avaient érigé les nations comme cadre apparemment indépassable d’une identité collective substantielle, fondement du seul ordre politique légitime concevable, les décennies écoulées ont rivalisé de critiques et d’attaques contre ce cadre désormais perçu aliénant, faussement émancipateur, au profit d’identités infra- ou supranationales.

Toutes les identités pouvaient et devaient être promues, à l’exception de celle qui toutes les transcendait et élevait chacun à la condition politique. Particulièrement poussé en France – peut-être parce que le substrat national, plus solide qu’ailleurs, pouvait y encaisser de plus rudes coups – ce mouvement est si gravement attentatoire au politique, il a produit des effets si pernicieux dans tant de domaines, que l’immense majorité des citoyens ressent aujourd’hui plus ou moins confusément la nécessité d’y mettre un terme.

Si les couches dominantes se sont longtemps repues des bienfaits que le globalisme leur procurait, si elles ont longtemps pu convaincre les dominés qu’il n’y avait pas d’alternative, cela tient à deux choses : ces derniers ont également tiré profit du globalisme à leur niveau, leur passivité a été pour ainsi dire achetée au fil des décennies par des moyens différents selon les pays : par des aides sociales de plus en plus ouvertement financées par la dette publique dans le cas français, par des capacités d’endettement privé élevées dans le cas américain, toujours associées à l’exploitation de la main-d’œuvre des pays en développement pour garantir l’accès à une offre de biens élargis.

Si le système s’écroule aujourd’hui, c’est en raison de ses impasses et de ses coûts intenables : nombre d’économies occidentales conjuguent à un affaissement productif des niveaux d’endettement public de moins en moins soutenables. L’impuissance symbolique et pratique de l’État, de plus en plus évidentes dans un nombre croissant de domaines, ne cesse d’alimenter une inquiétude civique chaque année plus vive. Enfin, les excès de ce qu’il est convenu d’appeler le « wokisme » suscite un rejet croissant, dans la mesure où il semble de plus en plus incompatible avec le principe même de la vie sociale, de la culture ou de la transmission, sa logique ultime aboutissant à l’enfermement en lui-même d’un individu tout entier livré à son projet libertaire d’auto-constitution.

Chaque peuple va s’émanciper du globalisme selon des modalités spécifiques, car les identités nationales forgées au fil des siècles n’ont en rien disparu : mises à distance, relativisées, niées parfois par certaines forces politiques minoritaires, ces identités n’ont jamais cessé de sous-tendre souterrainement l’édifice social et politique, pour trois raisons.

Tout d’abord, parce que la majorité des gens ordinaires y est restée spontanément attachée, malgré les objurgations que cela pouvait leur valoir dans les discours politiques, médiatiques, scientifiques façonnés par l’idéologie dominante – on songe par exemple à la fameuse formule altermondialiste : « penser global, agir local » qui oblitérait purement et simplement l’échelon national. Ensuite, parce que l’appartenance à la nation ne revêtait plus le caractère prégnant et contraignant qu’elle avait auparavant. Enfin et surtout, parce que ces identités n’ont pas d’alternatives viables. La forme stato-nationale est en effet la forme politique par excellence de la modernité. Si les contours et les caractéristiques propres à chaque nation peuvent varier très sensiblement dans le temps, si même certaines peuvent disparaître, la forme qui préside à leur existence, demeure dans celles qui leur succèdent.
Le cas américain

Dans le cas américain, la fin de la parenthèse globaliste empruntera très probablement un chemin difficile à décrypter pour un esprit français. Cela tient, à un niveau superficiel, au caractère imprévisible et brouillon du nouveau président, qui n’a rien du stratège, de l’intellectuel ou du visionnaire ; il sent les choses plus qu’il ne les comprend, et ne cherche pas à développer une vue d’ensemble cohérente qui serait le préalable à une action méthodique. Surtout, le nouveau paradigme érige l’État comme garant d’une communauté politique, de sa permanence à travers le temps, de la protection et de la sécurité de ses membres. Or, il se trouve que la question de l’État est particulièrement complexe aux États-Unis, l’ambivalence des citoyens à son égard étant plus forte que partout ailleurs en Occident.

Plusieurs éléments essentiels en limitent la puissance : l’organisation fédérale de la République américaine, dont découle une tension fréquente entre ce qui relève des États fédérés et de Washington ; l’aspiration à l’indépendance des citoyens vis-à-vis de l’État, citoyens dont la sécurité et la prospérité ne peuvent pas dépendre trop ouvertement de lui sans sembler porter atteinte très vite à leur liberté. Cela se traduit concrètement par toutes sortes de réalités proprement américaines, du port d’armes très répandu au rejet d’une fiscalité trop redistributive ou d’une réglementation économique trop tatillonne – même s’il y a parfois un écart important entre la réalité et la représentation que l’on s’en fait.

Compte tenu de ce qu’ils sont, les États-Unis semblent donc les moins bien placés pour voir renaître sur leur sol l’État dans sa puissance organisatrice et tutélaire. Or, le mouvement est déjà largement engagé, au moins dans le domaine économique : la volonté de protéger les travailleurs et de reconstituer une base productive dramatiquement entamée par la désindustrialisation a provoqué dès le premier mandat de Donald Trump un virage protectionniste que son successeur a conforté. Si beaucoup d’incertitudes pèsent sur le contenu du second mandat, il est acquis cependant que le protectionnisme en sortira accentué. Si l’État n’a évidemment pas vocation à se mêler de tout en matière économique, il lui est aujourd’hui demandé de renoncer au libre-échange, pilier du globalisme, pour protéger le pays de ses excès.

Avec la circulation des biens, celle des hommes est aussi touchée. Une des grandes leçons du scrutin est l’affirmation d’une claire majorité d’électeurs favorables à une réduction drastique des flux migratoires illégaux, une majorité qui transcende largement aujourd’hui les différences et clivages ethniques internes. La politique migratoire à venir du gouvernement américain va donc heurter de plein fouet une autre croyance constitutive du globalisme, celle du nomadisme généralisé d’une humanité détachée, pour le meilleur, de ses ancrages territoriaux et historiques. Cela va se traduire notamment par l’inexorable déconstruction de l’édifice juridique développé ces dernières décennies qui a, au nom du droit des migrants, condamné la puissance publique à une impuissance de plus en plus caractérisée dans la gestion de la politique migratoire, jusqu’à susciter inquiétude et critique chez nombre de citoyens.

Enfin, il est possible que le second mandat de Trump voie s’achever l’époque des guerres lointaines aux issues désastreuses, si toutefois le néo-isolationnisme qui semble caractériser Donald Trump (quoique certains des contributeurs milliardaires à sa campagne pourraient laisser penser le contraire) se concrétise plus clairement qu’au cours de son premier mandat.

Il faut noter que ces trois éléments : protectionnisme, restrictions migratoires, isolationnisme, sont tous reliés explicitement aujourd’hui au thème de la « sécurité nationale », thème central dans la culture politique américaine, qui a connu ces dernières années une singulière extension de son périmètre d’application. Un indice supplémentaire de ce qui est désormais attendu de l’État et du renouveau idéologique dont il fait l’objet, puisqu’il est entendu, dans l’esprit de l’immense majorité des citoyens, qu’il est le seul garant de ladite sécurité.
Le naufrage programmé de l’Union européenne

La réélection de Donald Trump a fait se lever un vent de panique dans les chancelleries européennes. L’immense majorité des responsables politiques y voient une menace pour « l’Europe », en premier lieu pour sa sécurité stratégique, tant il semble acquis à leurs yeux que le nouveau président américain va se désengager de l’OTAN, sinon en sortir, après avoir imposé une paix entre la Russie et l’Ukraine sur le dos des 27.

La France fait ici un peu exception, puisqu’elle profite de ce qui ressemble à une opportunité pour entonner son éternel refrain sur la défense européenne et l’autonomie stratégique de l’UE, en espérant qu’il ne tombera pas tout à fait dans le vide cette fois-ci. Les craintes concernent également le domaine économique, le continent tremblant à l’idée d’une « guerre commerciale » avec des États-Unis devenus plus ouvertement protectionnistes.

S’il est probable que les intentions prêtées à Donald Trump se réaliseront plus ou moins complètement, elles ne devraient pas constituer pour les élites européistes le premier motif d’inquiétude, car elles auront bien plus à affronter que leur solitude stratégique ou la baisse des exportations des 27 vers les États-Unis.

Le basculement idéologique qu’illustre l’élection présidentielle américaine représente à terme une menace mortelle pour l’Union européenne, car il la condamne dans son principe même. S’il est sur cette planète une organisation authentiquement globaliste, c’est bien de l’UE qu’il s’agit en effet. Nulle part ailleurs dans le monde les États n’ont été autant abaissés, n’ont vu autant leur légitimité contestée et leur pouvoir affaibli : disparition des frontières internes – quand la frontière, condition de son ancrage territorial, est indispensable à une démocratie effective –, quasi-disparition de la politique économique – réduite pour l’essentiel à la seule fiscalité – au profit du Marché et d’une banque centrale indépendante, altération de la souveraineté populaire par les traités successifs et l’inflation du droit communautaire qui donnent toujours plus de poids aux institutions bruxelloises.

En un étrange retournement de l’Histoire, le continent qui a vu naître l’État-nation se sera acharné quelques décennies durant à le piétiner par passion idéologique.

Cette séquence historique touche à sa fin. Lorsqu’elle sera terminée, il deviendra difficile d’expliquer pourquoi les élites auront tant sacrifié à l’UE, en dépit de son échec objectif rapidement observable et des atteintes concrètes que le projet européiste représentait pour les peuples et les États.

Comment comprendre l’attachement inconditionnel des dirigeants au libre-échange dans un pays comme la France, quand il a eu pour effet spectaculaire une désindustrialisation massive et un déficit commercial abyssal ? Comment comprendre l’adhésion de principe à la construction européenne quand elle suppose de porter atteinte à ce fondement de la démocratie qu’est la souveraineté nationale ? Ces questions, qui émergent dans l’espace public depuis quelques années, prendront un tour plus aigu à mesure que refluera le globalisme et que de nouvelles générations de dirigeants rejetteront la cécité idéologique de leurs prédécesseurs.

Déjà, la dynamique de fond qui entraîne le projet européiste vers sa dislocation finale est engagée. D’un point de vue rhétorique, il est clairement sur la défensive et les partis qui l’ont porté historiquement n’ont plus qu’à opérer une mue interne ou à disparaître face aux forces nouvelles qui émergent dans tous les pays. Si ces forces « populistes » prennent très souvent des formes peu sympathiques, voire inquiétantes, l’élection américaine a démontré une fois de plus que la diabolisation fonctionne de moins en moins bien et que la meilleure réponse au « populisme » consiste non pas à rejeter en bloc tout ce qui le caractérise, mais à prendre au sérieux les thèmes qu’il développe, à s’en emparer pour canaliser la colère populaire et lui permettre de s’exprimer dans un cadre démocratique consolidé.

Les forces de gauche, aujourd’hui souvent coupées des couches populaires par leur allégeance au globalisme, devraient avoir pour priorité de regagner la confiance de ces couches en s’affranchissant ostentatoirement du cadre idéologique qui a conduit à cette anomalie. Si le phénomène s’observe déjà au Danemark ou en Allemagne, force est de constater qu’il n’est pas encore engagé en France.

Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : il existe une incompatibilité de principe entre le projet européiste et le retour d’une dominance idéologique centrée sur l’État et la nation. L’effacement progressif du globalisme au sein des élites signera donc la fin inéluctable de ce projet, voué à être toujours davantage remis en cause comme attentatoire aux nouveaux canons de la pensée et de la politique.

https://elucid.media/politique/donald-trump-election-fait-trembler-globalistes

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Branko Milanović : « Les élites européennes se sentent piégées face à Trump comme celles du bloc socialiste l’étaient face à la déconstruction de leur monde par Gorbatchev » | Atlantico.fr

#géopolitique #impérialisme #UE #effondrement

Comme le dit ce cher Slobodan Despot, la vieille blague communiste polonaise s'applique parfaitement aux dirigeants de l'UE asservis à leur maitre américain : "quand il pleut à Washington, ils ouvrent leur parapluie".

https://atlantico.fr/article/decryptage/branko-milanovic-les-elites-europeennes-se-sentent-piegees-face-a-trump-comme-celles-du-bloc-socialiste-letaient-face-a-la-deconstruction-de-leur-monde-par-gorbatchev-Branko-Milanovic

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La guerre froide des libéraux - La Vie des idées ⬅️ URL principale utilisée pour la prévisualisation Diaspora* et avec plus de garantie de disponibilité.

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Netanyahou n’arrive pas à dissimuler la défaite stratégique d’Israël face au Hezbollah – Le Courrier des Stratèges

#géopolitique #guerre #Israël #Liban

Soudain apparaît une hypothèse qui ne correspond pas du tout à ce que vous avez entendu dans les médias mainstream: ce n'est pas le Hezbollah qui était sous pression pour signer un cessez-le-feu. C'est le gouvernement israélien.

https://lecourrierdesstrateges.fr/2024/11/27/netanyahou-narrive-pas-a-dissimuler-la-defaite-strategique-disrael-face-au-hezbollah/

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Musk et Trump ont gagné - et après ? | Tariq Krim sur LinkedIn

#géopolitique #impérialisme #guerre #LeGrandRoque

L'analyse sans concession de la destruction annoncée de l'Europe.

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Musk et Trump ont gagné - et après ?
Tariq Krim
17–22 minutes

Depuis 1 an, j’ai lancé Cybernetica.fr, pour réfléchir sur l’avenir du numérique, à la croisée de 3 disruptions majeures :

•la déglobalisation du monde et ses conséquences pour la Tech,

•la militarisation de l’Internet et ses conséquences pour les états, entreprises et citoyens,

•l’arrivée de l’IA générative et de l'ère post-data et son impact sur l’avenir de l’industrie du cloud, du mobile et des réseaux sociaux.

Ne pas réfléchir à cela fait courir le risque d'entrer dans un monde numérique d'incertitude sans la bonne grille de lecture. Le risque n'est pas d'être dépassé, mais totalement balayé dans un monde ou le rapport à la vérité et l'excellence est totalement changé. Ajoutez à cela l'inconnue de la nouvelle administration américaine et son flot d'annonces.

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Bonne lecture
C’est officiellement la fin d’un monde

La victoire de Trump, d'Elon Musk et de JD Vance aura des conséquences importantes sur nos vies quotidiennes et professionnelles. La fenêtre du champ des possibles vient de s’ouvrir comme jamais auparavant.

Une chose est sûre, il y a deux écueils à éviter : le premier est de moquer cette alliance contre nature, et le second est de se focaliser exclusivement sur Elon Musk, qui est d'une certaine manière l'arbre qui cache la forêt.

Cette alliance inattendue consacre la convergence de deux visions nostalgiques de l’Amérique : celle de la domination post-guerre froide incarnée par “Make America Great Again”, et celle de la conquête technologique des années 60 ravivée par Musk et l’“American Dynamism” du VC Marc Andreessen.

Face à cette nouvelle réalité, le leadership européen et français a du mal à cacher sa panique alors que l'Europe et la France en particulier apparaissent désormais comme des proies. 

La nature temporaire de cette alliance

Cette combinaison ne durera peut-être pas, surtout entre deux personnalités aussi entières et imposantes que sont Trump et Musk, mais en coulisse, cette victoire promet déjà à une centaine d’entrepreneurs qui ont prêté allégeance à Trump d’avoir les mains libres pour mettre en place leurs ambitions.
L’impréparation des élites européennes s’est transformée en panique silencieuse.

Les conversations que j’ai pu avoir depuis la victoire de Trump tendent à montrer que nos leaders politiques, industriels, tech, voire nos forces armées, semblent pris au dépourvu.

Les think tanks, qu’ils soient de gauche ou de droite, français ou européens, souverainistes ou atlantistes, ont été totalement aveugles et sont à l’heure d’aujourd’hui dans l’incapacité de produire des options viables.

Leur aveuglement est lié à une peur panique : ils souhaitaient retourner au monde d’avant 2019, qui est le seul à avoir du sens à leurs yeux.

Hélas, ce monde est mort et enterré et nous allons devoir accepter de plonger dans l’inconnu. La Tech elle-même va devoir apprendre à naviguer dans le numérique de l’incertitude.
Une évolution du monde prévisible pour toute personne qui avait le nez dans les réseaux sociaux

En 2016, j’avais dit dans une interview que l’architecture des réseaux sociaux allait faire triompher les populistes, en construisant un monde toxique dont nous aurions du mal à nous départir.

Et que pour échapper à cela nous avions besoin d’urgence d’un Slow Web.

10 ans après la création de netvibes qui avait donné à des millions de gens sur la planète la capacité d’organiser leurs sources d’informations j’espérais qu’une nouvelle génération de services alternatifs aux plateformes sociales allait émerger. 

Leur absence se fait sentir. Nous n'avons pas les outils pour développer notre anti fragilité. Nous n’avons même pas les moyens techniques pour protéger l’intégrité numérique de nos citoyens.

Cela restera le grand échec de nos politiques publiques numériques et des investisseurs qui ont pourtant été gavés à l’argent public. 

La question de la souveraineté numérique a été clé pour la victoire de Trump.

Les États-Unis souhaitent renouer avec leur suprématie technologique, en repositionnant la Chine comme une simple usine du monde, et en réduisant l’Europe à un marché de consommateurs.

La clé, c’est le mouvement de l’American Dynamism, soutenu par des figures comme Elon Musk et Peter Thiel, qui promeut une vision futuriste et puissante de l’Amérique, prête à dominer sans partage le XXIᵉ siècle. Voir si dessous l'interview de Brian Schimpf.

Face au sentiment de déclassement d’une partie de l’Amérique, la gauche américaine n’avait pas de discours mobilisateur autour de la puissance.

Résultat, il manque des millions de voix au Parti démocrate. 

Place à un nouvel ordre techno-populiste, mélange de Fountainhead et Atlas Shrugged d'Ayn Rand et des discours des néo-conservateurs du département de la défense de Ronald Reagan au début des années 80.
Le pacte faustien du nouvel ordre mondial

L’élection de Trump s’est scellée plus d’un an avant sa victoire.

Comme je le disais en introduction, son association avec Elon Musk et Marc Andreessen (un de mes anciens investisseurs dans Netvibes) est un soutien au mouvement de l’American Dynamism et à la centaine d’entrepreneurs qui évoluent dans cette galaxie à l’image de Palmer Luckey (qui est le beau-frère de Matt Gaetz que Trump voudrait nommer ministre de la justice).

Ils ont tous choisi Trump parce qu’ils voulaient une plateforme de lancement pour leurs projets. 

Cette alliance à laquelle Peter Thiel n’est pas étranger (il a lancé JD Vance en politique) permet de créer un nouvel imaginaire politique: le techno-populisme, un conservatisme futuriste mélange de la nostalgie d’un passé meilleur et de l’imagination d’un futur puissant.

À contre-courant de la tech traditionnelle , ce groupe s’est lancé dans le financement de startups militaires, longtemps tabou dans la Silicon Valley et propose de repenser l’America First autour de l’Intelligence artificielle.

Cette vision attire de plus en plus d’entrepreneurs qui pensent que l’Internet est désormais au cœur d’un champ de bataille idéologique et technologique.

Les démocrates ont fait de nombreuses erreurs, et la première, est de ne pas s'être approprié cette vision de l’American Dynamism. C’était possible.
Kamala Harris était la candidate démocrate la plus pro-Silicon Valley depuis Al Gore.

Bien plus qu’Obama.

Elle doit beaucoup à la tech dans sa carrière. Son mari travaille dans le secteur et elle connaît personnellement de nombreux entrepreneurs. Elle était la candidate parfaite pour le rôle.

Rien ne poussait Musk à s’allier avec Trump. Quelques années auparavant, sa société Tesla avait été sauvée par les démocrates et il entretenait de bonnes relations avec Obama et son administration.

Mais Biden et de nombreux pontes du parti démocrate ont lancé une guerre médiatique contre Elon Musk. Ils l’ont humilié à plusieurs reprises, et surtout ont sous-estimé la puissance narrative de ses entreprises auprès des Américains.

En lui faisant quitter la Californie, et en ne l’invitant pas au sommet sur la voiture électrique, ils l’ont éloigné définitivement du camp démocrate.

Lors du Sommet sur la voiture électrique, Biden s’est permis de dire que General Motors était le leader de cette révolution.
La technologie désormais au service d’agendas populistes a profondément modifié le paysage démocratique.

Musk et ses partenaires ont toujours défendu l’idée que seule l’avance technologique peut protéger l’Amérique en la rendant encore plus puissante et inattaquable. Le numérique remplace l’arme nucléaire comme instrument de dissuasion efficace.

🪖 Que ce soit par les drones, les satellites ou par l’IA militaire (voir mes interventions sur le sujet).

Lors d’une conférence où je vais chaque année, Peter Thiel nous a expliqué qu’il considérait que Google était une entreprise traître à la nation car elle développait de l’IA en Chine.

Il imaginait qu’un jour une confrontation entre un F 35 avec de l’IA américaine et sa copie chinoise, le Shenyang J-35 dont l’IA aurait été partiellement écrite à partir des technologies de Google.

Shenyang J-35

C’était il y a presque 10 ans. 

Hasard du calendrier, on vient d’apprendre cette semaine que la Chine utilisait l’IA open source de Facebook pour un usage militaire, pourtant interdit par les conditions d’utilisation. Facebook vient de clarifier l’usage de son IA à des fins militaires en la limitant aux Five Eyes, (donc pas à la France).
Make America Great Again 2.0 est plus proche de Robert Heinlein que de Philip K. Dick.

“Make America Great Again 2.0” est un slogan extrêmement puissant car il intègre désormais deux narratifs.

On rappelle, notamment à tout Américain de plus de 50 ans, une période où les États-Unis dominaient le monde, diplomatiquement et militairement, et étaient respectés.

L'expression Empire du Mal utilisé lors d'un discours à Orlando le 8 mars 1983 par Ronald Reagan pour désigner l'Union Soviétique. C'est la première fois dans l'histoire américaine que les évangélistes neutres politiquement vont choisir un camp et donner une victoire importante aux républicains.

Avec Musk, on leur rappelle aussi une période où l’Amérique était en pointe technologiquement. 

L’âge d’or de la NASA, les débuts de l’Arpanet, et du SR-71 quand les États-Unis pouvaient mettre en œuvre des projets complètement dingues.

SR71

Mais il faut rappeler que cet âge d’or existait parce qu’il y avait en face l’Union soviétique.
Aujourd’hui, le nouvel ennemi c’est la Chine.

Il fallait une bataille symbolique. Elle s’est faite sur le champ de l’IA et des puces.

Une bataille où l’Europe n’existe que marginalement sauf pour héberger des data centers et fournir des bataillons d’ingénieurs ou de machines à lithographie.

Cette vision techno-militariste semble toute droite sortie d’un livre de Robert A. Heinlein comme Étoile Garde à vous ou d’Orson Scott Card avec La stratégie Ender, les livres de chevet de Musk et Zuckerberg.

Google, Apple et Meta, accusés d’avoir collaboré avec la Chine, vont devoir faire amende honorable s’ils veulent en faire partie.

📧 Relire notre précédente newsletter sur Cybernetica.fr pour voir comment les patrons de la Tech ont réagi à l’élection de Trump.

MAGA 2.0 a aussi réussi l’impensable, alors que le climat n’a jamais été aussi déchaîné, ils ont réussi à faire passer les combats du green new deal comme un soutien à l’industrie chinoise avec ses panneaux solaires et ses voitures électriques que Trump souhaite taxer fortement.
Face à cette vision, Kamala Harris et le Parti démocrate n’avaient rien d’autre à proposer que “nous allons construire un monde plus juste”.

Elle aurait dû s’allier avec des acteurs technologiques de premier plan, respectés par les Américains pour “faire une Amérique plus forte technologiquement ET une Amérique plus juste”.

Elle n’a pas su l’exprimer, sauf une fois dans une allocution du 29 octobre où elle a souligné la nécessité de moderniser l’armée américaine pour faire face efficacement aux menaces émergentes. Bien qu’elle n’ait pas fourni de détails spécifiques, elle a suggéré de renforcer les capacités des systèmes aériens sans pilote au sein de l’armée.

Elle n’en a jamais reparlé après.
L’alternative techno-optimiste n’existe toujours pas politiquement

Trump a changé l’inconscient de l’Amérique. Au-delà de ses habituelles frasques, il a su convaincre sur le plan idéologique une majorité des Américains qui veulent bénéficier d’un dollar fort, d’une domination diplomatique, culturelle et technologique, y compris par la force.

Ses électeurs ont donc parfaitement compris les enjeux du changement climatique, ils espèrent juste que les promesses de Musk et ses alliés les protégeront des migrations à l’image des drones anti-réfugiés qu’Anduril souhaite vendre au Custom Border Patrol.

Drone de surveillance de la société Anduril en test.
La naissance d’une broligarchie

On peut s’attrister de la radicalisation d’une partie de l’Amérique qui a voté à plein pour Trump, elle s’analyse aussi par le prisme de l’évolution des médias, notamment l’explosion de la « manosphère » (Joe Rogan, Lex Fridman et Tim Dillon) où Kamala Harris aurait peut-être dû aller pour s’exposer à des gens qui ne regardent plus les médias traditionnels.

🗳️ Personnellement je doute qu’aller chez Joe Rogan qui avait déjà fait son choix aurait été une bonne chose. Elle a eu raison de ne pas se faire instrumentaliser.

Le parti démocrate, aux mains de consultants de la génération Obama, a aussi perdu la bataille de la conviction, malgré trois milliards de dollars dépensés. En tireront-ils les conséquences ?

L’internet, avec ses meme et ses émissions youtube, a profondément changé depuis l’ère Obama.

Prenons la radicalisation des fans de super-héros qui s’insurgent dans des milliers de vidéos YouTube de la « wokisation » des super-héros Marvel et Star Wars. Des débats qui se sont construits au fil du temps et qui se sont étendus sur Twitter alimentant cette même manosphère en indignations permanentes. En renforçant le poids d’Elon Musk. Voir cette vidéo de Critical Drinker.

Cette « Broligarchie » des médias a peut-être été le tipping point de cette élection, comme l’a été Cambridge Analytica en 2016. Elle explique aussi pourquoi beaucoup de jeunes ont voté pour Trump.

💰Twitter, racheté par Musk pour 44 milliards de dollars, aura été plus qu’un outil d’amplification, il aura été un outil de recrutement de nouveaux électeurs. Un outil payé par un emprunt bancaire!
Et maintenant, que va-t-il se passer ?

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