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La police contre la République ? | AOC

Un article de Didier Fassin.

Deux grands syndicats, Alliance et Unsa-Police, qui représentent plus de la moitié des policiers, publient, dans un contexte de désordres urbains consécutifs à l’homicide perpétré par l’un des leurs, un communiqué dans lequel ils se déclarent « en guerre » contre des jeunes qu’ils appellent des « nuisibles » qu’il faut « mettre hors d’état de nuire » et annoncent qu’ils vont entrer « en résistance » si le gouvernement ne met pas en œuvre des « mesures concrètes » consistant à élargir encore leurs prérogatives, à leur assurer une protection judiciaire plus étendue et à exiger de la justice plus de sévérité à l’encontre des fauteurs de troubles.
On sait que certains policiers appellent les jeunes racisés des « bâtards ». Ils les qualifient désormais de nuisibles. On se souvient que le secrétaire général d’Alliance a déclaré il y a deux ans que « le problème de la police, c’est la justice ». Aujourd’hui, son problème, c’est le gouvernement. Face aux réactions des médias et de responsables politiques de gauche, les deux syndicats ont proposé une peu convaincante « explication de texte pour les nuls » dans laquelle ils se présentent en défenseurs des « valeurs de la République » tout en réitérant l’emploi du terme « nuisibles ». Ils s’y disent « victimes » d’une stigmatisation, comme ils le font à chaque fois que sont mises en évidence et en question les pratiques violentes et discriminatoires de certains d’entre eux.
Devant cette déshumanisation de citoyens français et cette menace de sédition, le Président, garant des institutions de la Ve République, prompt à vouloir sanctionner les parents d’enfants auteurs d’infractions, se tait. La Première ministre, qui accuse la France insoumise de « ne pas se situer dans le champ républicain », ne trouve rien de contraire à la République dans les discours d’intimidation contre le gouvernement qu’elle dirige. Le ministre de la Justice, détenteur du « sceau officiel de la République », demande aux parquets une réponse « ferme, rapide et systématique » contre les casseurs de vitrines, mais détourne le regard lorsque les forces de l’ordre s’en prennent à l’indépendance des juges. Le ministre de l’Intérieur, censé assurer « le maintien et la cohésion des institutions » de la République, se contente de répondre à cette mutinerie de ses services qu’il n’est « pas là pour polémiquer ». Quant au ministre de l’Éducation nationale, qui est en charge de l’école de la République, il oublie de rappeler que nombre de ces adolescents et de ces jeunes ne sont pas des insectes ou des rongeurs qu’il faut éliminer, mais des collégiens et des lycéens, pour beaucoup en échec scolaire lié aux inégalités du système éducatif. Rarement aura-t-on vu un pouvoir si timoré face à un danger si manifeste.
Si le président de la République et le gouvernement ont peur, ce n’est pas, comme nombre de commentateurs l’ont cru, du risque d’extension et de prolongation des désordres urbains. Ils ont peur de leur police. Comme ce fut le cas face aux gilets jaunes, aux manifestants contre la réforme des retraites et aux opposants aux projets destructeurs de la nature, ils savent que leur pouvoir ne tient qu’à elle. Confrontés à ces mobilisations sur des enjeux majeurs que sont les inégalités sociales et la protection environnementale, le choix d’une réponse autoritaire les oblige à s’assurer de la loyauté de la police. On n’est plus dans un système où la police obéit à son gouvernement, mais où le gouvernement plie devant sa police.

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