Article édifiant sur les conséquences néfastes des pesticides, non pas sur notre santé, mais sur les rendements agricoles. À lire et partager. Je vous mets en extrait l'exemple le plus frappant.
Parfois, c’est la nature qui est abîmée, mais nous avons toutes les peines du monde à le percevoir. L’histoire brièvement rapportée par ma collègue Perrine Mouterde, à l’ouverture de la COP16, en donne un exemple saisissant. En 2017, des producteurs de cassis noir de la région de Dijon rencontrent de grandes difficultés, leurs rendements ne cessent de chuter. Ils contactent des chercheurs avec l’espoir que ceux-ci les aident à mieux lutter contre la cochenille, l’un des ravageurs de cette culture.
L’écologue Marie-Charlotte Anstett, chercheuse au laboratoire Biogéosciences (université Bourgogne-Franche-Comté, CNRS), commence par compter le nombre de pollinisateurs sur les buissons. Elle en trouve très peu, un toutes les trois minutes, et consulte les archives de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement pour avoir un élément de comparaison.
La chercheuse dit avoir eu du mal à se figurer et à verbaliser sa découverte tant elle était ahurissante. Par rapport à des comptages effectués in situ en 1981, l’écroulement des pollinisateurs du cassis était de l’ordre de 99 % en l’espace de trente-sept ans. Pendant tout ce temps, l’application forcenée de pesticides pour contrôler les ravageurs a fait quasiment disparaître de ces paysages les abeilles solitaires et les bourdons, sans même être parvenue à éradiquer la cochenille, ses prédateurs ayant été, eux aussi, exterminés.
L’installation de ruches à bourdons sous filet, sur certains plants, a permis d’estimer l’impact de cet effondrement de la pollinisation. Avec le retour des pollinisateurs, le rendement pourrait passer de 3,2 tonnes à l’hectare à 11,3 tonnes à l’hectare. Soit, au cours actuel du cassis noir de Bourgogne, quelque 15 000 euros à l’hectare. La limitation du recours à la chimie, l’installation de nids d’abeilles solitaires dans les plantations et le maintien de fleurs sauvages autour des parcelles ont d’ores et déjà permis de faire remonter les rendements de manière substantielle.
Mais, sans ce projet exemplaire, il aurait été possible de fabriquer une belle histoire et de la faire raconter sur les plateaux de télévision, attribuant à un excès de réglementation des phytosanitaires la disparition du cassis noir de Bourgogne. Qui aurait deviné que c’était exactement l’inverse ?
Stéphane Foucart