Marécages
, je ne l’ai pas lu et c’est sans doute un tort. Je parle de « Les marécages », de Joe R. Lansdale. « Marécages », de Sergueï Dounovetz, je l’ai lu et j’ai bien fait.
De Sergueï Dounovetz, auteur généreux, j’avais déjà lu quelques ouvrages : « Sarko et Vanzetti » (un « poulpe »), « Je me voyais déjà », « La vie est une marie-salope », « Les gens sérieux ne se marient pas à Vegas ». Tous m’ont apporté leur lot de réjouissances et dans la lignée « Marécages » savait probablement qu’il n’avait qu’à bien se tenir pour être digne de ses aînés, ce qu’il a fait ! Mais les petits derniers éprouvent parfois le besoin de se démarquer de la fratrie, ainsi a-t-il lorgné vers l’anticipation.
Nous sommes ici en 2050, c’est à dire demain matin, et la société s’est salement écroulée, l’état parti en sucette, qui ne contrôle plus grand-chose. Le champ est libre pour les salopards de toutes sortes. La violence s’est engouffrée dans les brèches de cet effondrement, la loi du plus fort, l’arbitraire et son lot d’injustices ont envahi l’espace.
Au sein de cette décadence, les jeux du cirque sont réinventés et chacun peut se payer l’exécution de condamnés détenus dans des cabines jaunes, des SHAF (Super Humanoïde Androïde Féminin ) vous pomper vos « données » lors de rapports sexuels, des mouchards loger dans votre caboche. Les plus malins peuvent se faire injecter une dose de Polaroïd, sorte de sérum qui vous promet de ne plus vieillir.
Pour vivre peinard, mieux vaut donc rester dans des contrées à la marge, à l’écart de cette furie ambiante, de préférence dans des zones difficiles d’accès : des marécages. C’est là que vivent les frères Yellow, de sacrés frangins au nom de famille qui ne doit sans doute rien au hasard. Trois frères unis comme les cinq doigts de la main, en moins de deux toujours prêts à se plier en quatre les uns pour les autres. L’un est un géant semi-débile au cœur tendre, l’autre un guerrier combattant chasseur d’enflures, le troisième un idéaliste au service d’une ONG. Tout bascule le jour où un certain Majister Luma se fait dégommer et où Jeanne déboule dans leur vie. Jeanne, Lolita au passé déjà lourd mais à l’intelligence vive. D’elle et des femmes viendra peut-être la lumière, car l’auteur les célèbre à sa manière comme il hisse haut les valeurs de l’amitié, histoire de rendre vivable cet enfer.
Esquissant ce monde peu ragoûtant, Sergueï Dounovetz (auteur né dans un blender : un tiers de F. Dard, un tiers de B. Vian, un tiers de Q. Tarantino) semble rester un tantinet nostalgique du temps passé. Il y a de quoi. L’un de ses protagonistes roule à bord d’un Ford Crew Cab Icon 1966, un de ses frères sur une Buell XB9R Firebolt.
N’hésitez pas à foncer dans cet enfer, dans ces marécages infestés de rats, envahis de moustiques, ceinturés par des zones qui feront passer nos pires banlieues pour de petits paradis. Foncez-y pour vous régaler, goûter à la truculence de l’auteur et, si vous penser que l’on a touché le fond, réaliser qu’il est encore loin.
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