Appel contre la loi Darmanin
Monsieur le Président de la République,
J’en appelle à vous à la suite du vote de la loi sur l’immigration au Sénat et à l’Assemblée Nationale. Elle a été votée dans une incroyable confusion des pouvoirs et avec le vote et la bénédiction des députés RN, dont le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme originel ne doivent jamais être oublié.
Je suis descendant de catalans français et de picards, d’auvergnats et de bourguignons, de martiniquais, dont la langue maternelle n’était pas forcément le français. Mes enfants ont également des origines bretonnes, lorraines, alsaciennes, italiennes. Un de mes petits enfants est franco-algérien. Certains de mes ancêtres étaient protestants et le souvenir d’un État pratiquant les discriminations, les dragonnades, est resté vivace à travers les générations. Je vis dans une ville de mélange d’origines et de cultures qui fait sa richesse et son bien-vivre malgré des difficultés sociales graves que vous devriez plutôt vous attacher à combattre.
Avec la République, et sa magnifique devise, liberté, égalité, fraternité la nation française s’est construite de toutes ces diversités, autour du principe d’égalité, de lutte contre les discriminations et de luttes pour les libertés. Ma grand-tante, bourgeoise et communiste a participé à la résistance intellectuelle pendant l’occupation, des arrière-grand-mères, grand-oncles et tantes de mes enfants ont combattu dans la résistance, pour certains les armes à la main.
J’ai participé à la marche contre l’antisémitisme le 12 novembre, et en même temps contre l’infamie de la la participation du RN à cette manifestation, que ni la présidente de l’Assemblée, nie celui du Sénat, ni vous-même n’ont cru bon de condamner avec la fermeté qui s’imposait.
Cette loi, en stigmatisant les étrangers, en instituant des règles sauvages qui vont conduire à séparer les familles, à affamer et priver de toit des enfants, à refuser un toit à des êtres humains sur le seul fait qu’ils sont étrangers, à faire perdurer une situation de déni de leurs droits pour des milliers de salariés, en détruisant le principe d’égalité et en même temps la République, nous ramène en deçà de la 1ère République, qui abolissait l’esclavage, établissait la citoyenneté des juifs, proclamait dans l’article de la constitution votée le 24 juin 1793 :
- Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; - Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année - Y vit de son travail - Ou acquiert une propriété - Ou épouse une Française - Ou adopte un enfant - Ou nourrit un vieillard ; - Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'humanité - Est admis à l'exercice des Droits de citoyen français.
C’est cette République qui a inspiré, en avance sur son temps la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne qui a malheureusement attendu longtemps pour se concrétiser. Vos propos de Mercredi soir font craindre là aussi une régression fatale des droits des femmes.
C’est toute la construction républicaine qui est ainsi aujourd’hui en danger.
Cette loi, et les conditions dans laquelle elle a été votée font peur, pas seulement pour les étrangers mais pour toutes celles et ceux qui pour une raison ou une autre, d’origine, de religion, de genre, d’orientation sexuelle, d’opinion, sont victimes ou craignent d’être victimes de discriminations, du retour de l’infâme. Dans mon quartier, elle va créer ou aggraver des tensions ; être génératrice de chaos. La révision de l’AME annoncée par la première ministre fait craindre le pire pour la santé publique.
Nous sommes et nous serons toujours solidaires des étrangers, nous sommes et nous serons toujours solidaires ensembles pour résister. Nous sommes et nous serons unis de pour réclamer une loi qui reconnaisse l’égalité et la justice pour toutes et tous dans le cadre de la République.
Ne promulguez pas cette loi.
Veuillez agréer l’expression, Monsieur le Président de la République de la plus haute considération due à vos fonctions.
Vitry-sur Seine, le 21 décembre 2023
Pierre T., citoyen de la République française