Si c'était si mauvais...

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C'était au début des années 1970, au plus haut de la dictature des généraux au Brésil.

L'un de ces satrapes aux lunettes noires, dans un élan de gloriole auto-promotionnelle, avait décidé de condescendre à visiter quelques concitoyens, dans un voyage (qu'il supposait triomphal) aux confins du Brésil, sur les terres arides du nordeste.

Et la grotesque caravane sinuait sur des routes qui n'en étaient plus, à travers des bourgades fantomatiques tant elles étaient écrasées de sécheresse et de misère. Une limousine sautant sur les cahots, suivis de véhicules poussiéreux emplis de journalistes aux bottes, de cameramen aux bottes, de militaires aux bottes, et de conseillers mestres puxa-sacos (1) pour montrer la puissance et la sagesse du régime à des légions de paysans en haillons, attirés par le larsen du micro et l'idée que, peut-être, de la nourriture serait distribuée.

On ne sais pas si de la nourriture fut distribuée, mais du haut de son estrade, le général fit un discours dispendieux et très long. Il discourut sur la gloire du Brésil, sur les dangers du communisme, sur l'avenir glorieux du Brésil, sur les horreurs du communisme, sur les bienfaits d'un régime paternaliste si soucieux du bien-être de ses administrés, sur l'impasse du communisme, sur l'image merveilleuse de la mère-patrie à l'étranger et sur les petits enfants mangés tout crus par le...

Puis, descendant dans la poussière, le bon général s'avança vers ses sujets et, avisant l'un d'entre eux, lui demanda :

- et toi, tu sais bien comme le communisme est une mauvaise chose !

Et l'humble paysan, triturant son chapeau, répondit :

- Excellence... je ne connais pas le communisme, mais je suis sûr d'une chose...

- Bien ! Bien ! Dis-nous-le donc ! s'enthousiasma l'uniforme.

- Et bien, si le communisme était si mauvais, il y aurait longtemps qu'on l'aurait ici au Brésil !

(1) être puxa-saco, en portugais c'est être lêche-botte. Littéralement, cela signifie "tireur de sac", celui qui est derrière à porter toutes les valises (et les casseroles) du maître.

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