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(Journal intime tombé du ciel dans mon jardin alors que je binais mes fraisiers. Après sa lecture - qui m'a bouleversé - je ne pouvais décemment garder cet émouvant témoignage pour moi. C'est pourquoi j'ai décidé aujourd'hui de vous révéler ce déchirant cri d'amour et de fraternité)
Quarantième jour – lui aussi ! lui aussi !
Nous étions donc tous les quatre, notre camarade-syndicaliste vendeur de parapluies Carla, la vache Angela et le monstre marin serrés sur le canapé et moi sur le pouf, à regarder une canonisation sur la petite télévision du salon. De temps en temps, nous étions obligés de tripoter l'antenne, car le signal passait mal à cause de tous les amas de tôles froissées, les satellites accumulés qui ont transformé le proche espace terrien en un vaste dépotoir, et qui perturbait la réception de ce divertissant spectacle.
Blingue-Blingue à cheval continuait d'envoyer du crottin ça et là sur les dalles de marbre en faisant voler son étendard de l'OTAN et la cérémonie se poursuivait dans un grand effort de naturalité, les officiants feignant d'ignorer ce spadassin en armure. Ils faisaient de vastes détours pour arriver et repartir de l'autel et regardaient bien où ils marchaient pour ne pas s'étaler les quatre fers en l'air dans leurs coûteux saint-frusquins. De stupéfiant, le spectacle était devenu surréaliste.
Mais soudain, sans crier gare, le monstre marin se jeta sur la télévision et l'écrasa d'un violent coup de pied (qui était grand, d'ailleurs je prévoie d'agrandir mon paillasson). Évidemment, nous restâmes un peu surpris car notre nouveau voisin nous avait d'abord paru plutôt pacifique (à part sa colère à propos du téléphone portable de Blingue-Blingue (voir Tandis qu'on canonise ICI, mais qui était une colère très justifiée). Personnellement, ça ne me dérangeait pas de ne plus avoir de télé, mais quand même elle nous servait pour visionner des films, comme La Ligne Générale d'Eisenstein qu'Angela aime tant (enfin surtout le taureau Fomka – d'où son grand différend avec la cheftaine de la coalition incertaine, vous savez, celle avec l'ectoplasme mineur satellite, qui essaye de se tirer du pétrin dans lequel elle s'est mise en suivant aveuglement les délires de la Grande Puissance Nortuaire et son CED (1), tout en se consumant d'amour pour un ancien amant - voir ICI).
Mais, tout de suite, le monstre marin se repentit de cet accès d'humeur et s'excusa. Il nous dit qu'on n'était pas les premiers à jeter des saloperies dans la Mer de la Tranquillité et qu'il y avait quelques télés qui traînaient aussi dans le fond et qu'il nous en rapporterait une dès le lendemain. Mais, expliqua-t-il, en voyant ce spectacle il avait vu rouge (lui aussi !) et n'avait pas réussi à garder son sang-froid. Ça faisait des milliers d'années (il est très âgé, il a une alimentation très saine à base de fromage de chèvre et de sardine) qu'il observait les terriens et qu'il les voyait (nous voyait – ne fuyons pas nos responsabilités) soigneusement choisir le pire et courir droit à la catastrophe (l'abîme, et qu'on va faire un grand pas en avant etc...) Bref, la vision des ces queues-rouges (2) endimanchés qui mènent leur monde par le bout du noeud coulant enrubanné dans des ors dégoulinants quand tout va à vau-l'eau l'avait mis dans un gros pétard. Pour un peu, il aurait craché du feu, mais ce n'était pas possible, parce qu'il est marin.
Non seulement nous avions un nouveau voisin, et qui allait le rester longtemps, étant donné son espérance de vie (pour sa vie à lui, parce que pour la nôtre, les terriens, on l'a vu, il était plutôt pessimiste), mais en plus, il était furieusement anti-papiste ! D'ici qu'il soit marxiste-léniniste et militant du PRCF, il n'y avait qu'un pas.... qu'il franchit allégrement en nous broyant à chacun fraternellement la main presque comme il avait broyé la télé avec son pied. Cela faisait longtemps que l'évidence s'était imposée à lui (comme à tous les progressistes) : le monde ne peut survivre que dans le partage des richesses et la démocratie directe.
Vraiment, la Lune réserve de bien agréables surprises !
Nous prîmes rendez-vous pour le lendemain, pour la nouvelle télé, et notre ami le dragon anti-papiste nous proposa un pique-nique au bord de la Mer de la Tranquillité. Nous pourrions inviter ceux de la Commune Lunienne, et même faire descendre le malheureux siffleur d'alerte de sa crémaillère voir ICI. À nous de choisir la date. Quelle bonne idée !
Bon, la suite, à demain.
(1) Rappel terminologique. CED (au choix) : Coup d'État Démocratique ou Connerie Exterminatrice Démesurée.
(2) Queue-rouge : bouffon - expression inventée par Balzac, paraît-il.
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Les épisodes précédents : Trente-neuvième jour – tout ça pour du menu crottin Trente-huitième jour - tandis qu’on canonise Trente-septième jour - une soirée télé qui commence bien Trente-sixième jour - fermenter n’est pas jouer Trente-cinquième jour – J’ai fait un rêve… Trente-quatrième jour – réunion au sommet du sous-sol Trente-troisième jour – le retour de Fomka Trente-deuxième jour – réunion au sommet du cagibi Trente-et-unième jour - le bal des serpillières Trentième jour – la vache et le prisonnier Vingt-neuvième jour – l’escalade Vingt-huitième jour – ce ne sont que des pyongs ! Vingt-septième jour - la piste de la banane empaillée Vingt-sixième jour – Les torchons ne sont plus ce qu’ils étaient ! Vingt-cinquième jour – Que faire ? Vingt-quatrième jour - mais faites-la taire ! Vingt-troisième jour - Washington ! Vingt-deuxième jour – ne suivez pas le guide ! Ving-et-unièmejour - ils arrivent ! Vingtième jour – les visiteurs sonnent toujours deux fois Dix-neuvième jour – deux frères et une mission Dix-huitième jour – la face cachée de la Terre sur la Lune Dix-septième jour – la Terre au bout du tunnel Seizième jour – L’Énéide sur la Lune Quinzième jour – le jugement dernier de la ciboulette Quatorzième jour – sauvés par un mauvais titre ! Treizième jour – l’espion qui venait du surgelé Douzième jour – La grande évasion Onzième jour – un troc en échange de la paix Dixième jour – où Ferdinand révèle sa véritable identité Neuvième jour – catastrophe ! Huitième jour – où la limace saute de joie Septième jour – interview-réalité Sixième jour - Le Comte de Monte Cristo Cinquième jour - une idée formidable ! Quatrième jour - description mon pied-à-terre lunaire Troisième jour - les raisons de mon «expatriation» Deuxième jour - description de «l’élastique» Premier jour - Mon arrivée sur la lune
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