#cesson

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CHACUN SON FIL DU TEMPS

Je continuai donc ma discussion avec Nani la rapporteuse :
« N'empêche que, dis-je, à Cesson, y a " Nouveau Village " mais y a pas " vieux Cesson ".
- Ben si, c'est Cesson bourg. c'est le plus vieux quartier de Cesson.
- Justement : même le plus vieux quartier de Cesson, on n'a pas idée de l'appeler le vieux Cesson parce qu'il n'évoque pas la vieillesse. À Cesson, tous les noms de quartiers évoquent la vie : Grand Village, Nouveau Village, les Castors… à Courbevoie, comme quartiers, y a le vieux Courbevoie… et puis, c'est tout. Je vois même pas quel est le quartier qu'on appelle comme ça. Tout est vieux à Courbevoie, les gens, les maisons, les quartiers… on dirait que Courbevoie, c'est le passé et Cesson, c'est l'avenir.
- Tu as peut-être raison : peut-être qu'un jour, Papa et Maman déménageront et nous emmèneront vivre à Cesson.
- Ah bon ! »

C'était la première fois de ma vie que j'entendais parler d'une telle éventualité. C'était quand j'avais sept ans.
« On va déménager ?
- Pour l'instant, Papa et Maman n'en parlent pas mais si j'entends ma petite sœur dire que Courbevoie, c'est le passé et Cesson l'avenir, je me dis que c'est peut-être un signe.
- C'est pas ce que je voulais dire. je faisais juste une comparaison parce que Courbevoie, ça fait vieux ; quand on revient de Cesson, ça fait encore plus vieux. Tu trouves pas ?
- Je comprends ce que tu veux dire mais je sais aussi que c'est une vision que tout le monde ne partage pas. Il y a beaucoup de gens pour qui Courbevoie, c'est le modernisme, l'avenir, le progrès.
- Heu ! L'autre, eh ! Tu te moques de moi ?
- Non. Regarde les immeubles roses, à côté ! ils sont modernes. Regarde Charras !… »

Charras, c'est une grande galerie marchande qui venait d'être construite avec une piscine, une patinoire et un bowling.

« Regarde derrière Charras : les tours de la Défense qui s'élèvent une à une et, bientôt, l'ouverture de ce fameux RER dont tout le monde parle tant !
- C'est pas Courbevoie !
- Si, c'est Courbevoie. Pour beaucoup de gens, c'est ça, l'avenir tandis que Cesson, c'est juste un trou paumé avec des champs et des moutons.
- Alors, c'est moi qui dis n'importe quoi ?
- Non. C'est ta vision.
- Mais, à Cesson, y a plein de nouveaux quartiers. À chaque fois qu'on y va, on entend parler d'un nouveau projet de construction d'un quartier ; c'est ce que Papa et Maman disent toujours. À Courbevoie, à part la Défense, qu'est-ce qu'il y a, comme nouveau quartier ?
- Rien.
- Alors, tu vois.
- C'est pas pareil. À Cesson, y a de l'espace. Cesson bourg, c'est le noyau ; on n'y touche pas. On déboise autour pour implanter de nouveaux quartiers. On élargit l'espace habitable. Courbevoie, ça peut pas s'étendre. La ville remplit déjà l'espace qui lui est imparti. Ça se construit beaucoup mais à l'intérieur de ce qui existe déjà. Quand une vieille bâtisse s'écroule, on la remplace par du béton… et on l'oublie. Un jour viendra où le vieux Courbevoie aura complètement disparu et plus personne ne pensera qu'il a existé.
- Il a pas de famille ?… Euh ! non. J'ai encore cru qui tu parlais du vieux monsieur bossu… c'est parce que t'as parlé de vieille bâtisse qui s'écroule… »


SEX AND DESTROY un nouveau son rock ?
1ère partie : DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Chapitre 5 : Génération précoce
section 2 sur 13


#sœur #Courbevoie #Cesson #temps #modernisme

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LE VIEUX COURBEVOIE

Quand on revient de vacances, on retrouve son quotidien avec un regard frais.

Quand on revient de vacances à Cesson et qu'on retrouve Courbevoie, ça fait un drôle d'effet.

Papa et Maman nous avaient déposés sur le trottoir avec les valises ; nous devions attendre là qu'ils eussent rangé la voiture dans le box.

J'observais cet étrange décor familier fait de grisaille, de pots d'échappement et d'âmes humaines quand je vis passer, sur le trottoir d'en face… devine qui ! le vieux monsieur bossu, avec sa canne et ses éternels habits noirs.

Le désignant, je fis la remarque :
« Tient ! rev'là le vieux Courbevoie. »

Cela fit marrer Caki, tandis que Nani opina :
« Ben ! t'es rosse de l'appeler comme ça, ce pauvre bonhomme. Il t'a rien fait !
- Ben quoi ? C'est pas lui qu'on appelle le vieux Courbevoie ?
- Bien sûr que non. Pourquoi on l'appellerait comme ça. On le connait pas.
- Mais si ! il arrête pas de passer et de repasser sur le trottoir d'en face. T'as pas remarqué ?
- Peut-être. Et alors ? Il a le droit. C'est pas une raison pour l'insulter… »

Oh là là ! des fois, elle n'était vraiment pas marrante, Nani.

Je n'avais voulu insulter personne, moi. À la maison, j'entendais souvent parler du vieux Courbevoie. Je m'étais mis dans la tête qu'il s'agissait de ce monsieur parce qu'il évoquait pour moi la vieillesse de Courbevoie.

Il y avait plein de vieux, à Courbevoie. À Cesson aussi, il y en avait mais ce n'étaient pas les mêmes. Les vieux de Cesson avaient l'air plus énergiques, plus vigoureux, plus présents à la vie.

Les vieux de Courbevoie, quand je les voyais passer dans la rue, j'avais l'impression que leur vie n'était plus présente en eux, qu'elle était derrière eux, bien rangée dans des tiroirs. Ils ressemblaient à des vestiges. Ce n'est pas péjoratif, c'est pathétique.

Dans les rues de Courbevoie, je voyais passer plein de vieilles dames aux cheveux blancs relevés en chignons et aux longues robes noires, toutes noires. Elles semblaient ne jamais sourire.

Les vieux de Cesson, c'étaient des paysans aux bottes en caoutchouc. Ça ne se voyait presque pas qu'ils étaient vieux. D'ailleurs, je n'avais jamais entendu parler d'un quelconque vieux Cesson.

Quand Maman nous rejoignit, Nani lui répéta ce que j'avais dit du vieux monsieur bossu.

Maman en fut mécontente. Elle me fit sa morale, genre :
« Ben enfin, ça va pas, non ! Qu'est-ce qui te prend d'être impolie avec les passants ? »

Cela m'énerva. Je ne pouvais jamais rien dire qui ne fût mal pris. En plus, ce n'était pas moi qui disais tout le temps du mal des gens sous cape, alors !… En plus, si le vieux monsieur bossu s'était retourné vers nous, c'était parce qu'il avait entendu Caki rire fort, alors !… Caki, on ne lui disait rien. C'était tout le temps moi qui prenais. En plus, je n'avais rien inventé : c'était Maman qui parlait tout le temps du vieux Courbevoie. Moi, je n'avais fait que répéter ses paroles, alors !…

« Si c'est pas ce monsieur-là que t'appelles le vieux Courbevoie, alors qui c'est ?
- Personne. »

répondit Maman en haussant les épaules.

Ben voyons !

« J'ai pas rêvé ! J't'ai bien entendue dire plein de fois : "le vieux Courbevoie". Tu vas pas me dire que c'est pas vrai ?
- C'est un quartier, le vieux Courbevoie. C'est un quartier de Courbevoie qu'on appelle comme ça.
- Ah ? »

Bon, d'accord. Je m'étais trompée.

« N'empêche que…
- Fiche-moi la paix ! tu me fatigues. »

interrompit Maman.


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1ère partie : DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Chapitre 5 : Génération précoce
section 1 sur 13


#Courbevoie #Cesson #enfance #conflit #vacances

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LÂCHÉE DANS CESSON

Quand je revins de colonie, Caki et Nani étaient chez leurs correspondants étrangers. Mon père travaillait mais nous étions quand même en vacances à Cesson. La maison étant à proximité de la gare, mon père pouvait aller au bureau à Paris et rentrer le soir à Cesson. Ça le faisait juste rentrer à la maison plus tard que quand nous étions à Courbevoie.
Donc, mes journées, je les passais à Cesson, avec ma mère. J'étais super contente d'être à Cesson, dans une grande maison, avec un grand jardin. En plus, ma mère était tellement gentille qu'elle avait même acheté de quoi s'occuper : plein de fleurs en pots et des graines pour pouvoir s'adonner à son plaisir de jardiner et… c'est tout. Rien pour moi. C'est ça, le problème, avec ma mère : elle avait beaucoup de gentillesse mais n'en faisait profiter qu'elle-même.
Suis-je mauvaise langue ? Elle estimait que je n'avais pas besoin qu'on m'achetât de nouvelles choses parce que j'avais déjà bien assez, pour m'occuper, avec les vieux jouets de mes frère et soeur. C'est vrai que j'avais un vieux portique, un vieux vélo, des vieilles petites voitures, des vieilles billes…
À quoi ça sert, les billes ? On peut rien faire avec. C'est nul.
J'avais juste un joli ballon, tout neuf, que j'avais vu au trucoprix et que ma mère avait bien voulu m'offrir pour mes sept ans. En un an, il n'avait pas pris une égratignure ; il était toujours tout beau, tout brillant. Et pour cause ! Personne n'avait jamais voulu y jouer avec moi, personne n'avait jamais voulu m'apprendre à y jouer.
Finalement, à Cesson, mon ballon à deux balles, c'était mon seul bien, mon seul jouet beau et attrayant, la seule chose avec laquelle j'avais envie de jouer et je ne pouvais pas parce qu'un ballon, c'est fait pour jouer à plusieurs.
Bref, j'allai voir ma mère et la trouvai accroupie au fond du jardin, creusant gaiement la terre.
« Maman je m'ennuie.
- Eh ben, va t'faire une copine. »

Hein ?! J'avais passé trois ans - maternelle, cours préparatoire et CE1 - à l'école, entourée d'enfants, sans jamais réussir à me faire une copine ; je venais de passer trois semaines en colonies de vacances sans jamais parvenir à me faire la moindre copine ; et là, dans un jardin où il n'y avait que ma mère et moi, comme elle me voyait sur le point de lui reprocher encore d'avoir pris une activité de vacances pour elle et pas pour moi, elle me sort une copine de son chapeau !
« Eh ben, va te faire une copine !
- Comment faut faire ?
- Prends ton vélo, va dans les Castors ! Et quand tu vois une fille dans son jardin, tu t'approches et tu lui dis : "j'peux jouer avec toi ?" »

Ma mère me livra ce mode d'emploi sans même me regarder, sans lever le nez de sa terre. Moi, qui étais debout derrière elle, je partis sur la pointe des pieds, enfourchai mon vélo et m'enfuis à toute vitesse. Quand mère poule est d'humeur à lâcher son poussin, il ne faut pas se le faire dire deux fois.
Arrivée à l'angle de la rue de Paris - là ! elle était là, la fille, dans son jardin - je la vis. Elle était brune, les cheveux courts. Elle avait l'air tranquillement occupée, elle avait l'air… de n'avoir pas besoin de moi.
Et voilà que ma timidité reprenait le dessus ! Comment cette fille pouvait-elle devenir ma copine si je passais mon chemin sans m'arrêter, sans lui parler ? Je m'efforçai de ralentir. Je voulus l'appeler, lui dire la phrase que ma mère m'avait apprise :
« J'peux jouer avec toi ? »
mais les mots restèrent coincés dans ma gorge. Ça ne sortait pas. Je n'osais pas. Je ne le sentais pas. Je n'avais pas tant peur d'être rejetée que te déranger.
Non, pas elle.
Et voilà, j'étais passée devant son jardin sans m'arrêter. J'avais raté et je m'en voulais. Je montai la rue de Paris en me reprochant mon échec mais je ne voulus pas revenir en arrière.
La prochaine ! La prochaine que j'vois dans son jardin, je lui demande. Elle, c'était trop tôt, j'étais pas prête.
Je tournai à gauche, dans la longue et sinueuse rue des jonquilles en me répétant toujours et encore :
« J'peux jouer avec toi ? J'peux jouer avec toi ? »
mais tous les jardins étaient déserts.
Ys sont tous partis s'cacher ou quoi ?
Enfin, passé un tournant, je vis une fille qui… n'était pas dans son jardin. Elle sautait à la corde sur le trottoir. Elle avait de longs cheveux châtain foncé tirant sur le roux, attachés en queue de cheval.
Étonnamment, mon vélo fonça droit sur elle sans que rien ne le retînt. Arrivée à sa hauteur, je serrai les freins et récitai la réplique de ma mère, apprise par cœur :
« J'peux jouer avec toi ?
- Oui. »

répondit-elle joyeusement.
Elle jeta sa corde à terre, ouvrit le portail derrière elle, pris un vélo posé non loin et vint se promener avec moi, ne serait-ce que le temps de faire les présentations. Plus tard, nous jouâmes mais Françoise, elle était comme ça : quand il y avait à discuter, elle aimait le faire en pédalant.


SEX AND DESTROY un nouveau son rock ?
2ème partie : LA PRINCESSE DANS LE DONJON
Chapitre 13 : L'épreuve de la séparation
section 2 sur 20


#mère #vacances #été #rencontre #Cesson