Robin Graubard - Road to nowhere
«Road to Nowhere» met au jour une partie méconnue du travail de la photographe américaine réalisée dans les pays d’Europe de l’Est au milieu des années 90, mettant en scène des populations fortement éprises d’un sentiment de résistance.
De Robin Graubard, photographe new-yorkaise née en 1951, on connaissait ces photos de punks américains paradant devant le club mythique CBGB ou dans des appartements délabrés, ces clichés d’Andy Warhol récoltant des dons pour l’Armée du salut flanqué d’un grouillot en sweat Armani, ces portraits de jeunes surfeurs à peine pubères et de leur Californie de lever du jour, quand les vagues sont hautes et que la brume enveloppe tout. On ignorait en revanche tout ou presque de celles qui composent son récent recueil, l’impressionnant Road to Nowhere paru ce mois-ci chez Loose Joints.
La série a pourtant été initiée il y a près de trente ans, en 1993, lorsque la photographe surprend dans un parc une conversation entre plusieurs femmes se plaignant qu’aucun journal américain ne couvre correctement la guerre en ex-Yougoslavie. Accréditée par Newsweek, elle part immédiatement pour Prague – alors eldorado de la jeunesse alternative américaine – d’où elle entamera ensuite, seule, un périple de trois ans, à travers la Bosnie et la Serbie, mais aussi la République tchèque, la Bulgarie, la Pologne, la Roumanie et la Hongrie, témoignant de leurs prises d’indépendance plus ou moins douloureuses après l’effondrement du bloc de l’Est.
Rôle important de la scène rock serbe
Familles, couples, marginaux, soldats, mercenaires, orphelins, contrebandiers : les traits sont âpres, parfois impitoyables, mais Road to Nowhere met systématiquement au premier plan de ses images l’idée de survie, de résistance. Un pique-nique de réfugiés serbes en cavale, des gamins s’agitant sur un terrain de jeu avec les restes d’une voiture désossée, un mariage albanais animé par un orchestre cacochyme ou des couples bosniaques tentant d’oublier leur quotidien à la plage. Plusieurs photos témoignent aussi du rôle qu’a joué la scène rock serbe dans le conflit, outil de résistance majeur pour la jeunesse via des chansons comme Zanimljiva Geografija de Dza ili Bu ou Karamba Karambita de Rambo Amadeus. Des hymnes politiques indissociables du mouvement Otpor, organisation qui contribuera massivement à la chute de Milosevic et formera par la suite de jeunes révolutionnaires en Géorgie, Biélorussie et Ukraine. Fatalement joués au concert-marathon de plusieurs dizaines d’heures donné à Belgrade que Robin Graubard immortalise ici, où les premiers rangs semblent contenir à eux seuls les traces des bouleversements en cours – impatience et résignation, peur et euphorie, corps effondrés ou enlacés, parkas camouflage et baluchons Mickey.
Robin Graubard, Road to Nowhere, 228 pages, Loose Joints.
https://www.liberation.fr/culture/photographie/robin-graubard-un-amour-de-jeune-est-20220430_AYMHQKFTMZC23CTAJANJOWXVN4/
https://www.port-magazine.com/art-photography/road-to-nowhere/
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