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Sixième chant du « Paradis », par Gustave Doré
La lecture de Dante invalide en tout cas l’idée que la littérature ne pourrait avoir d’existence en temps de détresse. J’ai envie de dire au contraire qu’il n’y a jamais eu que des temps de détresse, et que si la détresse est l’élément même de l’Histoire, elle appelle l’invention d’un langage qui lui réponde et soit capable d’opérer une métamorphose sur le monde et sur nous-mêmes. Dante, comme tous les très grands écrivains, comme la littérature elle-même, ne cesse de formuler cette réponse, de mettre en œuvre cette opération, de raconter cette métamorphose.
C’est tout l’enjeu de ce livre extraordinaire, l’un des plus beaux et des plus fous jamais écrits, que de nous mener vers un lieu où nous nous trouvons depuis le début. Je veux dire que le paradis ne désigne pas le point ultime de l’initiation de Dante, et de celle avec lui du lecteur, mais le récit tout entier qui nous achemine vers lui : tous les points du texte font partie du paradis, tous ils sont le paradis.
“Le lion et le rat”
Le Lion et le Rat
Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
De cette vérité deux Fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d’un Lion
Un Rat sortit de terre assez à l’étourdie.
Le Roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu’il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu’un aurait-il jamais cru
Qu’un Lion d’un Rat eût affaire ?
Cependant il advint qu’au sortir des forêts
Ce Lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.
Jean de LA FONTAINE (1621-1695)
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