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Fantômas, l’insaissisable Fantômas, créé par Pierre Souvestre et Marcel Allain en 1910, a fait la fortune de la littérature populaire français, mais aussi du cinéma, et ce durant tout le vingtième siècle. Nous n’y reviendrons pas. Mais il nous tombe entre les mains une petite curiosité cinématographique qui mérite qu’on s’y arrête : ‘Monsieur Fantômas’ du réalisateur belge Ernst Moerman, sortie en 1937. Moerman a fait partie de cette avant-garde du cinéma belge à côté, et à moindre titre, d’un grand, un très grand, le documentariste, de réputation mondiale, Henri Storck, mais aussi d’un brillant technicien de l’image, Charles Dekeukeleire.
Ce qui nous intéresse ici, c’est la référence explicite de l’œuvre au surréalisme, belge en l’occurrence. Dans le générique même, elle est qualifiée de ‘film surréaliste’. En effet, on y trouve tout les ingrédients des mélanges détonants ‑ et détonnants ‑ propres aux émules de André Breton : inventions et téléscopages de situations et citations visuelles incongrues, apparemment sans rapport immédiat entre elles, suscitant notre imaginaire et notre inconscient. Nous ne referons pas ici la théorie du surréalisme.
Mais de quoi s’agit-il plus précisément ? Sur la côte, la Côte belge – il n’en est qu’une pour les habitants de ce dit ‘Plat Pays’ – qui étend ses plages, ses dunes, interminables, de La Panne à Knokke-Heist. Moins de septante kilomètres qui sont la façade (atlantique) de toute une ‘nation’ (pourtant si partagée !) Et c’est là que Fantômas va réaliser de nouveaux exploits, amoureux en l’occurrence. ‘Fantômas à Ostende’ aurait pu faire un bon titre. Et ce nouvel avatar du célèbre et criminel héros va ici, dans un délire de situations absurdes, grotesques, satiriques, blasphématoires – autant dire sataniques, dans ce pays alors si catholique –, s’en donner à cœur joie, sur le mode du cinéma muet mais burlesque, cher au années 1920. Apparaissant, réapparaissant, se moquant allègrement et gentiment de son monde.
Mais qui est ce monde-là : celui des protagonistes des romans, essentiellement le commissaire Juve – que l’on connaît aussi incarné, bien plus tard, entre autres. par Louis de Funès. Mais aussi les symboles ‘pantalonnesques’ de l’Autorité civile et religieuse. À ce titre, la scène initiale du couvent mérite de passer à la postérité ; de même que, vers la fin, la scène du Jugement. Que dire de plus à propos de cette cavalcade sans queue ni tête à travers les dunes ostendaises… ou autres !? Il suffit de regarder le film… et de s’en, très joyeusement, amuser. Oui, voilà bien l’humour belge !
Mais quoi de spécifiquement belge là-dedans ? Oh, une forme d’esprit sans doute…, mais il faut avouer qu’il faut participer de cette culture pour bien la ressentir et l’identifier. Quelques repères cependant, à découvrir au passage : le commissaire Juve est assorti de trois ou quatre subalternes, imbéciles de flics, qui ne sont pas sans rappeler… les deux Dupont et Dupond, bien sûr, de cet autre créateur belge, Hergé, l’inventeur de Tintin. Ils apparaissent déjà dans la bande dessinée en 1932. Quoi d’autre encore ? Ce peintre qui portraiture l’héroïne à répétition du film et nous dévoile son chef d’œuvre…, un tableau de cet autre peintre, bien connu de la Belgitude, d’esprit surréaliste lui-même, René Magritte. Et l’on trouverait bien d’autres clins d’œil, il me semble… en grattant bien. Ne parlons pas même de la belle Ophélie statufiée baignant parmi les roseaux flamands, à défaut de nénuphars plus romantiques…
Pour en terminer, une petite anecdote quant à la distribution, renvoyant à une célébrité française… mais, elle-même, d’origine belge : Jean-Philippe Smet, dit Johnny Halliday. Quel rapport me direz-vous ? Eh bien, Fantômas, c’est son père ! Oui, son père Léon Smet, acteur, connu sous le nom – c’est au générique du film – de Jean Michel. Voilà, vous savez tout !
Pour ce qui est du surréalisme, nous y reviendrons, en notant pour l’heure que son versant belge n’a rien à envier aux autres, fussent-ils français.
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