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En ce début du mois de septembre 1458, Jehan et Geoffroy cheminaient depuis trois jours, en provenance de la ville d'Agen, en direction de la cité de Toulouse où ils étaient attendus pour animer les noces d'un riche négociant.
La mule, chargée de leurs bagages, du luth et de la viole semblait montrer quelques signes d'épuisement, en cette douce fin de journée, aussi s'étaient-ils arrêtés pour la nuit au coeur d'un verger abandonné.
Les deux musiciens avaient évoqué, non sans inquiétude, la traversée, prévue pour le lendemain, du pays de Malbourg.
Depuis des années, troubadours et bateleurs évitaient scrupuleusement ce secteur dont le Maître, Sieur Sénèstre, avait aboli musique et théatre, après le décès accidentel de sa fille, dix ans auparavant. Incapable de surmonter son chagrin, le Maître avait sombré dans l'aigreur et dans l'amertume, privant ainsi son peuple des quelques distractions qui rendaient sa laborieuse vie rurale moins triste et moins éprouvante.
Ainsi Jehan et Geoffroy envisageaient-ils, autour d'un feu de bois, les différentes options de contournement du pays de Malbourg. Vers l'Est, une journée supplémentaire de marche en terrain accidenté et vers l'Ouest, un cheminement en terrain plat mais un détour de plus de deux jours.
Ils en étaient là de leur conversation lorsque surgit de la haie ceinturant le verger, un groupe d'hommes, de femmes et d'enfants en haillons, la mine sombre et le regard triste.
Passée la première frayeur, voyant qu'aucune intention belliqueuse n'animait le petit groupe, Jehan convia près du feu de branchages un homme agé qui paraissait être le meneur de la petite troupe. Ce dernier expliqua à quel point le pays de Malbourg, dont ils étaient originaires, se languissait d'être privé de musique et comment les villageois alentour se laissaient mourrir de désolation et de désespoir, laissant des lignées sans enfants s'éteindre, des fermes à l'abandon et des récoltes sans moissons.
Ces pauvres hères, tous marqués par la misère, la tristesse et les privations, avaient amené des paniers de victuailles et un tonnelet de vin âpre mais fruité, offrandes qu'ils proposèrent en échange de quelques airs de musique dont ils étaient si cruellement privés depuis trop longtemps.
Malgré les fatigues du voyage, les deux musiciens attendris sortirent leurs instruments du paquetage, s'accordèrent puis improvisèrent un répertoire où il ne fut question que de fête, de joie, de danse, de soleil et d'amour.
Ces réjouissances improvisées durèrent toute la nuit et, au petit matin, tous les visages étaient souriants, béats, les corps s'étaient dénoués et tous dansaient, comme envoutés, autour des braises mourantes.
Au printemps suivant, le bruit avait courru dans tout le Pays d'Oc que Sieur Sénèstre avait été déposé par une jacquerie. Il aurait pris la fuite, ses soldats ayant déposé leurs armes dès les premiers sursauts de la révolte, prenant ainsi le parti des villageois assoiffés de rythmes et de mélodies tout comme eux-mêmes.
De retour de Toulouse, Jehan et Geoffroy firent une halte en Pays de Malbourg où ils festoyèrent 4 nuits et 5 jours, accueillis comme des princes par des villageois enthousiastes et joyeux, qui leur exposèrent leurs projets vers un avenir libre et autonome.
Jehan rédigea en 1472 un traité de théorie musicale où, il évoquait clairement le pouvoir libérateur de la musique. L'ouvrage fut interdit par les autorités civiles et cléricales.
Jehan et Geoffroy poursuivirent leurs périples occitans toute leur vie durant, entre fêtes villageoises, places de marché ou noces bourgeoises et c'est à côté d'une petite chapelle dominant le Maubourg qu'ils reposent en paix.
C'est la tradition orale qui, jusqu'à nos jours, a transmis à l'inconscient des artistes l'enseignement censuré de Johan : la musique est émancipatrice.
Mais vous le saviez déjà, n'est-ce pas ?...