« Tu te plains de la police, de l’armée, de la justice, des administrations, des lois, du gouvernement, des spéculateurs, des fonctionnaires, des patrons, des proprios, des salaires, du chômage, des impôts, des rentiers, de la cherté des vivres et des loyers, des longues journées d’usine, de la maigre pitance, des privations sans nombre et de la masse infinie des iniquités sociales. Tu te plains, mais tu veux le maintien du système où tu végètes. Tu te révoltes parfois, mais pour recommencer toujours. Pourquoi te courbes-tu, obéis-tu, sers-tu ? Pourquoi es-tu l'inférieur, l’humilié, l’offensé, le serviteur, l’esclave ? Parce que tu es l'électeur, celui qui accepte ce qui est, celui qui, par le bulletin sanctionne toutes ses misères, consacre toutes ses servitudes. Tu es le volontaire valet, le domestique aimable, le laquais, le larbin, le chien léchant le fouet. Tu es toi-même ton bourreau. Tu es l’employé fidèle, le serviteur dévoué, l’ouvrier résigné de ton propre esclavage. Tu es le geôlier et le mouchard. Tu es le bon soldat, le locataire bénévole. De quoi te plains-tu ? »
★ Albert Libertad (1875 - 1908)
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