#kamel-daoudi

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#Justice, #Répression, #Solidarité

Assigné à résidence depuis 14 ans : la justice refuse de lever la mesure pour ses “liens” avec l’ultra-gauche

On lui reproche d’avoir publié un #livre et signé une #pétition de #soutien à #Nantes-Révoltée

Savez-vous qu’en #France, un homme est assigné à résidence depuis plus de 14 ans, en-dehors de toute condamnation ? Il s’appelle #Kamel-Daoudi, et sa vie est une #prison à ciel ouvert, sous haute surveillance, depuis avril 2008. L’État expérimente la mise à mort sociale d’un homme avec des procédures d’exception. Dans l’indifférence.

Septembre 2001, en pleine fièvre suite aux attentats de New York, Kamel Daoudi est interpellé par les services anti-terroristes. La police le soupçonne de liens avec des réseaux liés à Al Qaida, et évoque des projets de violences contre l’ambassade des Etats-Unis en France, qui n’ont jamais été mis à exécution et que le prévenu a toujours contesté. Il va purger quatre ans de détention préventive, puis sera condamné en 2005 à presque sept ans de prison pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», il est donc libéré trois ans plus tard.

Mais l’État français, en plus de l’enfermement, lui retire aussi la nationalité française et tente de l’expulser vers l’Algérie. La Cour Européenne des Droits de l’Homme s’oppose à l’expulsion. La situation devient kafkaïenne : Kamel Daoudi se retrouve interdit de territoire tout en étant inexpulsable. Depuis, il est assigné à résidence.

Il est envoyé dans un petit village de la Creuse. C’est le début de 14 ans d’enfermement extra-judiciaire. Il a déjà purgé sa peine mais il reste privé de liberté sur décision de justice, alors que les services de #police le soupçonnent toujours d’ #islamisme.

Les années passent. Kamel Daoudi tombe amoureux, fonde une famille, tente d’avoir une vie normale. Mais ses faits et gestes restent surveillés en permanence par des agents qui le suivent. Il est notamment renvoyé en prison parce qu’il a accompagné sa femme à une échographie. À sa sortie, il est assigné à résidence dans une commune à plusieurs centaines de kilomètres de sa compagne. Sans cesse déplacé, il cumulera 7 lieux d’assignation à résidence au total, et vit dans un domicile loué directement par le ministère de l’Intérieur, sans aucun droit, sans possibilité de travailler ni de sortir d’un maigre périmètre. Il doit pointer plusieurs fois par jour dans un commissariat. Sa famille vient le voir quand elle le peut. Son quotidien devient «un jour sans fin».

Pendant ces longues années, Kamel Daoudi se bat pour lever ces mesures. Il se heurte systématiquement à des refus. Il a lancé un dernier recours cet été, auprès de la Cours d’Appel de Paris pour lever ces contraintes. Les magistrats ont rendu leur décision à la fin du mois de septembre : un rejet des demandes du plus vieil assigné à résidence de France. Pour motiver la poursuite de ces mesures d’exception, la justice met en avant les liens présumés de Kamel Daoudi avec «l’ #ultra-gauche».

C’est donc le scénario de «l’ #islamo-gauchisme», nouvel épouvantail répressif, qui est utilisé pour justifier une répression hors-norme. Voici ce que qu’écrit la Cour d’Appel : Kamel Daoudi est allé dans un bar «antisystème» d’Aurillac, et il tient «un discours antisystème» sur un compte Twitter. Exprimer son opinion et fréquenter un bar justifie donc une privation de liberté ?

Il est aussi accusé d’avoir signé une tribune pour la libération d’un militant en grève de la faim, enfermé sans jugement, pour un «projet» de violences d’ultra-gauche qui n’a jamais été démontré. Cet inculpé revenait du #Rojava, zone où les #révolutionnaires combattent #Daesh. Kamel Daoudi est donc accusé à la fois d’être une menace #djihadiste et de soutenir ceux qui se battent contre les djihadistes. Kafkaïen, encore. La justice l’accuse aussi d’avoir signé la tribune de soutien à #NantesRévoltée, lorsque notre média était visé par une procédure de dissolution.

Signer notre pétition devient donc un élément à charge dans la #République #autoritaire. Faudra-t-il assigner à résidence les 40.000 signataires de notre pétition ? Surveiller les plus de 300.000 abonnés à nos pages ? Kafkaïen, toujours. Pour l’État français, Kamel Daoudi ne doit pas seulement rester isolé et enfermé, il doit aussi être interdit de communiquer ses idées.

La phrase de conclusion des magistrats est extrêmement inquiétante : «Ces liens et ce militantisme avec une communauté contestant le ‘système’, soit le fonctionnement et les valeurs de la République ne peuvent pas ne pas être rapprochés de la nature des faits objets de la condamnation de 2005». Autrement dit, contester le système équivaut désormais, selon les autorités, à une accusation de #terrorisme ! Et cela justifierait des procédures extrêmement lourdes de #surveillance et de répression.

Cela fait vingt et un ans que Kamel Daoudi est enfermé. D’abord derrière des barreaux et des miradors, puis quatorze à l’air libre. Une vie entre parenthèse. Quoiqu’on pense des accusations portées contre lui, cette affaire est emblématique et va bien au delà d’un cas particulier. On le voit avec le discours ambiant sur le «séparatisme», ou encore pendant l’état d’urgence, quand la police a assigné à résidence à la fois des #musulmans et des #militants-anticapitalistes, ou quand certains #politiciens assimilent la pratique du #black-bloc au #terrorisme : cette procédure d’exception pourrait demain être étendue à d’autres personnes dérangeantes, à mesure que le régime politique se durcit.

Les avocats de Kamel Daoudi lancent de nouveaux recours. Le «jour sans fin» du plus ancien assigné à résidence n’est pas terminé.

Compte Twitter de Kamel Daoudi : @SentierBattant