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LA PENSÉE DU JOUR
Le billet doux d'Henri Gougaud

Le fond et la forme

Jules sort du bistrot, comme à son habitude. Sur la place, une grande croix, avec un Christ cloué dessus. C’est là qu’il croise le curé. « Bonjour, curé. » « Bonjour, Jules. » Puis, désignant la croix, le prêtre : « Et Lui, tu ne le salues pas ? » « Oh, pardon » répond l’autre. Il ôte sa casquette. « Salut, Jésus, comment va, ce matin ? » Le curé se renfrogne. « Est-ce ainsi, mauvais bougre, que l’on parle au Seigneur ? » Mais l’autre est déjà loin. Et de ce jour, tous les matins, même bonjour, même rengaine : « Comment va, ce matin, Jésus ? », même gronderie du curé. Le temps passe et voilà qu’un jour, Jules (il a trop forcé sur le blanc sec sans doute) se retrouve pâlot sur un lit d’hôpital. Il n’a pas de famille. Le curé vient le voir. « Alors, Jules, mon bon, tu ne t’ennuies pas trop, sans tes amis, tout seul ? » « Moi, seul ? lui répond l’autre. Tu plaisantes, curé. Notre ami de la place vient me voir tous les jours. Je me réveille, et il est là. Il me dit : « Alors, Jules, comment va, ce matin ? » Nous parlons un moment d’un peu tout, et voilà. »
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LA PENSÉE DU JOUR
Le billet doux d'Henri Gougaud

La peur n'évite pas le danger

Faut-il avoir peur de l’avenir ? A-t-on pris la mesure de l’absurdité d’une telle question ? Autant se demander si, pour marcher, il faut se casser une jambe ! L’avenir, nous devrons le vivre, voilà tout. Nous devons, pour l’encourager, le nourrir d’autant de bonheurs, d’autant de rêves que possible.
#HenriGougaud
#sagesse

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LA PENSÉE DU JOUR
Le billet doux d'Henri Gougaud

Météo intime

La froideur de la raison divise. La chaleur de l’émotion réunit. Le froid gèle la rivière et la sépare en glaçons entrechoqués. Le redoux du printemps réunifie ce qui avait été séparé. Mais gare aux glaçons accumulés, ils font, quand ils fondent, les grandes inondations.
#HenriGougaud

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LA PENSÉE DU JOUR
Le billet doux d'Henri Gougaud

La partie d'échecs

Un guerrier fatigué d’errer de vains combats en longues marches s’en fut un jour rendre visite, au fond d’une forêt bruissante, à un ermite réputé pour sa sagesse sans défaut. Dans la hutte où il fut reçu cet homme confia au sage sa fatigue des cruautés et des malheurs de notre monde, puis il lui dit :
- Soyez mon maître. Je vous supplie de m’enseigner ce savoir probablement simple qui fait briller votre regard.
L’ermite accepta de l’aider. Il lui apprit comment discipliner son souffle, maîtriser ses pensées, goûter la vie cachée derrière l’apparence. Le guerrier l’écouta, puis s’en revint chez lui. Il s’exerça, il crut bien faire. Ce fut en vain. Il se perdit. A bout de patience, un matin, il revint auprès du saint homme.
- Malgré mes efforts, lui dit-il, mes progrès sont inconsistants. Je suis toujours aussi avide, et mal à l’aise dans ma peau. Comment, moi qui m’aime si peu, pourrais-je un jour aimer les autres ?
L’ermite lui donna de nouvelles leçons. Il lui apprit l’art de brider les débordements de ses sens, d’apaiser les bruits de son cœur, d’éviter les vaines tempêtes. L’autre écouta, hocha la tête et s’en alla revigoré. Jour après jour il s’exerça, observa les ordres donnés, tenta de comprendre et d’aimer. Peine perdue. Après un an, il se sentit plus malheureux qu’il ne l’avait jamais été. Il s’en retourna voir l’ermite, se plaignit, se mit en colère.
- Vieil homme, lui dit-il, votre savoir est nul. J’ai tout fait comme il le fallait et je suis toujours aussi vide. Je crains fort que vous ne soyez qu’un vulgaire marchand de vent.
L’autre écouta ses jérémiades avec une attention pointue, puis s’en fut prendre un jeu d’échecs dans un coin obscur de sa hutte. Il l’installa entre eux. Il dit :
- Jouons ensemble une partie définitive et sans pitié. Voici ce que je te propose. Celui qui la perdra mourra. Le vainqueur tranchera la tête du vaincu. Es-tu d’accord pour cet enjeu ?
Le soudard, étonné, regarda le vieil homme. Il vit, dans son regard, un éclat de défi.
- D’accord, dit-il. Finissons-en.
Ils se penchèrent, face à face, sur les figurines de bois.
Le guerrier se trouva bientôt en posture presque intenable. Chacun avait joué six coups, il avait perdu quatre pièces et son roi était découvert. Il s’en trouva tant effrayé qu’il joua de plus en plus mal. Il regarda son adversaire. Il le sentit impitoyable. Assurément, cet homme-là n’hésiterait pas un instant à l’empoigner par les cheveux et le saigner comme un chevreau. Alors, l’esprit vertigineux, il se dit qu’il n’était plus temps ni d’avoir peur, ni de se plaindre. Il se souvint que d’ordinaire il savait finement jouer. Pourquoi n’y parvenait-il plus ? « Parce que j’ai peur », se dit-il. Il s’efforça de respirer comme cet homme imperturbable lui avait autrefois appris. Lui vint alors l’idée que le plus important était de jouer pleinement, quoi qu’il arrive, jusqu’au bout. Il s’absorba un long moment, courbé sur le champ de bataille. Il vit comment sauver son roi. Il jubila, reprit espoir. Après vingt coups, « bien, se dit-il, me voilà de partout gardé ». Trois coups de plus. Son cœur bondit. Une faille lui apparut dans le jeu de son adversaire. Il poussa un rugissement, prit sa reine pour l’engouffrer dans cette brèche, là, ouverte. Son geste resta suspendu. Il regarda le vieil ermite, le vit d’humeur aussi égale qu’à l’instant où lui-même était presque vaincu. Il baissa le front. Il pensa : « Pourquoi tuerais-je ce brave homme ? En vérité, je suis certain qu’il aurait pu dix fois me vaincre quand l’épouvante m’embrumait. Il ne l’a pas fait, Dieu merci. » Il grogna, reposa sa reine et poussa un pion inutile.
L’ermite, d’un revers de main, renversa l’échiquier dans l’herbe
- Il faut vaincre la peur, dit-il. Ensuite peut venir l’amour.
Le guerrier éclata de rire. Ils restèrent longtemps ensemble à goûter le temps qu’il faisait.

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LA PENSÉE DU JOUR
Le billet doux d'Henri Gougaud
#henrigougaud #poesie #moyenage

La cité des fous

En une ville ne sais quelle
un jour tomba une ondée telle
que tous les gens mouillés de pluie
en furent rouillés de folie

Ils furent tous frappés sauf un
qui réchappa du sort commun
pour avoir chez lui sommeillé
quand la ville se mal mouillait

Et se levant après le somme
l’averse enfuie voilà notre homme
qui sort au soleil, voit des gens
tous étaient d’esprit indigent

Tel bouscule un voisin qui choit
tandis qu’un balourd faitr le roi
les poings noblement sur les hanches
un bouffon passe sous les branches

On s’injurie on se menace
on rit on pleure et l’on grimace
tel tribun parle sans méninges
tel autre va singeant les singes

Et notre homme en bonne santé
s’étonne fort en vérité
hélas de la santé publique
le voilà exemplaire unique

Jugez quelle fut sa stupeur !
Mais tous les autres prirent peur
le voyant agir sainement
on le crut pour le coup dément

On l’assaille on se le renvoie
si fort qu’il part tout de guingois
griffes dehors on le déchire
il tourne il va il vient il vire

Perclus comme Christ en Passion
il rejoint enfin sa maison
et s’y enferme à double clé
brisé de si franche raclée

Ma fable est à la mâle image
de notre monde et de notre âge
ce siècle est comme la cité
où croît folie en liberté

Traduit et adapté du troubadour Peire Cardenal (XIII° siècle)

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LA PENSÉE DU JOUR
Le billet doux d'Henri Gougaud

** "Je crois qu’il faut quitter ce monde, ne plus rien voir, plus rien entendre, vivre au large des maîtres fous qui s’acharnent à nous gouverner, nous pétrir et nous façonner à la mode de leurs démons. La vie, la vraie, est hors-la-loi. "**

Un nouvel extrait du roman paru début novembre chez
Albin Michel intitulé
"La confrérie des Innocents"
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LA PENSÉE DU JOUR
Le billet doux d'Henri Gougaud

Allez, le conte du jeudi!

Aujourd’hui le sultan se rend à la mosquée. Il sort de son palais, la mine haute et fière, sur sa monture ornée de plumes de haut vol et de diamants plantés entre les deux oreilles. Ses gardes devant lui dégagent le passage, fouettent, bastonnent sans pitié ceux qui ne fuient pas assez vite. Un homme s’attarde. Il est pris. Un bâton s’abat sur son dos. Il tombe devant le cheval de l’incomparable monarque. Il se redresse, il crie :
- Sultan ! Vois ce que tu fais à ton peuple quand tu te rends à la mosquée par amour d’Allah et des êtres. Dis, de quoi seras-tu capable le jour où tu décideras, par malheur, de haïr un peu ?

#HenriGougaud #conte

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LA PENSÉE DU JOUR
Le billet doux d'Henri Gougaud
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Il est l'heure de se réveiller!

Sort de la mort, cesse de rêver, frappe aux cinq portes de tes sens et opère avec le vent. Appelle le Seigneur caché dans le secret de ta substance. Ton propre corps est ton tabernacle. Je suis toi-même. Sors de ton histoire. Écoute les légendes et le parfum des dieux. Elles ont pénétré le monde afin d'aider les hommes. Colle-toi au feu d'amour et deviens le fils de sa lumière

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LA PENSÉE DU JOUR
Le billet doux d'Henri Gougaud

La chanson du vendredi

J’ai croisé mon père en voyage
il descendait le cours du temps
je remontais les rues de l’âge
nous avons vécu un instant
nous aimant à la même page
puis je m’en fus le cœur battant

Que la vie est belle pourtant

Le temps passa bonne rivière
et je m’y suis baigné dedans
mais je fus toujours solitaire
l’amour ne m’a pas fait content
me consumant à sa lumière
il m’a tué doux combattant

Que la vie est belle pourtant

A mes saisons je fus poète
je fus heureux serrant les poings
je n’avais que soleil en tête
et j’ai chanté l’aube qui point
debout sur le fronton des fêtes
mais désormais nul ne m’entend

Que la vie est belle pourtant

Vous n’aurez pour tout héritage
mes amis que mes sentiments
car je ne suis ni bon ni sage
je suis sur terre un court moment
pour m’y bâtir des paysages
pour y souffrir quelques tourments

Que la vie est belle pourtant