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Nedjib Sidi Moussa : "Je suis frappé par la nocivité de l'usage des smartphones et des réseaux sur mes élèves"

#politique #enseignement #éducation #lobotomie

Kévin Boucaud-Victoire
8–10 minutes

Marianne : Depuis des années, vous êtes professeur contractuel, un statut précaire. Pouvez-vous revenir dessus ?

Nedjib Sidi Moussa : Après avoir enseigné plusieurs années dans le supérieur, essentiellement en tant que vacataire, je suis devenu professeur contractuel d’histoire-géographie dans le secondaire. De source ministérielle, la part des enseignants non titulaires au sein de l’Éducation nationale s’élève à 7,5 % (soit 65 000 personnes). Mais ce chiffre, en hausse depuis 2010, masque de fortes disparités spatiales. En effet, dans certains établissements jugés « difficiles », les contractuels peuvent représenter jusqu’à un tiers du corps enseignant. Sans même parler d’autres catégories comme les assistants d’éducation (AED) ou les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).

Ce statut semble peu défendu par les syndicats et vous notez que les titulaires vous prennent souvent de haut…

Face à ce phénomène, les directions syndicales peuvent donner le sentiment de ne pas en faire assez. Néanmoins, j’aimerais rappeler que le taux de syndicalisation des enseignants est passé de 45 % au début des années 1990 à 30 %. Ensuite, les syndicats regroupent surtout des titulaires qui ont passé un concours après leurs études et sont attachés au statut de fonctionnaire dont ils craignent la remise en cause. Enfin, si les syndicats revendiquent la titularisation des contractuels, les modalités varient selon les organisations.

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Mais cette question ne saurait être réglée sans la participation des premiers intéressés considérés comme des variables d’ajustement ou des menaces pour la fonction publique. C’est à cette aune qu’il faut comprendre l’attitude méfiante, voire méprisante, de certains titulaires à l’égard des contractuels. Je tiens toutefois à souligner le comportement exemplaire de nombreux autres collègues attachés au service public, sans esprit corporatiste.

Vous soulignez que vos élèves sont le fruit « des mutations profondes qui ont transformé des décennies durant les classes populaires ». Qu’entendez-vous par-là ?

Mes élèves, des préadolescents au collège ou des adolescents au lycée, sont avant toute chose des enfants de la société française et du XXIe siècle. Dans leur grande majorité, ils partagent les goûts musicaux, le style vestimentaire ou encore la façon de parler des jeunes de leur génération. Mais ils présentent aussi d’autres caractéristiques propres à leur milieu. En effet, j’ai été systématiquement affecté dans des établissements classés en Réseau d’éducation prioritaire (REP), dans des quartiers défavorisés de la banlieue parisienne que l’on désigne pudiquement par l’expression « quartiers populaires ».

« Les mutations qui m’ont le plus frappé concernent le rapport à la technologie, à commencer par l’usage tout à fait nocif des smartphones, d’internet et autres réseaux sociaux. »

Par conséquent, mes élèves sont aussi, pour la plupart, des enfants des segments les plus fragilisés du prolétariat de ce pays, dont les parents ou grands-parents sont souvent nés au Maghreb ou en Afrique subsaharienne, tout en affirmant une sensibilité religieuse, surtout musulmane, et plus rarement chrétienne. De mémoire, un seul de mes collégiens s’est présenté comme athée en réaction à la religiosité ambiante. Au regard de mon expérience – puisque je viens, à peu de chose près, du même milieu et que j’ai aussi travaillé, durant mes études, comme animateur et AED auprès de publics modestes –, les mutations qui m’ont le plus frappé concernent le rapport à la technologie, à commencer par l’usage tout à fait nocif des smartphones, d’internet et autres réseaux sociaux.

Ensuite, j’ai constaté l’ampleur de la dépolitisation, ou du caractère « exotique » de la vie politique, chez l’écrasante majorité de mes élèves qui n’ont jamais vu de militant ou de syndicaliste. Enfin, j’ai remarqué l’influence déplorable de la criminalité, en particulier chez les garçons, qui véhicule un mode de vie basé sur l’argent, le pouvoir et la violence, aux antipodes des valeurs promues par le vieux mouvement socialiste.

Vos élèves semblent très préoccupés par vos origines…

Si mes élèves ont statistiquement plus de chances d’avoir en face d’eux une enseignante plutôt qu’un enseignant – puisque le métier est surtout exercé par des femmes – il est moins probable, en particulier dans ma discipline, de tomber sur un professeur qui porte un patronyme similaire au mien et qui recèle donc quelque chose de « familier » chez certains d’entre eux, voire de « mystérieux » puisque je m’amusais à ne pas répondre à leurs questions sur mes origines.

« La question identitaire s’exprime chez eux avec une plus grande intensité à l’occasion des compétitions sportives, des conflits internationaux ou des échéances électorales. »

Mais le plus important réside à mon avis dans le fait que ces jeunes se trouvent à une période cruciale de leur vie, entre l’enfance et l’âge adulte, ce que semblent oublier les personnes promptes à les stigmatiser en raison de leurs agissements. En réalité, quand ils m’interrogent sur mes origines, c’est un moyen de parler des leurs ou de celles de leurs camarades, et par extension de leur place dans cette société. Rien que de plus normal quand son histoire familiale est marquée par l’immigration.

Vous notez que durant la présidentielle, ils évaluent tous les candidats selon une grille de lecture binaire : « raciste/antiraciste ». Enfin, on vous rapporte des incidents durant le ramadan. Comment expliquez-vous que la question identitaire prenne autant de poids ?

Il y a des effets de contexte. La question identitaire – qui a envahi l’espace public sur des modalités qui ressemblent aux chamailleries de cour de récréation – s’exprime chez eux avec une plus grande intensité à l’occasion des compétitions sportives, des conflits internationaux ou des échéances électorales. C’était le cas des présidentielles de 2022 avec les provocations haineuses d’Éric Zemmour qui rendaient Marine Le Pen moins « dangereuse » aux yeux de mes élèves…

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À leur niveau et avec leurs mots, ils cherchaient à comprendre qui, parmi les candidats (dont ils ignoraient tout), ne remettait pas en question la légitimité de leur présence ou celle de leurs proches en France. C’est sans doute simpliste mais c’est fondamental. Il faut partir de cette réalité.

Votre histoire raconte plus largement la précarisation d’une partie des diplômés, notamment des titulaires d'un doctorat. Pouvez-vous revenir dessus ?

Après avoir soutenu une thèse en science politique, il y a maintenant dix ans, je me suis heurté à l’impossibilité de trouver un emploi stable dans l’enseignement supérieur et la recherche – voire dans d’autres secteurs. C’est là aussi une problématique qui a été récemment mise en lumière à travers plusieurs mobilisations de travailleurs précaires ou de docteurs sans poste, en particulier dans les sciences humaines et sociales.

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Le nombre de postes offerts au concours a chuté au cours des dernières années, aggravant des logiques malsaines de concurrence, de clientélisme et de conformisme. Tout cela au détriment des personnels, toutes catégories confondues, des étudiants – sans lesquels l’université n’aurait pas lieu d’être – et de la connaissance. Dans le secondaire comme dans le supérieur, le service public est mis à mal depuis trop longtemps, au détriment de ses usagers.

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  • Nedjib Sidi Moussa, Le remplaçant. Journal d’un prof (précaire) de banlieue, L'échappée, 224 p., 18 €

https://www.marianne.net/agora/entretiens-et-debats/nedjib-sidi-moussa-jai-constate-la-depolitisation-et-linfluence-de-la-criminalite-sur-les-eleves

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14 juillet
Des codes, des anti-codes, des lois, des arrêtés, des règles, des équerres, des cases, des formes à géométries variables, des normes informes pour nous astreindre, nous contraindre « pour notre bien » à rentrer dans des moules douillets, sécurisés, branchés, isolés, uniformes, préfabriqués, alignés, sans aspérité. Plus besoin de réfléchir, il faut suivre les ordres, les injonctions, les instructions, les consignes, sous peine de bannissement, de quarantaine, d’opprobre général, d’exclusion, de déshonneur, de mort sociale, de mort tout court. Surveillés , ballotés , dirigés, estourbis, KO par abandon. Nous nous agitons comme des « pesoùn dans la peigue », nous braillons, nous protestons, nous nous essoufflons, pour finalement, lobotomisés se retrouver en deux temps trois mouvements, bien sagement confinés, piqués, rééduqués, anesthésiés, alignés en rang par deux…..en ordre de marche vers le supermarché, via le télé-travail. Les derniers « résistants » encerclés, catalogués, dénigrés, dépréciés, pressés, isolés, éborgnés et à l’occasion embastillés ne représentent plus aucun danger et peuvent même servir de repoussoir et à l’occasion de caution démocratique pour concrétiser la liberté d’expression….Attention tout de même au retour de bâton !
Dire qu’il n’y a pas si longtemps on pouvait boire un café sur le cours Mirabeau sans se faire estourbir par un pruneau inopportun …… Mireille MOUTTE

(Non je ne suis pas dépressive !… juste un peu fatiguée ….un petit coup de mou !! Ça arrive non ? Ça aussi c’est plus possible, c’est hors norme !!!!)