Série « “Accumulez, accumulez !” »
Comment l’accumulation est-elle devenue un principe maître de nos sociétés modernes ?
Avec
Valérie Guillard Professeure à l’université Paris-Dauphine, auteure de « Comment consommer avec sobriété » (Éditions De Boeck, 2021) et co-auteure du rapport « Penser la sobriété matérielle » publié par l’ADEME (2019)
Sophie Dubuisson-Quellier sociologue, directrice de recherche CNRS et directrice adjointe du Centre de sociologie des organisations (CSO), spécialiste de la consommation « engagée »
Durant les Trente Glorieuses, l’un des indicateurs du niveau de bien-être des Français correspondait à la quantité moyenne de déchets qu’un ménage émettait - ce qui en dit long sur les pratiques accumulatrices de la société de consommation, mais aussi sur un #consumérisme inconséquent. L’accumulation des objets recouvre en effet deux réalités distinctes (qui ne sont cependant pas tout à fait opposées) : le fait d’acheter toujours plus d’objets, mais aussi le fait de les conserver.
Une société de l’abondance : l'obsession des objets
La consommation d'objets et de produits manufacturés est devenue centrale dans les économies : l’accumulation d’objets naît certes de l’émergence d’une société de consommation, mais cette dernière provient d’une certaine organisation de nos sociétés comme marchandes. Selon Sophie Dubuisson-Quellier "dans toute l'histoire de la consommation, on trouve d'abord un rôle assez moteur de l'offre et de la problématique des producteurs, qui doivent écouler des quantités croissantes de biens sur les marchés. Ceci augmente le régime d'une consommation aspirationnelle, où chacun aspire à participer à la société par sa consommation et donc à devenir acquéreur de biens auxquels il n'avait pas accès précédemment. Et cela dépasse la consommation de biens eux-mêmes et concerne aussi les services, tels que le voyage en avion, qui est encore très aspirationnel pour une partie de la population". À partir de l'après-guerre, pour vendre toujours plus, des stratégies marketing sont mises en place, Valérie Guillard précise "ce sont des techniques extrêmement puissantes qui attisent toujours l'envie, le désir d'acheter. Par la #publicité, il y a une construction sociale qui est le fait d'associer la consommation au bonheur, et la consommation à la réussite personnelle".
Repenser l’accumulation : du trop-plein d’objets à la sobriété
Il arrive un moment où les objets nous envahissent, au point même d'éventuellement fragiliser nos relations sociales, selon #ValérieGuillard "la #consommation peut nous rendre complètement vulnérables, car quand nous sommes envahis par des objets en surnombre à la maison, cela peut générer du mal-être. Il y a bien sûr un mal-être lié à la frustration de ne pas pouvoir acquérir et cela est vrai dans différentes classes sociales, mais là, on parle du mal-être d'avoir trop de choses. Il y a une charge très forte des objets, parce que les objets parlent, on dépose des affects sur les objets". Cette lassitude causée par un excès d'objets est peut-être une des explications au désir de sobriété qui apparaît aujourd'hui, #SophieDubuisson-Quellier précise "c'est effectivement un thème qui monte très fort, mais qui est finalement assez peu connecté à cette question de l' #accumulation. Pour l'instant, la #sobriété est cadrée comme une pratique de modération dans un contexte où l' #énergie n'est plus aussi abondante et devient plus coûteuse. Ce thème de la sobriété, qui était presque tabou dans le discours public ces dernières années, est devenu un moyen de régler toute une série de problématiques collectives".
Bibliographie
Valérie Guillard : Boulimie d’objets : l’être et l’avoir dans nos sociétés, De Boeck, 2014
Sophie Dubuisson-Quellier : La consommation engagée aux Presses de Sciences Po (2009 réédité en 2018)
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