### Jean LATREILLE sur LinkedIn
#politique #éducation #enseignement #effondrement
L'enseignement de l'ignorance et la fabrique du crétin tournent à fond.On est foutus.
"Monsieur, le salaire annuel c'est tous les mois ou tous les ans ?"
Les indices ne manquaient pas, pourtant, dans cet énoncé de devoir de seconde. Le document présenté faisait état d'un salaire annuel de 48 054 €, pour un ingénieur débutant. Mais non : l'élève ne voyait vraiment pas si c'était par an ou par mois.
"-Annuel, ça veut dire quoi, pour toi ?" lui ai-je demandé.
"-C'est quand ça revient". Oui, en effet. "-Mais tous les combien ?"...
Non, décidément, elle ne voyait pas.
Ce n'est que quand je lui ai expliqué que c'est tous les ans, comme dans an-nuel, que ses yeux se sont éclairés. "Mais bien sûr..." Son regard m'a remercié en s'excusant presque. "Ça n'est pas grave, lui a répondu mon sourire : tu es là pour apprendre".
Quand le constat est fait par des enseignants que le niveau est dramatiquement bas, vous pouvez les croire. La maîtrise des adjectifs de temporalité relève du cours primaire, pas du lycée. Enfin : jusqu'à récemment.
Et cette élève n'est ni la plus mauvaise ni la meilleure de cette classe. Elle est sérieuse et travailleuse. Je sais que maintenant le mot "annuel" fait partie de son bagage linguistique. Il reste "mensuel", "hebdomadaire", "décennal" et quelques autres...
L'autre problème, c'est qu'elle ne semble pas capable non plus de diviser 48 000 € par douze pour voir ce que ça ferait par mois, s'il était versé tous les ans. Et encore faudrait qu'elle sache si 4 000 € est un gros ou un petit salaire.
La leçon est toujours la même : sans maîtrise des langages littéraires et mathématiques, nos élèves sont empêchés de penser. Ça fait des années qu'on parle de revenir aux fondamentaux, au socle des savoirs, aux bases de la connaissance. Mais on leur apprend à penser et à critiquer dans des cours d'éveil à la vie citoyenne avant de leur donner les moyens de simplement comprendre ce qu'on leur apprend.
Nos élèves passent entre 5 et 18h par jour en moyenne sur des écrans dont un analphabète peut comprendre le fonctionnement : faire glisser le pouce et cliquer sur un écran n'est pas une compétence que l'école a besoin de transmettre.
Pourtant, les intégristes des Ed-tech vous trouveront toujours une compétence que les machines transmettent mieux que les enseignants. C'est que le marché des apprenants est un sacré marché. S'il y avait sur les applications pédagogiques autant d'abonnés que sur Facebook (qui va atteindre son 3 milliardième abonné actif) l'humanité serait sauvée grâce à la diffusion massive du savoir.
Mais ça n'est pas ce qui se profile à l'horizon : les smartphones volent toute leur attention à des jeunes qui demandent toujours plus d'aliénation, dont ils jouissent à la vitesse de la lumière.
"Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage, / Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. » écrivait pourtant Boileau.
Alors jai affiché "Au boulot !" à côté du tableau de ma salle de classe. Et je leur répète que le travail paye, car le diplôme mène à l'emploi.
Mais des emplois pour quoi faire ?