Alors que son crĂ©ateur vient de sâĂ©teindre Ă lâĂąge de 85 ans, retour sur le parcours tumultueux du corsaire le plus cĂ©lĂšbre de la galaxie manga.
DĂ©but 1970, la traduction de plusieurs oeuvres de science fiction amĂ©ricaine fait dĂ©couvrir le genre au Japon. Surfant sur cette nouvelle mode, la maison dâĂ©dition Hayakawa Shobo acquiert les droits de plusieurs romans de lâamĂ©ricaine Catherine Lucille Moore et en confie l'illustration Ă un certain Leiji Matsumoto. Ce dernier commence Ă se faire un nom en tant que mangaka (dessinateur de manga). Parmi les personnages de Moore, le dessinateur dĂ©couvre #NorthwestSmith, hĂ©ros hors-la-loi, vivant Ă bord de son vaisseau spatial, voguant de planĂšte en planĂšte, et qui l'aurait largement influencĂ© pour le cĂŽtĂ© rebelle au grand coeur dâAlbator. L'idĂ©e d'un corsaire de l'espace trotte en effet dans la tĂȘte du Japonais depuis un certain moment. « On devrait d'ailleurs parler de pirate, car Albator n'est pas Ă la solde d'un roi, mais cela fait tout de suite moins romantique » prĂ©cise Julien Pirou, crĂ©ateur d'un site rĂ©fĂ©rence sur Matsumoto.
Le style Matsumoto
NĂ© en 1938, #LeijiMatsumoto commence Ă dessiner Ă 15 ans. DĂ©jĂ , le design du drapeau pirate, plus tard utilisĂ© comme pavillon noir de lâ #Arcadia (le vaisseau dâAlbator, #Atlantis en français), est couchĂ© sur le papier. En 1954, il publie son premier manga Les aventures dâune abeille. DĂšs lors, Matsumoto va faire preuve dâune productivitĂ© Ă toute Ă©preuve. En France, lâauteur est principalement connu pour ses Ćuvres de science fiction, qui ne sont quâune petite partie de son travail. Au Japon, il sâinscrit dans une mouvance beaucoup plus rĂ©aliste. Nombre de ses mangas sont des satires sociales sur de jeunes tokyoĂŻtes ayant du mal Ă sâen sortir. Mais Matsumoto, câest avant tout un style graphique identifiable, qui fut inspirĂ© par le « pĂšre » du manga, #Tezuka ( #AstroBoy, Le Roi LĂ©o), mais aussi par des auteurs francophones comme Jean-Claude Forest (Barbarella) ouJean-Claude MĂ©ziĂšres (ValĂ©rian), et qui conjugue des objets mĂ©caniques trĂšs dĂ©taillĂ©s aux cĂŽtĂ©s de personnages aux traits enfantins et au physique caricatural. Sur le fond, pour Julien Pirou, « la caractĂ©ristique d'Albator, ce sont ses rĂ©cits emplis de poĂ©sie ».
En 1969, le manga Dai Kaizoku #CaptainHarlock (« Captain Harlock le grand pirate ») est la premiÚre apparition officielle d'Albator, sans lien avec celui que l'on connait aujourd'hui. Comme dans les comics, il n'existe pas spécifiquement de lien entre le différentes histoires.
Albator devient un dessin animé
En parallĂšle d'Albator, Matsumoto sâessaye Ă partir de 1974, Ă lâanimation avec la sĂ©rie #Yamato dont il conçoit les personnages et les vaisseaux. TrĂšs intĂ©ressĂ© par son travail, la TOEI, cĂ©lĂšbre studio japonais, lui propose de l'adapter en version animĂ©. Câest donc en 1977 que Matsumoto crĂ©Ă© une suite Ă son hĂ©ros balafrĂ© et qui donnera naissance Ă #Harlock78, directement inspirĂ© des mangas, qui continueront Ă ĂȘtre publiĂ© dans le mĂȘme temps. DĂšs les premiers Ă©pisodes, câest un immense succĂšs au Japon, qui ne mettra pas longtemps Ă arriver en France, « mĂȘme si peu de gens savaient que l'anime venait du Japon Ă cause de son style plus occidental » note Julien Pirou.
En 1978, la sĂ©rie est diffusĂ©e durant lâĂ©mission #RĂ©crĂ©A2 sous le nom dâAlbator 78, et malgrĂ© de bonnes audiences, les trois derniers Ă©pisodes ne sortent pas chez nous, les batailles spatiales Ă©tant jugĂ©es trop violentes. Il nây a dâailleurs quâen France que le nom du hĂ©ros a Ă©tĂ© adaptĂ©, considĂ©rĂ© comme trop proche du Capitaine Haddock de Tintin. La lĂ©gende raconte que c'est #ĂricCharden, compositeur et interprĂšte du gĂ©nĂ©rique français, qui aurait proposĂ© ce nom aprĂšs avoir assistĂ© Ă un match de rugby. Lâun des joueurs se nommait Jean-Claude Ballatore, et le chanteur aurait ainsi dĂ©clamĂ© « Ballatore fend les airs tel un albatros ».
Clash entre la TOEI et Matsumoto
L'année suivante, Matsumoto crée son #manga le plus populaire au Japon à ce jour, #GalaxyExpress999, l'histoire d'un train parcourant l'espace à la recherche d'une planÚte offrant l'immortalité. Et par deux fois, dans les films d'animation tirés de la série, Albator apparaßt dans cet univers en tant que personnage secondaire. La TOEI qui croit encore à la popularité du héros demande à Matsumoto d'écrire de nouvelles histoires, qui déboucheront sur deux nouveaux longs métrages d'animation : Le mystÚre de l'Atlantis (1978) et L'Atlantis de ma jeunesse (1982).
Encore une fois, le succĂšs populaire d'Albator au Japon ne se dĂ©ment pas, et c'est donc en toute logique que le studio d'animation japonais demande une suite Ă #Albator78. Mais une divergence de point de vue sur la direction Ă donner Ă Albator 84 mettra fin, en 1982, Ă la collaboration entre la #TOEI et Matsumoto. Ce diffĂ©rent aura pour consĂ©quence « une baisse significative de la qualitĂ© des Ă©pisodes », estime Julien Pirou. DiffusĂ© Ă 19h au Japon face Ă un autre « gros » manga de l'Ă©poque, #UruseiYatsura (diffusĂ© sous le titre #Lamu en France), la sĂ©rie obtient de mauvaises audiences et s'arrĂȘte au bout de 22 Ă©pisodes. Du coup, Matsumoto prend une dĂ©cision radicale : quitter le monde de l' #animation.
La nouvelle vie dâAlbator
Au dĂ©but des annĂ©es 2000, le duo Ă©lectro Daft Punk, fan de son univers, demande Ă #Matsumoto de superviser une sĂ©rie de clips pour accompagner la sortie de leur album Discovery (2001), qui seront rassemblĂ©s en un long mĂ©trage, Interstella 5555 (2003). En dehors de cette collaboration prestigieuse qui lui offre une visibilitĂ© mĂ©ritĂ©e auprĂšs des plus jeunes, le gĂ©nial #dessinateur se fait discret. Aujourd'hui, le personnage du capitaine Harlock reste nĂ©anmoins une rĂ©fĂ©rence dans l'univers de la science fiction nippone et l'influence de Matsumoto est intacte. Un reboot dâAlbator a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© en images de synthĂšse (2013) par Shinji Aramaki, et une nouvelle sĂ©rie de mangas a vu le jour Ă l'Ă©tĂ© 2014. Matsumoto en supervise l'Ă©criture des scĂ©narios et a dĂ©lĂ©guĂ© l'illustration Ă #KĂŽichiShimahoshi. Qu'on se rassure, #Albator n'a donc pas fini de veiller sur la galaxie...
#Manga #QuentinJost #Télérama