Comme la premiÚre fois, c'est dans l'allée ombragée que nous fûmes tous regroupés pour le choix de nouveaux ateliers. Les divers ateliers étaient listés sur un tableau. Les moniteurs avaient installé des flÚches partout afin que chacun pût se diriger vers l'atelier de son choix.
Moi, je savais ce que je voulais faire : fabrication de paniers en osier. Tous les sentiments de la premiĂšre fois revinrent trĂšs vifs dans mon cĆur. J'avais plus que jamais besoin de me raccrocher Ă cette consolation pour pouvoir enfin partir du bon pied.
Nous fûmes invités à nous rendre à nos ateliers en des consignes parfaitement claires :
« Ne courez pas ! »
Je vis autour de moi tous les enfants désobéir, courir, se bousculer, me bousculer. Je me reculai pour qu'on ne me fßt pas tomber puis je me rendis à l'atelier de fabrication de paniers en osier, confiante parce que j'obéissais parfaitement bien.
Pourtant, quand j'arrivai à mon atelier, on m'y refusa sous prétexte que j'arrivais trop tard et qu'il n'y avait plus de place.
C'était impossible. C'était incompréhensible. J'insistai, les larmes au bord des yeux.
« C'est moi. Vous m'reconnaissez pas ? La s'maine derniÚre, vous m'aviez dit que j'pourrais l'faire cette semaine.
- Fallait ĂȘtre plus rapide.
- J'ai obéi. J'ai pas couru.
- Eh ben, c'est qu't'y tenais pas tant qu'ça.
- Si, j'y tiens. C'est ma consolation. »
AprĂšs un moment de veine insistance, l'incohĂ©rence, l'injustice et la souffrance morale me firent faire ce malaise que les grandes personnes nomment pĂ©jorativement un caprice. Le moniteur qui avait dit de ne pas courir se moqua de moi parce que je me plaignais d'ĂȘtre punie pour avoir obĂ©i, la monitrice qui animait l'atelier m'assura qu'il y aurait une place pour moi la semaine suivante et on m'emmena Ă un autre atelier.
Je n'avais vraiment plus qu'une envie : rentrer Ă la maison. Pourtant, il fallait attendre la fin de cette sale colonie pourrie. L'aprĂšs-midi, l'aire de jeux m'Ă©tait d'un ennui mortel. J'en avais marre.
Ras l'bol ! Ras l'bol ! Ras l'bol !!!
Je n'avais aucune envie de marcher mais je me rĂ©solus quand mĂȘme Ă aller faire le tour du bĂątiment pour tuer le temps. L'allĂ©e ombragĂ©e me parut lugubre.
Tout au bout, au moins, la belle piscine bleutĂ©e Ă©tait toujours lĂ . Nous y Ă©tions allĂ©s une fois, au cours de la premiĂšre semaine. Ăa avait Ă©tĂ© super chouette. Un moniteur avait jouĂ© avec moi, on s'Ă©tait drĂŽlement bien amusĂ©s, tous les deux. Mais il avait fallu abrĂ©ger notre partie de plaisir parce que des enfants n'avaient plus envie de nager. Ils Ă©taient sortis de l'eau, ils s'ennuyaient et ils avaient froid.
Si on avait Ă©tĂ© dans la vraie vie, ils seraient partis faire autre chose tandis que nous, on serait restĂ©s Ă la piscine le temps qu'il nous faisait envie ; puis on se serait rejoints plus tard. Mais la colonie, ce n'est pas la vraie vie, c'est la collectivitĂ©, tout comme l'Ă©cole. En collectivitĂ©, il faut tous rester collĂ©s les uns aux autres. De fait, les enfants qui n'avaient pas envie de nager devaient rester bĂȘtement Ă attendre au bord de la piscine que les autres eussent fini de s'amuser ; puis, ceux qui s'amusaient dans la piscine durent s'interrompre pour Ă©courter l'attente des premiers. En somme, le principe de la collectivitĂ©, c'est de faire en sorte qu'on soit tous les boulets les uns des autres.
C'est nul, la collectivité. C'est pas des vacances.
Suite de la promenade : je longeai la façade sans m'approcher du portique. Pourtant, cette bande de garçons qui ne faisaient que rigoler entre eux me virent passer et me firent leur cinéma habituel :
« HĂ©, la fille ! dis qu't'es amoureuse d'Ăric.
- T'as pas intĂ©rĂȘt Ă l'dire. »
Comme si j'avais de l'amour dans mon cĆur broyĂ© par le chagrin !
Pis d'abord, j'm'appelle pas la fille, j'm'appelle Angélique.
« Non, chuis pas amoureuse d'Ăric. »
Et qu'on me fiche la paix.
SEX AND DESTROY un nouveau son rock ?
2Ăšme partie : LA PRINCESSE DANS LE DONJON
Chapitre 14 : Créons le mouvement !
section 8 sur 28
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