#dysphorie

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« Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde »
Albert Camus

« Le sexe est la raison de notre oppression par les hommes et le genre en est le moyen »
Rebelles du genre


Réflexions sur le mouvement transgenre

Des « troubles du genre », qui se manifestent par exemple par le travestisme, existent depuis des temps immémoriaux. Mais comment expliquer, alors que la dysphorie de genre ne concernait qu’environ 0,01 % de la population jusqu’à récemment, surtout de très jeunes garçons et des hommes adultes, et qu’aucune littérature scientifique n’existait avant 2012 sur les filles âgées de onze à vingt ans, qu’actuellement des adolescentes1 se déclarent soudainement transgenres, veulent « changer de genre », sans avoir auparavant manifesté le moindre symptôme ? Cette « dysphorie de genre à déclenchement rapide » est largement la conséquence d’un courant culturel et idéologique, le transgenrisme qui promeut l’idée de transidentité, et particulièrement de son versant activiste, le transactivisme. C’est avant tout ce dernier que dénonce cet article, pour raisons de santé publique et de défense du féminisme.

Le terme transgenre englobe des situations très différentes qu’il confond alors. Il regroupe tant un ressenti tel la non-binarité que des actions (que l’on nommait par exemple travestisme), tant les transitions sociales (se déclarer d’un autre genre que son sexe) que médicales (médicamenteuse voire chirurgicale).

L’approche affirmative

La journaliste étasunienne Abigail Shrier a enquêté sur le transactivisme envers les adolescentes dans son pays et a écrit un livre-enquête, Dommages irréversibles2.
Souvent, aux États-Unis d’Amérique, dans le système scolaire ou dans le milieu médical, en vertu de l’approche affirmative, un adolescent se déclarant soudainement transgenre ne se verra pas interrogé sur la justesse et les raisons profondes de cette affirmation. Particulièrement le corps médical devrait chercher à découvrir quel trouble ou pathologie cache éventuellement cette affirmation. Mais de nombreux professionnels de santé (y compris mentale) valident l’autodiagnostic de leurs patients ! Et certains médecins prescrivent dès les premières rencontres des bloqueurs de puberté ou une hormone de synthèse dont la prise a pourtant des conséquences irréversibles, et envisagent même sans réserve l’ablation d’organes sains. Dans n’importe quelle autre situation il en serait autrement. Tous les patients en souffrance doivent être traités selon les mêmes principes thérapeutiques, et un approfondissement des raisons qui poussent un adolescent à un tel autodiagnostic devrait d’autant plus être réalisé qu’à son âge il n’a pas « un degré de certitude suffisant pour qu’on lui confie des décisions qui bouleverseront toute sa vie2 ».

Les psychopathologies ignorées

Tant Abigail Shrier que Nicole Athea3 ou Karin Matisson et Carolina Jemsby4 rapportent que la dysphorie de genre est souvent le symptôme d’une ou plusieurs psychopathologies qu’il est primordial de traiter avant tout. Se définir transgenre à cet âge constitue souvent une échappatoire et le miroir aux alouettes. En effet, nombre d’adolescentes se déclarant transgenres souffrent d’abord des changements corporels et d’un mal-être typiques de cette période de la vie (la dysphorie pubertaire), d’anxiété, de dépression, ou encore de difficultés sociales parfois liées à un trouble autistique. Et sont souvent tout simplement homosexuelles ou bisexuelles sans l’admettre5.
Dans la majorité des cas, à cet âge, la dysphorie de genre n’est pas le bon (auto)diagnostic, et, souvent, si elle n’est pas suivie de transition, elle disparaît6. D’où l’intérêt de prendre le temps nécessaire à un accompagnement pour confirmer ou infirmer cette impression. Malheureusement, la validation de l’autodiagnostic de dysphorie de genre est devenue la voie normative pour tenter de régler les psychopathologies adolescentes.

Le cadre légal en France

Les traitements hormonaux peuvent être prescrits dès 16 ans, et les opérations chirurgicales à partir de la majorité. Depuis 2022, le suivi psychiatrique n’est plus obligatoire, et la prise en charge est remboursée à 100 % au titre de l’ALD 31 (affection longue durée)7. Des bloqueurs de puberté peuvent être administrés bien avant. Ils sont considérés comme réversibles, mais cela est contesté, car les effets sanitaires peuvent être conséquents à long terme (fragilité osseuse et risque de stérilité notamment)8. Les mineurs doivent obtenir l’accord parental, sauf si le corps médical décide de s’en affranchir9.
Mais la pratique de l’approche affirmative par le corps médical empêche tout diagnostic donc toute réponse appropriée. Et le consentement éclairé d’un mineur est un leurre. Comme celui de parents qui risquent d’être accusés de transphobie et de maltraitance.


La misogynie et l’homophobie intériorisées

Le transgenrisme est construit sur des stéréotypes. Revendiquer une « identité de genre », c’est valider le rôle social assigné à chacun des sexes, se référer voire se conformer aux codes de la masculinité ou de la féminité, donc à des préjugés sexistes. Et ainsi, au sein de la société patriarcale, renforcer la misogynie. Le transgenrisme va à l’encontre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, particulièrement de son article 10 qui requiert « l’élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l’homme et de la femme à tous les niveaux10 ».
Audrey A. et Nicolas Casaux analysent : « Tandis que l’essentialisme traditionnel, conservateur, prétend que les femmes sont comme ci ou comme ça, l’essentialisme transidentitaire prétend que les personnes qui sont comme ci ou comme ça sont des femmes11. » Cette position est régressive vis-à-vis des progrès permis par le féminisme.
Par ailleurs, la notion de « non-binarité » est surprenante. Sans doute n’est-il pas excessif de dire que la plupart des personnes ne sont pas binaires, c’est-à-dire ne correspondent pas aux stéréotypes et ne souhaitent pas s’y conformer. Si nous le voulons, nous sommes « libres de genre », a-genre, libres d’être émancipés des valeurs normatives et de choisir un destin social indépendant de notre sexe.

Le transactivisme tente de convaincre les femmes (et de façon symétrique les hommes) que, si tu n’es pas conforme aux stéréotypes féminins, tu n’es pas une femme, tu es trans, donc qu’il faut « transitionner » ! Que simplement se poser la question revient à valider l’existence d’une dysphorie de genre ! Cette tentative d’effacer la réalité du sexe féminin, ce refus d’être une femme ou de son homosexualité résulte aussi de l’intériorisation du sexisme et de l’homophobie12.

Un activisme délétère

Outre l’existence d’un certain narcissisme, d’un phénomène de mimétisme et d’appartenance à un groupe commun au jeune âge auquel apparaissent actuellement le plus ces questionnements, ainsi que la représentation des femmes dans la pornographie et leur vécu du sexisme dans leur propre vie, les adolescentes sont souvent victimes de mentors, particulièrement à l’époque de la généralisation de l’usage d’Internet et de l’ordiphone, notamment des réseaux dits « sociaux ».

Pour imposer ses points de vue transhumanistes, le mouvement militant trans, très prosélyte, utilise un activisme acharné et une violence régulière contre les personnes qui ne partagent pas les mêmes positions : des insultes13, des censures et pressions pour interdire la parole (menaces, annulations de conférences), jusqu’aux violences ou tags appelant au féminicide14, de la part d’hommes (biologiques) bien sûr. Ça ne choque pas ?

Au-delà de ses effets dommageables sur des personnes qui se seraient abstenues d’interventions médicales voire chirurgicales, cet activisme tend à extrémiser les positions des adversaires politiques (la droite) qui mettent alors derrière le wokisme aussi bien les revendications féministes ou homosexuelles relatives à l’égale considération que cet extrémisme trans. Toutes les luttes d’émancipation s’en trouvent affaiblies. Mais la gauche soutient !

L’annihilation de la possibilité du combat féministe

Ce mouvement trans, lorsqu’il concerne la transition masculin vers féminin, peut aussi aboutir à la fin des espaces de non-mixité réservés aux femmes et leur mise à l’écart des podiums des compétitions sportives.
Un homme transidentifié15, en effet, si les règles le permettent, accède aux toilettes, vestiaires, douches et dortoirs voire foyers pour femmes16, et, le cas échéant, est enfermé dans des prisons pour femmes17. Même s’il a conservé ses parties génitales, ce qui est généralement le cas. Pour les féministes, il semble impossible d’accepter cette intrusion qui génère une insécurité et l’invisibilisation des femmes. Si les intérêts des hommes transidentifiés doivent être pris en compte, cela ne peut se faire au détriment de ceux des femmes. Sinon cela sert à assoir la domination masculine.

Dans le fond, l’essentiel du problème vient d’une volonté d’effacer le sexe au profit du genre, que l’on puisse désigner un homme transidentifié comme une « femme trans ». En résulte une disparition des femmes en tant que groupe de personnes, ce qui leur retire toute possibilité de combattre en tant que groupe les discriminations spécifiques et systémiques dont elles sont victimes18. Ne plus pouvoir nommer la réalité des sexes annihile le combat féministe.

Pour ces raisons, le transgenrisme est perçu par certaines femmes – féministes radicales particulièrement – comme antiféministe et fondamentalement rétrograde.

En conclusion

Le respect des individus et de ce qu’ils sont est essentiel. S’il est nécessaire de reconnaître pleinement les personnes réellement dysphoriques de genre, admettre leur souffrance et tenter de les aider à y répondre, il me semble impératif de s’élever contre les diktats d’une minorité agissante, surtout lorsqu’elle promeut, même malgré elle, la société que nous combattons (domination masculine, individualisme néolibéral, extension du capitalisme technologique, etc.).


  1. Il semble qu’aucune statistique fiable n’existe en France, mais différentes sources laissent supposer que le pourcentage de personnes trans avoisine 1 % de la population, proportion plus importante parmi les adolescents, avec environ trois quarts de filles dans cette tranche d’âge. Le nombre d’admis en affection longue durée pour transidentité a été multiplié par 10 entre 2013 et 2020 (« Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », janvier 2022, p. 20 du document (https://urlr.me/N4GFQ) – rapport militant trans-affirmatif).
  2. Abigail Shrier, Dommages irréversibles – Comment le phénomène transgenre séduit les adolescentes, Le Cherche Midi, 2022 [Regency, 2020].
  3. Au sujet de la corrélation avec les psychopathologies, avec chiffres et références, lire Nicole Athea, dans Marie-Jo Bonnet / Nicole Athea, Quand les filles deviennent des garçons, Odile Jacob, 2023.
  4. The trans Train, 2019, documentaire suédois en trois parties (sur YouTube pour sous-titres français https://urlr.me/qRXpN).
  5. Dans ces cas, les traitements médicamenteux et chirurgicaux peuvent être considérés comme des thérapies de conversion consistant à transformer des personnes homosexuelles en simili-hétérosexuelles. En Iran, une fatwa accepte le transgenrisme comme moyen d’invisibiliser l’homosexualité.
  6. Regarder le documentaire britannique Les Enfants trans – Il est temps d’en parler de Stella O’Malley et Olly Lambert, 2018 (Dailymotion https://urlr.me/F9QSj, ou via Invidious https://urlr.me/67xFj). Et, à titre d’exemple, écouter le témoignage de Rose dans le podcast n° 78 de Rebelles du genre (https://urlr.me/ZzrpR).
  7. « Transidentité. Quel parcours médical pour les personnes transgenres dans les Hauts-de-France ? », France 3 Hauts-de-France, 2 mai 2023 (https://urlr.me/h2fQj).
  8. Regarder la deuxième partie de The trans Train, op. cit. (https://urlr.me/b1FSw).
  9. En vertu de l’article L1111-5 du Code de la santé.
  10. Nations Unies, « Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes » (https://urlr.me/YFHWr).
  11. Audrey A. & Nicolas Casaux, Né(e)s dans la mauvaise société – Notes pour une critique féministe et socialiste du phénomène transgenre, Le Partage, 2023 (en librairie ou là : https://urlr.me/hyJ4c).
  12. Pour un point de vue féministe et lesbien, lire Marie-Jo Bonnet, op. cit.
  13. Tu es totalement d’accord avec moi sinon tu es transphobe ! Tu n’utilises pas le bon langage donc tu es transphobe !
  14. « Sauve 1 trans, tue 1 Terf » ou « Kill all Terfs » par exemple. Terf est l’acronyme de Trans exclusionary radical feminist, soit Féministe radicale excluant les trans, expression erronée puisque ces femmes n’excluent pas les trans mais les hommes, et seulement de leurs espaces réservés. Cette insulte sexiste est devenue un appel à la violence. Reem Alsalem, la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur les violences envers les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences, s’en inquiète (https://urlr.me/BRrmW en anglais, ou https://urlr.me/v1c2d traduit).
  15. Un homme ayant pris une « identité de genre » féminine, un homme trans, mais nommé en novlangue « femme trans ». Les mots « femme » et « homme » font référence au sexe qui est immuable. Si on évoque le genre, il faut utiliser d’autres expressions, par exemple « personne transféminine ». De la confusion entre le sexe et le genre naît une fiction. La falsification du langage résulte d’une volonté de manipulation et doit être combattue.
  16. Jusqu’à vouloir intégrer des associations lesbiennes ! Lire Marie-Jo Bonnet, op. cit.
  17. Et peut-être n’imaginez-vous pas que La France insoumise puisse proposer un amendement allant dans ce sens (https://urlr.me/Z3NTW) !
  18. Cette confusion engendre la fin de mesures statistiques fiables sur les écarts de salaires entre les sexes (réels), sur les violences faites aux femmes (biologiques), etc.

Pour aller plus loin :
Je recommande la lecture du livre très documenté Né(e)s dans la mauvaise société d’Audrey A. & Nicolas Casaux (réf. en note 11).

[Article refusé par La Trousse corrézienne]

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